Forum de FilmDeCulte

Le forum cinéma le plus méchant du net...
Nous sommes le 23 Déc 2024, 01:54

Heures au format UTC + 1 heure




Poster un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 4 messages ] 
Auteur Message
MessagePosté: 31 Juil 2008, 23:14 
Hors ligne
Expert
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 03 Fév 2008, 23:10
Messages: 4050
Localisation: bah un cimetière, tiens...
Kwaïdan :

Image


4 Histoires : Un samuraï quitte sa femme dans l’ambition de gravir la hiérarchie de son ordre. En échange de sa grâce, un homme promet à une femme démon, apparue lors d’une tempête de neige, de ne jamais révéler son existence. Un moine joueur de luth quitte son temple secrètement tous les soirs sur l’invitation d’un étrange samuraï. Un écrivain raconte l’histoire inachevée d’un homme ayant bu une tasse de thé dans laquelle lui était apparu le visage d’un autre homme.


Après s’être essayé à la chronique et au Jida-Geki (film historique), Masaki Kobayashi, réalisateur touche-à-tout s’essaye avec succès au drame fantastique. Adaptant 4 des histoires fantastiques de Lafcaido Hearn, elles-mêmes tirées de récits populaires japonais, il se montre très à l’aise dans cet exercice où s’exercent son talent esthétique, son inventivité, et ses capacités de narration cinématographique. Celles-ci font en effet ici de lui un artiste complet, arrivant à faire sentir l’ambiance des plus beaux recueils de nouvelles fantastiques du XIXème (on se sent successivement proche de Mérimée ou Maupassant, de la tragédie, bref des plus belles narrations littéraires)


Sinon, dans le détail, histoire par histoire, ça donne à peu près ça :



1ère histoire : Les cheveux noirs.

Une longue fable sur l’ambition d’un samurai très bien menée. Le Montage et la mise en scène sont exceptionnels. Pendant toute la première partie Kobayashi nous perd dans les doutes de son personnage, et installe la tension qui sera à l’origine du drame.

Si la mise en scène est brillante (la scène qui relate le second mariage est exceptionnelle), arrivant en quelques minutes à nous perdre, nous désemparer, et rendre les souvenirs pesants. Cependant, on passe beaucoup trop vite (d’un seul coup, en fait, ça tombe comme ça, posé par le narrateur) des registres du souvenir et du sentiment, à ceux de la valeur. Ici, on a l’impression que Kobayashi pose un peu gratuitement sa critique des valeurs du samurai. Etait-ce forcément utile ici, surtout après Hara-Kiri, et avant de récidiver avec Rebellion ? Surtout que l’aspect sentimental de la chose paraît en lui-même beaucoup plus fort, au point d’englober et de rendre inutile l’aspect moral.

Pour en revenir aux sentiments du personnage principal, lorsque revient le samurai, on assiste à des retrouvailles magnifiques où l’homme devient fidèle à ses sentiments et la femme accepte et comprend à la fois par amour et poids de la tradition l’ambition du samurai jusqu’à la soumission. C'est troublant de sincérité, de lucidité du regard sur les mécanismes de soumission dans le couple, et dans sa représentation des sentiments. Ainsi, c’est dans un deuxième temps que l’épouse finit par s’ouvrir sur ses propres sentiments, après avoir justifié les actes de son mari.

On voit dans cette histoire, s’épanouir ce talent du cinéaste à rendre à une situation ordinaire sa portée tragique.


A la fin, la punition s’incarne dans un magnifique drame fantastique, tout en laissant planer le mystère sur sa signification. C’est cette chevelure qu’il aimait tant qui sera l’instrument de ce drame. Loi transcendante ou vengeance d’une des deux femmes ?
Le mystère et le drame auraient cependant été plus poignant si la faute morale avait été plus justifiée, si elle avait été appuyée, voire liée à la culpabilité sentimentale et non simplement posée. Ou alors si celle-ci avait tout simplement été absente.



Au final, un superbe drame sentimentalo-fantastique portant un regard lucide sur le couple, et les sentiments, et parfois juste sur l’ambition, parfois gratuit sur les valeurs du samurai.

5/6 pour cette histoire



2ème histoire : La femme des neiges : Ici, la beauté du cadre enneigé croise et s’accorde d’emblée l’ambiance intrigante de ces yeux géants qui scrutent la forêt. On entre vite dans le vif du sujet avec cette rencontre rapide avec la terrifiante femme des neiges superbement interprétée par la charismatique Keiko Kishi (celle du Yakuza de Pollack, qui a joué dans de nombreux grands films japonais de Ozu et Gosha notamment et surtout de nombreux films d’Ichikawa). Toute de suite, on sait par la promesse qui doit être tenue que le drame ne peut qu’arriver, et que cet homme rencontrera son destin tragique. Destin tragique dont on comprend l’ampleur lorsque par la suite l’homme rencontre celle qui va devenir son épouse
Le tout est donc très bien mené jusqu’à l’aveu final qui tombe un peu facilement et n’est excusé que par un facile "je pensais que c’était un rêve". C’est dommage car l’histoire d’amour (quelque peu escamotée) et la décision finale de la femme des neiges pouvaient être intéressant sur le plan de l’humanisation.

Le drame se produira finalement mais d’une manière inattendue.

D’une manière générale, cette histoire est un peu faiblarde. Une fois passée la scène avec la femme des neiges, l’épouse est inquiétante deux minutes, et encore simplement par commérages, l’aveu est facile (même innocent, il aurait ou être amené), et, même touchante, la solution est un peu décevante. La femme des neiges a pu s’attendrir en tombant amoureuse, mais du coup, les enfants, c’est assez dévié… d’autant que la maternité était très peu traitée. D’accord, c’est une partie de 40 minutes, difficile d’insister sur tout ça, mais tout reste trop linéaire.
Dommage, car cette l’histoire si elle est la plus pauvre des quatre, est sans doute la plus belle plastiquement (quoique celle qui suit lui fait une forte concurrence).



4/6 Mais je crois avoir lu que c'était celle que Bliss avait préférée, je serais curieux d'en savoir plus...


Troisième histoire, L’histoire d’Hoichi sans oreilles. Là, c’est grand ! La plus longue de cette histoire, qui aurait pu constituer un long à elle seule, est sublime. D’emblée, le chant accompagné au biwa, chanté par celui qui s’avèrera par la suite être le personnage principal, se mêle à la peinture et nous installe dans l’histoire à la manière d’un chœur tragique qui illustre raconte la situation. Et ici, la bataille est illustré à merveille par une véritable estampe filmée et racontée, et dont les plans se succèdent entre peinture, mise en scène, et plans sur le personnage, dont il sera question. Alternance entre le chœur musico-pictural et la scène dans laquelle va se dérouler le drame, cette scène d’ouverture est une des plus belles que j’aie jamais vues.
Par la suite, une fois la situation installée, on ne quitte pas la scène tragique en suivant un personnage hanté se détruire, le tout par un superbe jeu de rythme. L’évolution du personnage d’Hoichi, son décalage rythmique avec les autres personnages sont présentés avec une extrême justesse et parviennent à rendre compte du poids de ce drame fantastique.
Par la suite, toutes les scènes sont filmées avec toujours autant de justesse. On aura notamment droit à un rappel du chant initial illustré d’une autre manière, montrant finalement autre chose, ainsi qu’une scène de rituel zen impressionnante.
Au final, c’est encore une thème classique de la tragédie qui s’illustre, puis amène un épilogue très intéressant. Une tragédie fantastique impressionnante.
6+/6.

Quatrième et dernière histoire, Dans une tasse de thé.
La plus courte histoire de ce film pourrait courir le risque de survoler son sujet, mais installe vite et bien son sujet. Ainsi on est tout de suite fasciné par ce reflet du fantôme dans le thé, par ce comique sous-jacent des situations, qui contraste en un laps de temps très court avec la tension et la folie finale. C’est dans cette fin qui tout ce qui était présent auparavant prend sa dimension inquiétante, et le film, au final vaut surtout pour cette double fin et par les chocs qu’elle comporte. 5,5,/6


Sur le global, on pourrait dire tout d’abord très simplement qu’à part une histoire un peu légère, le tout est d’une qualité exceptionnelle. Mais la complémentarité des quatre histoires, la progression dramatique due à leur succession, et l’intelligence de cet assemblage, ajoutent aussi à la qualité de cet ensemble.

Au final, 5,5/6 pour un film dans lequel Kobayashi montre son grand talent d’artiste et arrive à exercer son style avec des histoires intelligentes, profondes, superbement racontées, et doucement inquiétantes.

_________________
C'est moins la connerie que le côté attention-whore désoeuvrée plutôt pête-couilles et désagréable que l'on relève chez moi, dès lors que l'on me pratique un peu.

Espace branleurs


Dernière édition par Bub le 14 Nov 2008, 09:55, édité 2 fois.

Haut
 Profil  
 
 Sujet du message:
MessagePosté: 01 Aoû 2008, 09:04 
Hors ligne
Expert
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 18 Aoû 2005, 21:23
Messages: 3450
Zobculte.
Perso ça m'envoûte et me colle une claque à chaque fois. Et à chaque vision je découvre d'autres trucs, ce qui fait que j'ai pas vraiment d'histoire préférée, car ça se joue à pas grand chose. Et puis comme tu dis, Karl, au final c'est un tout.
4 contes bien tragiques, bien inquiétants, avec une mise en images éblouissante. La grande grande classe.


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 05 Aoû 2008, 21:24 
Hors ligne
Matou miteux
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 05 Juil 2005, 13:48
Messages: 12933
Localisation: From a little shell, at the bottom of the sea
Karl le mort-vivant a écrit:
Mais je crois avoir lu que c'était celle que Bliss avait préférée, je serais curieux d'en savoir plus...


Moi c'est la simplicité de cette histoire qui me renverse, qui se rattache au plus près des contes moraux ancestraux et eux aussi déjà épurés. Je trouve fascinant cette façon qu'a Kobayashi de jouer avec le B à BA du genre fantomatique, sur l'utilisation du son ou sur ce qui se rattache plus directement aux racines théâtrales, sur l'usage dramatique et expressionniste de la lumière, et des toiles peintes en décor somptueux à la déréalisation assumée. Je trouve que tout ça installe une grâce qui constitue à mes yeux, désolé pour l'expression de caserne de pompier, un idéal, sinon de cinéma, au moins de fantastique. Ce segment, c'est pour moi quelque chose d'évident, de limpide et de lumineux.

Mais j'adore l'ensemble aussi.

_________________
Doll, it's a heartbreaking affair


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 07 Aoû 2008, 20:46 
Hors ligne
Expert
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 03 Fév 2008, 23:10
Messages: 4050
Localisation: bah un cimetière, tiens...
Blissfully a écrit:
Je trouve fascinant cette façon qu'a Kobayashi de jouer avec le B à BA du genre fantomatique, sur l'utilisation du son ou sur ce qui se rattache plus directement aux racines théâtrales, sur l'usage dramatique et expressionniste de la lumière, et des toiles peintes en décor somptueux à la déréalisation assumée. Je trouve que tout ça installe une grâce qui constitue à mes yeux, désolé pour l'expression de caserne de pompier, un idéal, sinon de cinéma, au moins de fantastique.



Oui, ça je suis tout à fait d'accord avec ça, sur cette utilisation optimale de tous les arts, visuels, acoustiques, littéraires pour réaliser quelque chose de somptueux.
Mais c'est peut-être pour ça que je mets la femme des neiges en dessous, c'est vrai que je l'ai trouvé plastiquement au-dessus (peut-être à égalité avec Hoichi sans oreilles), mais j'ai trouvé aussi que ça jouait un rôle beaucoup moins important. Alors que Hoichi utilise au mieux tous les arts pour en faire une tragédie sublime, à la fois picturale, musicale, et littéraire, le film étant la dimension supplémentaire dans laquelle tous les éléments peuvent se tenir, La femme des neiges est simplement beau comme un film beau à regarder. Tu me parles de simplicité, je suis d'accord, mais je trouve plutôt que dans ce cas, la dramaturgie est assez faible.

Zob a écrit:
Et puis comme tu dis, Karl, au final c'est un tout.



Tout à fait, et même si j'ai comparé les histoires les renvois plus ou moins discrets de l'une à l'autre en font une œuvre complète qui se tient (c'est pour ça que même la femme des neiges que je trouve moins bon vaut en réalité bien plus que ce qui en est dit. elle est indispensable dans ce film)

_________________
C'est moins la connerie que le côté attention-whore désoeuvrée plutôt pête-couilles et désagréable que l'on relève chez moi, dès lors que l'on me pratique un peu.

Espace branleurs


Haut
 Profil  
 
Afficher les messages postés depuis:  Trier par  
Poster un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 4 messages ] 

Heures au format UTC + 1 heure


Articles en relation
 Sujets   Auteur   Réponses   Vus   Dernier message 
Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Rébellion (Masaki Kobayashi, 1967)

Narrateur

4

1382

25 Juin 2009, 11:14

Bub Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Hara-kiri (Masaki Kobayashi - 1962)

Blissfully

8

2246

09 Sep 2008, 22:12

Bub Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Bashing (Masahiro Kobayashi - 2006)

Blissfully

1

1160

19 Avr 2015, 22:08

Mr Chow Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Sœurs de scène (Xie Jin - 1964)

Tom

0

1650

01 Déc 2014, 00:49

Tom Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Charulata (Satyajit Ray - 1964)

Qui-Gon Jinn

8

506

05 Jan 2023, 10:24

Baptiste Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Goldfinger (Guy Hamilton - 1964)

Qui-Gon Jinn

7

933

11 Jan 2021, 10:09

Qui-Gon Jinn Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Assassinat (Masahiro Shinoda - 1964)

Blissfully

7

1344

25 Mar 2009, 14:46

Mister Zob Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Les Diamants de la nuit (Jan Němec - 1964)

Tom

6

1707

01 Nov 2013, 00:26

Tom Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. The Servant (Joseph Losey, 1964)

[ Aller à la pageAller à la page: 1, 2 ]

Baptiste

15

2979

17 Jan 2014, 15:49

Mayouta Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Lilith (Robert Rossen, 1964)

Vieux-Gontrand

1

1214

05 Sep 2019, 15:38

Vieux-Gontrand Voir le dernier message

 


Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum: Aucun utilisateur enregistré et 2 invités


Vous ne pouvez pas poster de nouveaux sujets
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets
Vous ne pouvez pas éditer vos messages
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages

Rechercher:
Aller à:  
Powered by phpBB® Forum Software © phpBB Group
Traduction par: phpBB-fr.com
phpBB SEO
Hébergement mutualisé : Avenue Du Web