Mr Chow a écrit:
L'éthique a une vision du bien et du mal moins idéaliste que la morale, donc ce sont deux absolus qui ne sont pas si radical à concevoir si on part de l'éthique, qui se construit à la base sur un rapport au monde (du moins au monde des hommes) où ce dernier est conçu comme étant imparfait.
La définition d'"éthique" apparemment c'est ça : "
Ensemble des conceptions morales qui dictent ses actes à quelqu'un", donc il me semble que les notions de bien et de mal sont tout de même centrales.
Citation:
Alors Tetsuo tu me demandais ce qui était nécessaire à l'art? Je dirais à bien y réfléchir juste reconnaître qu'il appartient à l'imaginaire, ou plutôt à une traduction de l'imaginaire; et c'est la seule borne éthique que je me bornerai à poser.
Ah, l'imaginaire. Alors je ne sais pas exacement ce que tu entends par là, mais moi l'imaginaire c'est quelque chose que j'oppose à la réalité. Or pour moi, l'art, c'est clairement quelque chose d'ancrée dans la réalité, qui nous la révèle même (éventuellement par le biais de l'imaginaire). Après, l'imaginaire en soi, je ne lui accorde pas beaucoup de valeur...
Citation:
Pour "Frenzy", je pense que c'est une énorme mise en spectacle aussi, celle du nihilisme final et décompléxé d'Hitchcock, et que c'est un peu sa dernière carte à jouer.Mais ce n'est pas que dans l'optique d'un regard sur le monde, c'est aussi dans ce film pour se jouer d'un spectateur qui trouvait alors ce réalisateur devenu un peu désuet et largué (film qui vient après deux semi-échec et une tentative avorté de film expérimental). Spectateur qui finalement subit ça autant par "accident" que le traveling de Kapo. Mais ce n'est pas très grave puisqu'à mon sens le problème éthique ne se joue pas là
De la scène de viol je retiens surtout le pathétique insistant sur le violeur, plus que la transe de la victime, vite oubliée par l'insistance sur son visage figé et grimaçant une fois étranglée. J'adore le film, mais ce que je sens auss dedans c'est un "vous pensiez que j'étais fini et que je ne pouvais plus vous surprendre, et bien regardez, je vous confronte au sale et au laid avec une frontalité auquel je ne vous avais jamais habitué".
J'ai l'impression que tu prends beaucoup en compte le contexte dans lequel a été fait le film, ce qui n'est pas forcément une mauvaise chose, mais ça oriente peut-être un peu trop ton avis. Il est clair qu'Hitchcock se lache plus ici qu'ailleurs, mais je n'ai pas non plus eu l'impression d'un film qui cherchait à provoquer ou surprendre au-delà de l'habituel jeu hitchcockien. D'ailleurs son film suivant se déleste de toute ça, et fonctionne presque à vide.
Citation:
Le problème éthique chez Hitch vient plus quand il est capable de déconner sur son tournage comme sur "Marnie" en essayant de forcer son actrice à accepter ses avances dans sa caravane, parce qu'il oublie l'imaginaire dans la vie réelle à un point dangereux.
Mais ça c'est quelque chose qui ne rentre pas du tout en ligne de compte de mon analyse de l'éthique hitchcockienne (bien que l'anecdote en soi m'intéresse énormément et je serais curieux d'en savoir plus). Moi je me réfère uniquement à l'esthétique de ses films, à qu'est-ce qui le pousse par exemple à faire ce travelling arrière qui nous éloigne du meurtre dans
Frenzy, ou comment, en filmant simplement les mains de Cotten serrer un collier dans
les Amants du Capricorne, nous prenons soudainement conscience de la cruauté des clivages sociaux, etc...
Citation:
Pour Pontecorvo ça me semble nettement plus difficile de démontrer qu'il jubile intérieurement plus de son traveling et de sa joliesse, que de la satisfaction et persuasion de faire passer son message de façon direct. Et peu subtil je te l'accorde... mais on en veut paradoxalement peut-être à ce traveling de préférer au fond la politique au cinéma, qui n'est qu'un instrument dans ses mains: c'est le reproche qu'on peut faire: il n'est pas conscient ou oublie que sa représentation part de l'imaginaire, et croit juste démontrer le réel. Une fonction purement utilitariste de l'effet. Alors c'est un problème éthique peut-être, mais plus surtout de faiblesse esthétique. Problème des bornes que pose l'idéologie et la politique aussi, qui invite peut à réfléchir le cinéma... Car Rivette parle surtout je crois d'un "idéalisme de cinéma" ici (jusqu'à retraduire le plan suivant sa subjectivité, c'est frappant en voyant l'extrait).
Mais c'est bien la faiblesse esthétique qui est en cause. Encore une fois, sa nullité ne l'excuse pas, elle est même la cause de l'abjection. La grande idée des gens des
Cahiers (à laquelle je me joins), c'est de dire que esthétique et idéologie,
c'est la même chose. La jubilation de Pontocorvo, ce qu'il ressent, je m'en fiche, c'est l'acte, le geste que je condamne, et ce qu'il en résulte. Dans le fond, effectivment, le problème c'est que c'est nul (mais de la même manière que je considère, disons, l'UMP nul), mais cette nullité là est d'autant plus grave qu'elle a pour cadre les camps nazis. Avec certains sujet, dans certains contextes, la nullité est absolument impardonnable.
Citation:
En tout cas ce qui est sur c'est que je ne vois pas de confrontation au "mal" dans l'absolu, donc à la morale
Mais se confronter aux Camps c'est se confronter au mal, non ?
Citation:
(auquel même j'aurai du mal à croire en général).
Tu ne crois pas à la morale ?