Mr Chow a écrit:
Je pense qu'on imagine sans arrêt, dans sa manière de se représenter un objet ou dans le fait de ne pas connaître quelque chose: on va y subsiter un discours ou une représentation pour combler le vide. L'imaginaire peut être fuite, créativité ou leur quotidien sous diverses formes. Donc c'est pour ça qu'à mon sens c'est difficile de ne pas reconnaître que l'art y tient fondamentalement. Je ne crois pas que le cinéma ne révèle d'autre vérité que celles subjectives, ce qui ne veut pas dire que ça ne nous aide pas à réfléchir et à avancer nous même d'être confronté à certains points de vue et représentation. Comme je peux apprendre dans un débat. Mais en se disant que l'art/le cinéma tient fondamentalement de l'imaginaire on en fait pas un objet absolu, transcendant, et je crois que c'est important. Surtout on accepte d'autant plus de choses et d'images en les reconnaissant comme telles. C'est un peu désacralisant, mais ça nous fait finalement comprendre plus de choses, et jouir esthétiquement d'une gamme plus variée de bautés (mais rarement du vulgaire). C'est accepter que le réel, la vérité, est de toute façon autre-part que dans un film, qui comme notre cerveau recomposera par exemple toujours la durée à sa convenance...
Ouais, donc je suis pas du tout d'accord en fait. Pour moi, l'art, et par conséquent le cinéma, c'est fondamentalement beau quand et parce que
quelque part, ça existe. Je ne crois pas que la détresse du gamin dans
Allemagne année zéro, ou le désespoir de Mouchette ou le mépris de Camille soient moins réels que tout autre sentiment que l'on peut rencontrer dans la vie, j'aurais même tendance à croire qu'ils sont souvent plus authentiques. Peut-être que ça sacralise le cinéma, j'en sais rien, et je m'en fous un peu je dois dire, je n'ai pas peur de l'aimer passionnément, et de définir mon rapport au monde par lui, mais je suis certains que ça ne limite pas mon appréciation, je pense même au contraire que ça me permet d'être ouvert à plus de propositions esthétiques.
J'ai du mal à comprendre ce qu'un film sans réel ni vérité mais qui se drape de l'imaginaire peut nous apporter d'autre qu'un échappatoir un peu infantile de la réalité du monde, comme le montre (un peu à son détriment)
le Labyrinthe de Pan par exemple.
D'ailleurs je ne suis pas sûr non plus d'être d'accord avec (ni de très bien comprendre) ta vision de l'imaginaire qui comblerait les trous de notre connaissance...
Citation:
Le contexte c'est intéressant parce que ça révèle toujours les visions différentes que l'on peut avoir du film selon qu'on le connait ou pas. Disons que savoir que Hitchcock était en crise et a fait des essais de film expérimental, compléxait des nouvelles vagues, ça me semble opportun. De même que recontextualiser ce qui est chez lui un spectacle de jeu avec le spectateur (ce qui passe par la mise en scène de sa propre personne, ses bandes annonces, etc...). Ensuite je ne nie pas la lecture purement esthétique mais dans un film il y a des causes et des effets aussi.
Je me prends un exemple récent différent, j'ai écrit un topo sur l'oeuf du serpent que j'ai vu l'an dernier. La première fois je ne savais pas que Bergman avait côtoyé un moment le national socialisme. Du coup je n'avais de la fin de ce film qu'une vision se rapportant au sujet et à une mise en abyme que je pensais surtout esthétique, sur ses propres méthodes de mise en scène. En apprenant qu'il avait concrètement épousé ces causes, ce n'est plus qu'un jeu esthétique (sa mise de pression sur les acteurs peut se rapporter à des méthodes de torture nazi), ça vient de quelque chose de concret, de son passé, et la notion de culpabilité peut aussi aider à comprendre. Voilà, tout en se disant que le contexte n'est jamais épuisable, mais plus on l'élargi, mieux on comprend. On ne peut pas se baser que sur son ressenti et son interprétation, même si ça fait aussi partie je suis d'accord de l'expérience de lart.
Autant je suis d'accord pour dire qu'une connaissance du contexte et de la vie des cinéastes permet une compréhension plus approfondie de leurs oeuvres (je suis moi-même friand de biographies et d'annecdotes de tournage), autant je pense qu'il faut faire extrêmement attention à l'intégration de ses données dans nos analyses. D'une part parce que tout élément biographique est à prendre avec des pincettes, car on ne peut jamais être vraiment certain de leur véracité. D'autre part parce qu'il ne faut jamais perdre de vue qu'un film se suffit à lui-même, qu'il est en soi un discours avec sa signification propre. Si un auteur le signe, c'est qu'il en assume le contenu,
en dépit de ce qu'il en pense. Il faut faire la part des choses entre les intentions et le résultat. Un film n'est pas fait pour être vue avec des commentaires audios.
C'est pour ça que même si Bergman a eu des affinités nazies (bien légères de ce que j'en sais) qui l'ont travaillé et mené à faire ce film, même si Hitchcock fut pris dans une crise existentielle qui l'a poussé à faire
Frenzy de cette manière plutôt qu'une autre, il ne faut pas y voir le sens des films ou la clé de sa compréhension. Au mieux c'est un point de départ pour commencer une analyse, mais certainement pas un moyen d'aboutir à une conclusion.
Citation:
Esthétique et idéologie la même chose, peut-être, mais dans le sens où ce sont des constructions et des aboutissants de l'imaginaire. Souligner ce point par ailleurs peut rendre le cinéma suresclave de l'idéologie fondamentalement, et il est déjà esclave d'assez de chose comme ça.
Je pense que quoiqu'il en soit, on ne se soustrait pas à l'idéologie, même l'imaginaire. Un film s'inscrit forcément quelque part.
Citation:
Pour les camps je ne serai pas dans l'absolu contre la représentation, et l'idée que l'esthétique puisse représenter quelque chose en se faisant remarquer comme telle; mais le problème c'est qu'elle est souvent vulgaire et fâde, rend dérisoire la chose en comparaison des actes... Donc j'ai peu d'exemple de réussite dans ceux qui ont pleinement représenté les choses. Mais il y a aussi peut-être un autre problème qui l'empèche.
Pour moi les nazis sont les types même de personnes qui ont confondus comme aucun autre, avec (et dans) le monde réel, une absolue esthétique et une idéologie du même genre, avec élimination pure et simple d'une part des êtres humains. Ils ont peut-être leur esthétique propre les national-socialistes en vérité, et celle de leurs camps leur appartiendrait presque (donc on peut partir du fait que c'est d'autant plus dur à représenter différemment, sans le recul et l'évocation). C'est les dangers inhérent de l'extrèmisme idéaliste, et ça ne tiens fondamentalement pas peut-être que ça soit "le mal" dit comme tel.
Ca c'est une idée intéressante, que les camps sont le résultat de la conception esthétique nazie et que c'est ce qui les rendrait presque infilmables puisque ça reviendrait à esthétiser une esthétique. C'est à creuser...
Citation:
Ensuite, pour prendre la scène d'intro de "X-men" ou "La vie est belle" je trouve ça juste dérisoire mais pas abject.
Moi non plus. J'aime d'ailleurs beaucoup cette scène d'intro d'
X-men, où un personage de pur fiction fantaisiste devient une incarnation du mal en se frottant à une autre incarnation du mal mais bien réelle et concrète celle-ci.
Pour
la Vie est belle, je ne l'ai pas vu depuis sa sortie, donc je ne sais honnêtement pas ce qu'il vaut. Mais dans l'idée, j'aime beaucoup le principe, il me touche : un homme qui s'efforce de dissimuler l'horreur des camps à son fils, alors qu'ils y sont, il y a un refus pour lui de la montrer, et donc pour le réalisateur de l'esthétiser. Et même quand elle aura "rattrappé" le père, elle n'aura pas contaminé le fils, ce qui est une sorte de victoire. C'est un peu, dans le texte, l'anti-
Kapo. Dans les faits j'en sais rien...