Forum de FilmDeCulte

Francisco travaille à la construction d'une luxueuse maison à Mexico. Son frère meurt accidentellement sur le site. N'obtenant pas compensation pour sa belle-soeur de la part du propriétaire, Francisco décide de se faire justice soi-même.


Premier film mexicain produit par Michel Franco et qui, comme tout bon film mexicain qui se respecte, conte le bonheur de vivre dans ce paradis social qu'est le Mexique. Malgré une scène d'ouverture brutale qui signe une bonne entrée en matière, la première partie du film se mate mais enquille les jalons du cahier des charges misérabiliste du film de festival. Ces pauvres protagonistes qui vont voir tous les malheurs du monde, se faire exploiter par des méchants riches, sans réagir au point de se faire passer pour des punching-balls, c'est pas ce qui m'intéresse le plus. Portrait intéressant de cette "Mano de Obra" (main d'oeuvre) mais bon voilà ça reste limité.

Et c'est là que la seconde patrie du film va radicalement changer la donne. Sans en révéler plus, on rentre à la moitié dans une genre de fable sur une vie communautaire illusoire qui est soudainement beaucoup plus mordante et jouissive. Les relations entre les personnages beaucoup plus riches et complexes. Bref, c'est plus habile et ambigü et il y a cette sensation géniale de voir le danger tonner à l'intérieur et qu'on sait bien que tout va exploser tôt ou tard et faire un carnage. Car là où l'écriture excelle, c'est que même si on sait ce qui va se passer dans 10 minutes, on a la sensation de voir les personnages s'enfoncer inexorablement dans la gueule du loup. Cette chute du retour à la réalité qui va terrasser nos héros et les arracher à leurs rêves.

Et puis, ce tournant que prend le récit à la moitié dit finalement et, paradoxalement, de manière indirecte plus de choses sur les relations sociales au Mexique que dans sa première partie frontale. Beaucoup aimé aussi l'ambiguïté dans l'écriture des personnages. Par rapport à la première partie ou la distinction sociale (riche exploitateur vs pauvres ouvriers qui n'ouvrent pas leur gueule) est trop marquée, là c'est tout le contraire, il peut y avoir autant de vice ou d'humanité chez un personnage que chez un autre. Ca devient très cruel comme cette fin logique et attendue mais dure.

Au finale, je suis partagé. La seconde partie du film m'a autant emballé que la première partie m'a laissé froid. Je recommande toutefois car ce que montre Zonana dans la partie fable est très prometteur et vaut le coup d'oeil à lui tout seul.

3,5/6

La seconde partie n'est pourtant pas moins caricaturale que la première, puisqu'elle consiste justement à rejouer les rapports de domination de la première en substituant le propriétaire originel de la maison par son remplaçant (qui s'arroge la plus grande chambre et le jacuzzi alors qu'il est seul, qui y fait défiler les jeunes filles comme le précédent y accueillait les call-girls). Et puis qu'est-ce que l'on peut reprocher au propriétaire de la première partie, payer ses ouvriers une semaine en retard et tenter d'esquiver l'indemnité qu'il devrait verser à la veuve? Si tu trouves ça excessif il t'en faut peu pour te froisser, la réalité est pourtant parfois bien pire...

J'ai vu certaines critiques faire un rapprochement entre ce film et Parasite. Mais au-delà des scènes d'inondations (sa répétition chez Zonana est particulièrement cocasse et bien vue), les deux films n'ont finalement que peu en commun. Chez Bong Joon Ho les rapports de classes n'évoluent pas, chacun reste sagement à sa place, alors qu'ici ils sont mouvant. Ce qui intéresse Zonana ce n'est pas l'opposition entre riches et pauvres en tant que telle, mais de saisir les mécanismes qui pousse les premiers à perpétuer l'exploitation des seconds. C'est tout le but de la seconde partie, de voir Francisco progressivement endosser les habits du premier propriétaire et d'observer l'évolution de ses rapports avec ses colocataires. Là où je te rejoins c'est que la première partie traine tout de même un peu la patte, Zonana met un peu de temps à mettre en place son petit théâtre, ça n'est qu'une phase préparatoire qui n'est là que pour mieux être opposée à la cohabitation de la seconde. Pour autant je ne la trouve ni misérabiliste ou caricaturale. Et j'ai beaucoup aimé la manière dont il film l'accident du frère au début, ou l'assassinat du propriétaire. Ce sont pour lui de pur fait qui influe sur le déroulement de l'action, mais qui dans le contexte du film n'ont que peu de valeur. Ce sont donc des scènes où il ne s’appesantit pas, alors que bien d'autre aurait par exemple (et à tort) fait de la scène de l'assassinat un moment paroxystique du film.

Disons que je trouve ce "deuxième" film plus riche, plus surprenant, plus risqué... je préfère cette partie "fable"avec plus d' enjeux à cette première partie beaucoup moins originale et plus programmatique.

C'est clair. Craquage.

Le problème qui fait qu'on a trop l'impression d'avoir deux films en un. Oui la mort du frère, c'est très bon, le côté soudain avec la musique mexicaine joyeuse, je trouve qu'il y a un côté comique à se débarrasser d'un personnage clef comme ça en deux secondes. La mort du propriétaire, ça ne m'a pas marqué plus que cela.

Bref cinéaste à suivre.