Karloff a écrit:
Tu sembles pourtant condamner les effets de mise en scène qui selon toi chercherait à tout prix l'émotion du spectateur, procédé que tu sembles trouver indécent, non ?
Non, moi je condamne l'insincérité. Les effets de mise en scène, en soi, ça m'importe peu. Ce qui m'énerve, c'est le déballage de mise en scène pour rien, qui tombe dans le vide, qui ne vaut que pour elle-même et qui, dans un contexte comme celui des camps de concentration, me met à une mauvaise place, et donc me choque. Autrement on peut faire un film dans des camps avec un découpage élaboré et une lumière léchée, le principe ne me dérange pas.
Citation:
Prenons le cas de Kapo et de Frenzy. Dans le premier cas tu condamnes le choix moral du réalisateur, dans l'autre tu évoques la transe des personnages. Ok. Mais dans le cas de Kapo on peut également évoqué le choix sincère du réalisateur italien de rendre son héroïne comme une figure quasi-christique et donc de rendre cela par le travelling.
C'est précisément là que nos points de vu divergent, pour moi c'est loin d'être sincère. A quoi voit-on la sincérité ? A la justesse ! Qu'est-ce que ça me montre à moi que cette nana devienne une figure christique au moment où elle meurt dans un camps ? En quoi est-ce juste ? Qu'est-ce que ça apporte à ce que je peux déjà supposer de l'horreur des camps ? Rien ! Que dalle, c'est juste de la coquetterie de réalisateur, de l'habillage thématique pour se donner de la contenance. Il n'y a aucune sincérité là-dedans puisque Pontocorvo n'a rien à en dire, et qu'il a recourt à des artifices idiots pour nous faire croire l'inverse. Ce qui est vraiment consternant ici, c'est le contraste entre le sujet (les camps), le peu que ça lui inspire (un beau travelling).
Y'a quand même une grande différence avec Hitchcock dont la scène de viol est utilisée pour montrer l'état mental des personnages
qu'on ne pourrait pas voir sans lui, et pas juste un viol !
Citation:
le plan sur les cheveux dans la grange ne te rend pas témoin impuissant de l'horreur ? (attention: je ne suis pas en train de critiquer Nuit et brouillard film totalement essentiel à mes yeux - d'ailleurs je suis plutôt pour montrer les choses.
Le plan sur les cheveux
me fait prendre conscience de l'horreur, elle se construit autant dans mon esprit que dans le film, il y a un échange. Je ne suis pas qu'un simple spectateur
soumit au spectacle de l'horreur.
Citation:
Le problème c'est, excuse-moi, que tu deviens cliché dès lors où ce sont presque toujours les mêmes films qui sont critiqués de façon outrancière et surtout parfois totalement déconnecté de la sincérité de l'auteur et de ce que celui-ci veut exprimer. De ne pas voir la maladresse dans certains effets parfois two much suivant notre sensibilité mais le plus souvent de l'accuser de fourberie intellectuelle. Car c'est cela le plus grave. Juger une oeuvre, un cinéaste d'amoral ou d'immoral, me semble très grave.
Le cliché, pour le coup, montre peut-être aussi une certaine contenance. Moi ça m'intéresse pas de ramener la conversation à un "on dézingue toujours les mêmes choses donc". On ne peut pas en tirer de conclusion, ça ne prouve rien. Ce qui m'intéresse c'est
pourquoi on les dézingue, et
pourquoi toujours les mêmes.
Et puis la maladresse elle a bon dos. Je trouve ça facile comme échappatoire "il est putassier mais c'est parce qu'il est maladroit". Bah il en est pas moins putassier pour autant. La maladresse n'est pas une circonstance atténuante, ça serait ridicule de défendre un cinéaste par se biais là. Donc oui, mes jugements sont graves, mais parce que j'estime que ce que je vois c'est encore plus grave, scandaleux même, car ça devient carrément une question de conflit idéologique.
Citation:
Magnifique leçon de tolérance. En fait, ce qui me gave le plus c'est sans doute ça, le côté complexe de supériorité-je détiens la vérité-ah les pauvres qui ne voient pas les trains qui passent...
Ahlala... Ecoute, faut arrêter de se voiler la face cinq minutes : tous autant qu'on est, là, on prétend parler au nom d'une certaine vérité. On croit tous en ce qu'on dit, du moins je l'espère, sinon ça n'a pas de sens, sinon on a juste le droit de la fermer. Moi, ce dont je parle ici, ce sont des convictions, qui se sont fortifiées au fil du temps, de lecture et de films, donc ça va pas s'ébranler comme ça. Alors désolé si ça donne une impression de mec qui se croit plus malin, mais je vais pas te mentir, je ne lacherai pas mes positions comme ça.
Citation:
Tu dis que vous avez des arguments pour te contredire, mais contredire quoi ?
J'aurais toujours des arguments pour te contredire quand tu m'assimileras à un Tessé ou à Zad. Ce genre de rapprochement n'abouti qu'à de faux débats...