LE SAMOURAÏ BAMBOU vol.1 de Taiyou Matsumoto et Issei Eifuku, chez Kana éditions.
Le nouveau Matsumoto, je l'attendais de pied ferme. Je lis très peu de manga, mes auteurs préférés se comptent sur les doigts d'une main, mais lui je le place très haut. Donc là, l'histoire d'un samouraï ronin qui a troqué son sabre contre un sabre en bambou (argent ? Rédemption ?) mais qui ne peut empêcher son désir de combattre de prendre régulièrement le dessus. Un petit garçon se lie d'amitié avec lui.
Marrant comment, alors qu'il ne signe pas le scénario de cette série, tout colle pourtant complètement au style et aux thèmes de Matsumoto, à tel point qu'on jurerai qu'il en a fait au moins le découpage et le synopsis. Pour l'instant, premier tome (déjà 7 sortis au Japon), difficile de se faire une idée précise du niveau mais c'est parti pour être assez beau. Je reste admiratif de la sensibilité et de la poésie de ses récits, ce rythme à la fois enlevé et contemplatif, et puis le symbolisme et le concret dans un même mouvement.
La grande nouveauté, c'est le dessin, qui s'est radicalisé en se déplaçant vers l'estampe, avec beaucoup de réussite et d'humour.
Ça gagne en légèreté, en dynamisme et en liberté. Big Up.
On notera aussi que c'est un manga de "luxe", à 15€, mais belle édition, avec respect des pages couleur et beau papier de couverture.
MISERY LOVES COMEDY de Ivan Brunetti, édition Cambourakis.
Cambourakis avait publié le comics Schizo n°4 de Brunetti, il édite cette fois le recueil des 3 premiers, plus quelques pages publiées dans des collectifs et divers périodiques. Belle édition là aussi, pages couleurs et papiers différents, couverture toilée du plus bel effet.
Il s'agit donc de son comics autobiographique, où Brunetti parle de lui et de ses problèmes divers, santé, co-existence avec le monde, suicide... Le cas brunetti est extrême, mélange de rage et de haine contre l'espèce humaine, de dégoût des autres et de soi même en particulier, ses BD vont du long monologue plaintif et bilieux aux courts strips fulgurants de violence. Par exemple, une vision du monde de l'auteur :
Il y a plusieurs émotions qui peuvent parcourir le lecteur de Misery Loves Comedy : la sidération devant tant de mal être asocial (Joe Matt lui écrit : "Quiconque pense que je suis pathétique n'a apparemment pas lu votre bande dessinée", et c'est pas peu dire), le rire surtout devant la disproportion entre la chute comique (banale et faiblarde) et l'horreur des actions racontées (viols, meurtre, gerbe...), et l'ennui aussi, parce que c'est très répétitif. Enfin pas tant que ça puisque Brunetti établi de subtiles mais sûres variations de tons et de propos, et surtout une grande invention dans la forme. A tel point que c'est fascinant autant de travail et de soin à un projet à ce point nihiliste et dépressif.
Bien sûr, tout cela est certainement exagéré à des fins romanesques et comiques, et il y a une telle insistance dans la noirceur que ça produit parfois des beaux moments hystériques, comme par exemple ce passage après un monologue de 18 pages proprement déprimant :
(le titre de ce monologue : "Pourquoi chaque personne dans le monde pourrait disparaître instantanément de la surface de la terre, et je ne daignerais même pas me retourner, même si cela faisait un bruit immense - ou - Je vous hais. Je vous hais
tous !".)
c'est à la fois enthousiasmant et effrayant, jouissif et gerbant. A lire d'une traite, c'est une expérience.
Le strip sexe vous est offert par Ivan Brunetti, y'en a des dizaines des comme ça et je suis pas sûr que ce soit vendeur mais bon...