Avez-vous peur de la mort ?
Non. Je serais mort de trouille face à un mec qui me braque, des flammes ou si je tombais d'un bateau, mais la terreur panique face au danger et la peur quant au fait que je vais mourir un jour sont deux choses différentes.
La mort est la seule certitude non-négociable dans notre existence. La seule chose dont on peut être 100% certain. Croyances, rencontres, opportunités, amour, chance, catastrophes... rien de tout ça ne peut être considéré comme acquis par avance, seulement craint ou espéré.
La mort, c'est du garanti quoi qu'il advienne.
De plus, c'est un état, ou plutôt une absence d'état qu'on ne peut conceptualiser. Ni par le langage, ni par les images : autrement dit, les deux outils qui nous séparent très distinctement des animaux et nous permettent de donner naissance à des concepts et des symboles sont impuissants quand il s'agit de penser, et bien sûr décrire la mort. Le mieux qu'on puisse faire, c'est de se dire que c'est comparable à avant qu'on existe, ce qu'on est incapable aussi de vraiment saisir par notre esprit.
C'est la seule certitude de nos vies, et la seule chose qu'on ne peut pas vraiment penser ou imaginer avec exactitude.
Je trouve cette perspective fascinante, donc, et pas du tout effrayante. Je conseille à tous la lecture du Phédon de Platon, sans doute son dialogue le plus beau d'un point de vue littéraire, et un des textes les plus magnifiques sur la mort qu'il m'ait été donné de lire (en gros c'est la dernière conversation de Socrate avec ses disciples avant qu'il n'avale le fameux poison). Bien des auteurs antiques, comme Marc Aurèle ou Sénèque, ont des choses infiniment plus intéressantes à dire de la mort en l'espace d'une lettre de trois pages, ou parfois même d'un demi paragraphe, que l'ensemble de la production culturelle occidentale des 125 dernières années.
Si on vous proposait une alternative à la mort, la prendriez-vous ?
Non, la mort est un phénomène naturel qui est constitutif du vivant, y compris végétal. L'obsession pour l'immortalité est de plus ancrée dans un culte du corps et de ses sensations et stimulations, sans aucune considération pour la possibilité de l'existance d'une âme. Il y a quelque chose de très infantile là-dedans, comparable à cet enfant qui ne veut pas que son après-midi de jeu s'achève même s'il commence à faire sombre et qu'il est épuisé. Et puis pas grand chose ne mérite de vivre au-delà de notre espérance de vie actuelle. Même nos enfants, quand on en a, gagnent à traverser l'épreuve de notre mort pour mieux se préparer à la leur.
Dans une perspective judéo-chrétienne ou médiatique-houellebecquienne, considérez-vous que la douleur physique dans la maladie est la preuve que la vie possède une valeur ?
Preuve non, mais ça peut être un rappel.
Avez-vous le souvenir d'agonies de proches, d'animaux de compagnie ou personnelles épiques ou cultes pour vous que vous souhaiteriez partager avec les foruméens ?
Déjà partagé dans je ne sais plus quel topic du même ordre.
Est-ce que vous avez déjà tué quelqu'un plutôt souvent, jamais, ou dans la moyenne ?
En esprit, oui.
Faut-il supprimer la sécurité sociale ? Trouvez-vous que les gens "savent mourir" (comme on "sait conduire") ?
La sécurité sociale n'est plus vraiment viable mais peut tenir encore quelques années. C'était une belle idée qui mérite encore d'être défendue. A un moment, la réalité démographique autour notamment du vieillissement de la population fait que ce n'est plus tenable. Mais quel ride.
Savoir mourir ça arrive sans doute encore chez certains individus tranquilisés par leur réfléxion sur le sujet, mais nos croyances culturelles actuelles ne préparent ni à mourir, ni à vieillir, ni à souffrir, donc c'est un chemin à prendre dans son coin sans attendre d'aide particulière.
+ bonus : Comment -vous figurez-vous l'au-delà ? Comme dans les religions du livre ?
Je ne sais pas.
_________________ Looks like meat's back on the menu, boys!
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