1942, pendant l’Occupation. Dans un petit village slovaque, les commerces juifs sont redistribués par les autorités. Tono (Jozef Kroner), un menuisier sans histoire, se voit attribuer la mercerie d’une vieille femme juive. Madame Lautmannová (Ida Kaminska), sourde, vit dans l’ignorance des mesures antisémites. Entre Tono et la vieille dame, l’affection naît.
Oscar du meilleur film étranger et prix spécial du jury à Cannes pour son merveilleux duo d'acteurs. Je ne connais rien des deux cinéastes tchèques hormis que Le miroir aux alouettes est considéré comme le sommet de leur carrière. Certains diront encore un film sur l'occupation et la seconde guerre mondiale, rien de nouveau de la multitude de films sur le sujet que j'ai pu voir, et bien même 50 ans après le film de Kadar et Klos demeure original et bouleversant à regarder.
C'est tout d'abord le type de film qu'on aborde tranquillement avec son scénario à l'apparence très simpliste. Le côté classique d'un petit village de Slovaquie où on voit l'occupation- collaboration nazie. Ce moment pivot de 1942 où la population juive après s'être fait décorée de l'étoile jaune va partir par wagons en camps de concentrations. Tono est un brave gars, médiocre et banal, sans cesse humilié par son beau-frère qui a lui réussi en étant le chef de la milice du village. Ce dernier lui affecte la mercerie d'une vieille dame juive dont il devient le propriétaire aryen.
Postulat ultra simple mais exploitation ultra-maligne de ce dernier. Cette dernière étant quasi-sourde, Tono se rendant compte de la croûte qu'est la mercerie (chiffre d'affaires inexistant, la vieille dame vit grâce à la solidarité de la communauté juive), il est payé par la communauté juive pour s'occuper de la vieille dame et lui faire croire qu'il est son assistant. Là où le film de Kadar et Klos est admirable, c'est comment à partir d'un postulat quasi-comique il arrive petit à petit introduire la tension et le sentiment d'une fin inéluctable qui approche à grands pas.
Etude cinglante sur la lâcheté face aux monstruosités de l'holocauste, scène géniale de la claque à son abrutie de femme qui lui demande de se dépêcher de trouver l'or caché possiblement sous le plancher de la vieille dame. C'est là où le film demeure moderne malgré son âge, nous montrer à quel point les idées les plus simplistes nées de l'ignorance d'une situation (je pense au vote FN) n'ont rien à voir avec la réalité si on prend le simple effort à découvrir cet inconnu. Mais là où le film demeure bouleversant, c'est dans la description de ce couple. Comment Tono va essayer de cacher la vérité puis de protéger sa vieille amie coupée de la réalité qui se dirige vers une mort certaine.
La dernière demi-heure pleine de tension entre Tono alcoolisé, ses scènes de rêve de vie paisible entre les 2 acolytes, culminent dans un émouvant final.
Le miroir aux alouettes est vraiment un film à (re)découvrir. Grand film.
5/6