ACME NOVELTY LIBRARY volume 19, de Chris Ware, auto-édité.
Ware est certainement un des auteurs les plus importants aujourd'hui, ne serait-ce que pour l'écho que son œuvre a dans la production contemporaine.
Il continue de creuser son sillon avec ce numéro 19 de son Acme Novelty, et poursuit le récit de la vie du pathétique Rusty Brown.
C'est donc comme toujours un livre très maîtrisé, très travaillé dans sa structure et sa narration, assez froid et déprimé, toujours en empathie avec ses personnages, et avec en plus une incursion très réussie dans la science fiction.
Le format est toujours le même aussi, mais à l'intérieur des pages c'est dessiné et écrit en beaucoup plus petit.
Un exemple un peu extrême :
On se retrouve le nez collé aux pages pour pouvoir lire, du coup le livre prend une taille gigantesque et une case de taille normale fait l'effet d'un grand écran. Immersion totale pour ma part. D'autant plus que les effets de mise en page et de mise en scène fonctionnent complètement au niveau de l'émotion. Pour la première fois, la sensibilité du livre tire plus vers le mélo, avec de vrais moment émouvants.
Moins spectaculaire que Jimmy Corrigan, c'est peut être par contre son livre le plus bouleversant. Pour moi ce fût un gros choc, j'ai mis deux jours à en sortir.
Le livre est en deux parties, assez différentes mais reliées par un fil narratif assez beau, et chacune des parties m'a frappé puissamment. L'humanité a toujours été présente chez Ware, mais derrière une écriture tellement géométrique et savante qu'elle pouvait parfois passer au second plan. Là cette virtuosité est en complète adéquation avec le récit et les ressorts dramatiques, les affects des personnages, Ware n'hésite plus à aller vers l'émotion, c'est très très fort et c'est beau.
Je milite pour que Ware soit le prochain Grand Prix d'Angoulême (pour ce que ça vaut), et à cette fin je n'hésite pas à sortir le coin de page sexe (et dépressif) :