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 Sujet du message: Re: Jan Špáta (1961-1998)
MessagePosté: 18 Mar 2014, 00:00 
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Allez c'est tipar (avec des photos pour aérer le gros pavé...). Quelques spoilers.

Bon, je vais essayer de les faire dans l’ordre, en reliant à l’occasion à des choses concernant la filmo dans son ensemble (l’aperçu qu’on a en a eu en tout cas).



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The Greatest Wish

… ce qui fait qu’on commence par le plus raté à mon goût. On sent encore ici la main du débutant ; Spata hésite maladroitement entre l’étude sociologique frappante, et le portrait plus riche (plus mystérieux, plus cinématographique) de cette génération.

Sur le premier versant, celui du document sociologique pêchu, le film échoue, peinant souvent à obtenir une réponse qui ne soit pas plus pauvre que la relance de l’interviewer : le micro-trottoir (forme déjà assez révélatrice d’une approche du documentaire encore limitée au pitch/concept) se cogne à des visages trop timides ou trop surpris pour être des interlocuteurs satisfaisants. Dans la panique du manque de matériau, le montage son s’attarde un peu misérablement sur la moindre petite réponse marrante… L’anecdotique prend vite le dessus (ou pire, la recherche du sensationnel), et le film ne parvient pas vraiment à faire émerger un mouvement d’ensemble de la collection de réponses décevantes.

Il ressort aussi de ce film une chose qui me gêne assez souvent chez Spata : l’impression qu’il prend trop rapidement pour argent comptant ce qu’on lui montre ou ce qu’on lui dit. Qu’il accepte un peu vite, par exemple, la beauté naïve de l’amour adolescent (du couple qui dit qu’il veut rester ensemble à jamais, des amants au bord de l’eau) sans en interroger une seconde les illusions, la fugacité. Il plonge immédiatement dans l’imagerie qu’on lui offre, ce qui ne sera pas sans poser problème dans ses deux docs de voyage (St Patrick's Land et Moutain People). La façon dont la musique suit le pas, dans ces moments, en est la manifestation la plus frappante (le sujet change ? la situation devient trouble ? Hop, musique triste : aiguillage autoritaire, spectateur… On retrouve d’ailleurs la même gêne dans Respice Finem, où une mémé qui pleure déclenche les violons).

Cela dit, cette gentillesse un peu molle s’accompagne d’une étrange agressivité dans l’interview. Il n’y a aucune pudeur, c’est même assez inquisiteur et intrusif. Cette brutalité alerte va de pair avec un style déjà vitaliste : la forme du doc épouse la courbe vivace de la jeunesse qu’elle admire (sa naïveté optimiste, son énergie), courant à toute vitesse, dégringolant d’un décor à l’autre comme si la Tchécoslovaquie étudiante était un grand dédale kafkaien : impression que ce monde éclaté et trop plein de vie, de promesses, la caméra vorace n’en viendra jamais à bout. C’est peut-être la relative réussite du film : sans réellement parvenir à dessiner un portrait de sa génération, il en retranscrit au moins l’impatience.



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Moment of Joy

Peu de choses à dire sur celui-là, tant il me semble parfait. C’est du concentré de Spata : du vitalisme pur. Ce petit doc mène à incandescence ce qui est, je trouve, l’un de ses plus grands talents : la capacité à utiliser les situations les plus triviales pour, indirectement, évoquer mille choses. Dans Greatest Wish, ce serait par exemple le miroir où se contemplent les jeunes interviewés en off, ou encore la séance "slam" (même besoin d'autoportrait et même besoin de parler au monde : on glisse de la confidence en voix-off à ce monologue au bar, c’est la reconfiguration d’un même geste vers le spectateur – le spectateur du film, comme celui qu'on filme entrain de regarder : idée simple et évidente).

A l’image, Moment of Joy n’est que tension : des humains qui se jettent dans le vide, se tiennent par-dessus l’abysse, s’agrippent à la roche, pénètrent dans de sombres grottes, se regroupent autour du feu quand la nuit tombe, se retrouvent coincés dans des situations périlleuses, montent les uns sur les autres en se marchant sur la gueule… Et pourtant Spata filme ça comme une expérience de la félicité : le corps qui méprise le danger, joyeux et rieur, qui s’entraide, qui monte et monte et monte… La musique, plutôt que d’épouser la métaphore religieuse de l’ascension (que le film explicite néanmoins tout seul sur sa fin, c’est un peu dommage ), se déroule sur le ton de la ballade insouciante, dédramatisée, petit bonhomme qui sous son air anodin va gravir une montagne.

C’est court, simple et évident comme les meilleurs fables et paraboles, et il n’y a rien de plus parlant, pour un film qui fait l’éloge de la vie, de l’appétit de vivre, que ces corps qui se lancent joyeusement dans le vide. Une des grosses découvertes de l’année pour moi.



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Respice Finem

Je vois la question de Castorp (« où ça veut en venir ? »), et je me rends compte que je ne saurais pas vraiment répondre. C’est la première incursion de la voix-off chez Spata, ce qui n’est pas une très bonne nouvelle: trop lyrique, didactique, uniquement laudative, elle évoque désagréablement le documentaire de propagande (quand bien même il n’y a rien dans le texte qui aille en ce sens). Il est difficile de savoir ce qu’on nous raconte parce que le texte, lui, nous sous-titre les images d’une manière qui semble définitivement en cloisonne le sens (ces vieux sont abandonnés, c’est triste, point) – problème qui se posera d’autant plus dans la voix-off des deux films suivants.

Sans savoir ce que ça raconte, on peut néanmoins repérer une manière à l’œuvre ici. On a vu tellement de docs sur les vieux se caler sur la lenteur mortifère de leur sujet que l’énergie de celui-ci interroge. Spata aborde moins le village comme un lieu topographié, que comme un territoire abstrait, la terre de la vieillesse (dont chaque membre est isolé des autres qu’il ne voit jamais, comme dans un film de survie), dont la caméra explore et fouine les décors à la recherche de signes – de quoi, on ne le saisit pas totalement. C’est étrange de voir ces corps lutter pour tenir debout, et en même temps être montrés comme des machines de travail (qui crient leur épuisement devant la caméra tout en cuisinant 36 pains), dont la seule envie est de crever. Cette rage, cette faim de mort, donne un film alerte et paradoxalement très vivant (devant le tombeau, les oiseaux hurlent), où ce qu’il reste de vie n’a pas la forme d’une fin d’existence endormie, mais d’une survie fébrile, douloureuse sous la peau tordue de rides.

S’il fallait trouver une cohérence à cela, elle serait de l’ordre du religieux, en somme : ce que dessine Spata ici, c’est une martyrologie. C’est peut-être là que le film bloque un peu, dans la façon dont il ne parvient pas à gérer la confrontation inévitable de son sujet avec la religion (d'où peut-être l'impression d'un manque de direction claire), religion qui est justement le souci du film suivant.



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Saint Patrick’s Land

La religion, donc… C’est à la fois le sel et la limite de toute cette filmo, j’ai l’impression. Il y a indéniablement chez Spata une emphase mystique, quelque soit le sujet : on sent bien que la forme de ses documentaires est une esthétique de la contre-réforme, qu’elle a intrinsèquement cette dimension chantante et béate qui approche le monde avec lyrisme, comme si tout y était un miracle retrouvé.

Et c’est en fait peut-être pour cela que, lorsqu’il se confronte directement à la religion, son cinéma se retrouve immédiatement comme neutralisé. C’est le cas dans Respice Finem (excepté la scène au lit et son étrangeté macabre), c’est ici le cas pour tout ce qui touche au clergé – et c’est problématique, tant la terre irlandaise semble ici conçue comme un prolongement, une extension de ses couvents. Spata se cogne complètement contre les images de bonnes sœurs, au point que son film prenne des airs là encore propagandistes – ces films qui sont aveugles à l’évidence. Un regard qui ne voit plus, par exemple, l’infinie tristesse qu’il y a dans l’image de ces femmes qui dansent sagement entre elles, ou ce qu’il y a de terrifiant dans ce groupe de sœurs et de curés entretenant leur emprise sur l’île à l’aide des dernières technologies… Son cinéma s’en retrouve comme paralysé, alors qu’il pourrait explorer sa ligne spirituelle sans se compromettre : lorsqu’il remarque que « plus les preuves de Dieu sont absentes, plus les gent d’ici y croient », le film est tout aussi chrétien, et pourtant déjà tellement plus riche que dans l’éloge plat…

Une autre chose très visible dans ce film (mais j’aurai pu prendre n’importe quel autre), c’est combien Spata déteste faire durer ses scènes. Là encore, c’est à double tranchant. On est pas tant dans une logique de zapping, que dans une volonté de quitter la scène dès qu’on a saisi le moment, l’expression, ou le geste qui intéresse : comme si, en restant plus longtemps, on en parasiterait la pureté. Je pense par exemple au passage de la gamine avec les chiens, qui aurait fait une scène en soi dans n’importe quel autre doc, et qui ici est à peine une fulgurance, comme une simple note dans un accord plus général qui serait celui du film entier. Mais ce croisement de "moments", ce tissage de passages hétéroclites et contradictoires, est souvent à la limite de l’inventaire un peu sec, ici.

Néanmoins, globalement, il y a un vrai point de vue sur ce pays, une mythologie convaincue dans l’œil de celui qu'il filme, un fantasme à y investir, et surtout, surtout, l’envolée finale sur Yeats, sur les sentiers de la montagne, qui est extraordinaire : rien qu’avec cette séquence (et la façon dont elle retombe), le film inégal tutoie les sommets, je vous l'aurais pas vendu comme ça sans elle.



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Mountain people

Par rapport au film de Spata que j’avais vu (un film des années 90), j’ai dans cette compilation ressenti un manque qui est peut-être aussi une carence de jeune réalisateur qui n’ose pas encore réellement se mettre en danger : le fait que le présent manque à l’appel. Ces moments d’intimité presque volés, quelque chose qui passe soudain sur un visage, un sentiment capturé dans toute son intensité, une situation qui ne peut arriver que cette fois-là, à ce moment-là, et pas n’importe quel jour… Bref, ces morceaux de vie brute que je pensais être le centre de sa mise en scène, et qui dans ces cinq films sont relativement absents. Ce qui se traduit entre autres, dans celui-ci, par la frustration de ne pas voir émerger de véritable grande scène (prenons l’exemple de la fille qui brave les traditions sur la corde, le père ambigu qui tend les bras en dessous : là il faudrait s’arrêter, stopper la course coulante du montage et de la voix-off, faire autre chose qu’effleurer et dire la situation).

Et bien, ces moments de vie brute, je pense qu’ici Spata commence à en ressentir l’absence, car le film comble ce manque (le manque d’une véritable rencontre, d’une véritable confrontation) par une obsession des visages. Ce cinquième court est une orgie de visages, observés droit dans les yeux avec insistance, sans autre fioriture ni justification, pour eux-mêmes, comme s’il y avait une vérité à y décoder : ils envahissent tout le film.

On sent bien combien la recherche effrénée du beau qui parcourt la filmo (beauté visuelle, mais aussi beauté/bonté qu’on prête à toute personne que la caméra croise, sans conditions), et toute l’approche chrétienne qu’on peut y raccrocher, atteint ici ses limites. Par exemple, l’image du tout petit gamin qui danse, et derrière lui de son père qui fait la même chose : un plan typiquement Spata, qui en un quart de seconde raconte énormément de choses. Mais comme pour le couple de Greatest Wish, la caméra, d’une confiance béate, accepte la situation telle qu’on lui la présente, se ravit du collage enfant/adulte et du rapport de filiation qu’elle dessine, de sa trivialité et de son pittoresque – sans acter un seul instant de ce que l’image interroge d’elle-même du carcan des traditions, des automatismes, de l’autarcie.

Bref, je trouve le film relativement raté, atteignant en tout cas une limite du cinéma de Spata. Il arrive visiblement avec une imagerie bien en tête, avec un sujet et un propos en tête, et du coup sa caméra ne rencontre que ce qu’elle est venue chercher : de l’imagerie, de l’exotisme. Le fait que la caméra s'arrête souvent sans inspiration sur le spectacle d'une danse ou d'une musique, c'est à dire sur ce qu'on a préparé pour sa venue de la caméra, en est le signe le plus flagrant. Comme dit Castorp, tout le propos modernité/tradition est dans la voix-off, et se loge rarement dans la mise en scène, dans l'expérience du film même.





Le constat peut sembler assez négatif, mais globalement, ce que je retiens de ces courts, c’est un cinéma direct à mille lieues des questionnements éthiques constipés qu’il a pu engendrer en France… Est-ce que ça tient aux cinémas de l’est en général (à une culture), je ne sais pas, mais il y a dans ces films plus instinctifs un élan, un aspect chantant (dans la forme, dans le ton : c’est une symbiose, ce qui est aussi un aspect important), qui me contente au plus haut point. On a un cinéaste qui parfois ne filme quelque chose que parce qu’il trouve ça beau, sans le triturer de questions, et cette simplicité dans l'approche est désarmante.

Alors certes, ça chante aussi comme chante un ménestrel, et la recherche de beauté, de pureté, l’idéalisme des films, semblent parfois ne pouvoir se faire qu'en ramenant problèmes de la réalité filmée sous le tapis. Mais c’est un sentier de cinéma documentaire que je trouve plus fécond (et, accessoirement, bien plus accessible) que le chemin statique et cérébral qu’il a pu prendre en France.


Dernière édition par Tom le 18 Mar 2014, 00:29, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Jan Špáta (1961-1998)
MessagePosté: 18 Mar 2014, 00:16 
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Je n'ai lu que ce que tu as écrit sur les deux que j'ai vus pour le moment, je réagirai donc plus en détail un peu plus tard.

Par contre, sur Mountain People, je reviens à cette scène de la chèvre, qui n'a justement rien à voir avec l'exotisme précalculé que tu regrettes.
Cette transition mise à mort/regards impassibles/jeu des enfants avec les boyaux, c'est une grande scène, à la symbolique somptueuse. Enfin moi, je la garde en tête comme un des plus beaux trucs que j'ai jamais vus en documentaire. Si tu superposes le sourire de l'enfant qui danse et le sourire de l'enfant qui joue avec les boyaux, tu obtiens quelque chose qui dépasse vraiment cette "confiance béate" dont tu parles.

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 Sujet du message: Re: Jan Špáta (1961-1998)
MessagePosté: 18 Mar 2014, 00:26 
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Castorp a écrit:
Par contre, sur Mountain People, je reviens à cette scène de la chèvre, qui n'a justement rien à voir avec l'exotisme précalculé que tu regrettes.
Cette transition mise à mort/regards impassibles/jeu des enfants avec les boyaux, c'est une grande scène, à la symbolique somptueuse. Enfin moi, je la garde en tête comme un des plus beaux trucs que j'ai jamais vus en documentaire. Si tu superposes le sourire de l'enfant qui danse et le sourire de l'enfant qui joue avec les boyaux, tu obtiens quelque chose qui dépasse vraiment cette "confiance béate" dont tu parles.

Tu parles de l'enfant avec son père ? Parce que le film ne les confronte pas, justement.

Elle est très bien cette scène oui, même si je suis un peu frustré par le fait que ce ne soit pas vraiment une scène, que ce ne soit presque qu'en passant : je comprend bien que son cinéma ne fonctionne pas comme cela, mais parce que le maillage général peine (= ce que le film pourrait dessiner par la confrontation des situations), la vision en devient insatisfaisante d'un côté comme de l'autre.

Après, je suis aussi un peu sévère vis à vis de l'ensemble, mais je découvrirais le documentaire par hasard, je serais probablement ravi. Il y a de très belles choses à prendre dans les cinq. Le topo que j'ai fait concerne aussi peut-être davantage le ciné de Spata en général (ses tendances, ses qualités et ses défauts) que les films eux-même : en écrivant, et en parcourant les films pour les photos, je me rendais compte que je n'étais plus si sûr de moi concernant l'appréciation de chaque film. St Patrick's Land, sans sa fin, aurait par exemple peut-être fini tout en bas, c'est un film qui au final rate quasiment tout le reste.


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 Sujet du message: Re: Jan Špáta (1961-1998)
MessagePosté: 18 Mar 2014, 00:33 
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Tom a écrit:
Tu parles de l'enfant avec son père ? Parce que le film ne les confronte pas, justement.


Oui, c'est ça, mais c'est le même regard qui cherche la caméra, fier d'être filmé, heureux de montrer ce qu'il fait.
Ce qui est beau dans Mountain People, ce sont ces quelques scènes qui échappent au balisage qu'impose la voix off. Je pense à la chèvre, bien sûr, mais aussi aux femmes qui portent l'eau/jouent à la balle dans la brume, ce qui leur donne une existence presque fantomatique/fantastique, en tout cas, quelque chose de très différent du discours extrêmement terre à terre de la voix off.

(Sinon, je vais essayer de revoir Respice Finem. Ton texte donne de belles pistes)

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 Sujet du message: Re: Jan Špáta (1961-1998)
MessagePosté: 18 Mar 2014, 00:37 
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Tout ce qui touche aux femmes est le meilleur, oui.

Castorp a écrit:
(Sinon, je vais essayer de revoir Respice Finem. Ton texte donne de belles pistes)

Nan mais après sur Respice je suis en partie d'accord, c'est brillant mais il y a un problème, on a du mal à piger où ça va. Ça se caractérise davantage par le fait de cultiver sans complexes une imagerie, là encore (même si c'est de manière bien plus virtuose, je trouve).


Dernière édition par Tom le 18 Mar 2014, 01:10, édité 1 fois.

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 Sujet du message: Re: Jan Špáta (1961-1998)
MessagePosté: 18 Mar 2014, 00:41 
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Tom a écrit:
Ça se caractérise davantage par le fait de cultiver sans complexes une imagerie, là encore (même si c'est de manière bien plus virtuose, je trouve).


Oui c'est ça, en plus maîtrisé que Mountain People.
Mais paradoxalement, je garde moins de scènes fortes que dans ce dernier, plus brouillon, qui rate clairement sa cible, mais existe justement parce que de cet échec émergent quelques incandescences.

Quoi qu'il en soit, j'aime ce cinéaste, et je te remercie pour la découverte.

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 Sujet du message: Re: Jan Špáta (1961-1998)
MessagePosté: 18 Mar 2014, 01:02 
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Je vais faire petit à petit au fur et à mesure de mes visionnages (comme précisé au moment du vote, c'est pas du tout un type de cinéma auquel je suis sensibilisé à la base)

The Greatest Wish

Et ben j'ai trouvé ça gentillet... Alors déjà je me suis pas ennuyé, et c'est plutôt un bon point parce que je m'attendais vraiment à me faire chier. Ce qui m'empêche d'être à fond c'est que je comprend pas bien le projet du cinéaste : il essaie de brosser un portrait des aspirations de la jeunesse de l'époque, mais je trouve ça bien trop superficiel. Les questions réponses manquent de profondeur, il y a peu de réfutations, peu de vrais questionnement, je trouve que ça fait vraiment enchainement d'idées d'ados, parfois à la limite du gogol (je parle bien évidemment des réponses, pas du concept). Alors il y a quand même de belles choses et c'est intéressant de voir de quoi se composait le quotidien pour ces jeunes, mais je sais pas je trouve que ça manque franchement de profondeur, ou d'un liant qui ferait qu'une idée générale ce dégage (c'est peut être le cas mais je l'ai pas capté).

Je suis pas spécialiste du documentaire, mais cet aspect micro trottoir nuit à la représentation cinématographique. Y a des plans absolument magnifiques que je trouve gâchés par l'irruption du réa dans le cadre. Exemple ici
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Après, je vais m'enchainer les autres avec plaisir, parce qu'encore une fois y a quand même des belles promesses là dedans

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 Sujet du message: Re: Jan Špáta (1961-1998)
MessagePosté: 18 Mar 2014, 01:10 
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Citation:
Ce qui m'empêche d'être à fond c'est que je comprend pas bien le projet du cinéaste : il essaie de brosser un portrait des aspirations de la jeunesse de l'époque, mais je trouve ça bien trop superficiel. Les questions réponses manquent de profondeur, il y a peu de réfutations, peu de vrais questionnement, je trouve que ça vraiment enchainement d'idées d'ados, parfois à la limite du gogol (je parle bien évidemment des réponses, pas du concept).

Je pense que l'idée est moins de trouver un intérêt dans ces réponses (à part peut-être la discussion finale sur le communisme) que d'observer comment réagit le jeune qu'on interviewe, ou de mettre la naïveté de sa réponse en relation avec un contexte qui lui donne du sens, qui la dialectise. C'est ce qu'on voyait par exemple dans l'extrait de The Greatest Wish II que j'avais mis dans le topic du ciné-club : il va interroger un jeune pendant sa parade militaire, pas parce que sa réponse (officielle) l'intéresse, mais parce que sa réaction (sa flippe, le petite regard qui dit "merde merde, on me filme, qu'est-ce qu'il faut que je dise") l'intéresse : cette réaction raconte quelque chose de l'autocensure et de la pression qui régit le pays.

Le problème, dans ce premier film, c'est que je trouve pas Spata toujours très doué pour créer des scènes qui vont mettre en valeur ce que la façon de répondre raconte du jeune qu'il croise. Ça n'arrive qu'une fois, peut-être, avec le type caché derrière son manteau... Mais le reste du temps, les questions semblent surtout être le prétexte à un inventaire de la jeunesse, des lieux qu'elles fréquente, de ses boulots, de ses loisirs... D'où un aspect un peu vain. Au final, je trouve le film plus réussi dans tous ses à côtés aux interviews.


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 Sujet du message: Re: Jan Špáta (1961-1998)
MessagePosté: 18 Mar 2014, 01:17 
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Voilà comme tu dis on ressent peu l'enjeu dans les réactions, du coup ça fait vraiment inventaire de réponses de djeuns et j'ai l'impression que de ce côté là ça raconte pas grand chose. Y a des aspects intéressants, comme je l'ai dit, parce que je suis curieux et que ça m'a plu de savoir la manière de penser à l'époque mais j'aurais aimé avoir un contrepoint, même implicite, dans ces phases là

Tom a écrit:
Au final, je trouve le film plus réussi dans tous ses à côtés aux interviews.


Pareil

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 Sujet du message: Re: Jan Špáta (1961-1998)
MessagePosté: 19 Mar 2014, 23:14 
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On continue. Les autres, lancez-vous, ça en vaut vraiment la peine. Baptiste, tu rates quelque chose.

Moment of Joy :

Des moments vraiment somptueux, comme ces corps filmés à contre jour, entre deux parois, emmêlés dans leurs cordes telles de grosses araignées. Et cette lumière divine, qui semble descendre sur certaines séquences, comme pour donner encore plus de poids au discours sur la création de Spata. C'est beau, simple, et certains plans sont parmi les plus beaux qui soient.

Par contre, je n'ai pas été convaincu par deux choses : l'alternance nature/êtres humains, bien que je sente le désir chez Spata de plus ou moins fusionner les deux à mesure que progresse le documentaire (les hommes deviennent la roche, l'épousent, et puis ce joli travail sur l'eau/le liquide/les pieds qui saignent), me paraît problématique. C'est un façon un peu trop simple à mon goût de montrer le beau que cette superposition. Je ne saurais trop dire en mots pourquoi, mais ça m'a semblé artificiel.
Et cette musique, que contrairement à Tom, j'ai trouvée insupportable et sursignifiante (elle m'a beaucoup plus gêné que celle du Renne Blanc, par exemple). J'aurais préféré du silence, que Spata fasse parler continuellement les sons, cette eau qui goutte, ces corps qui dérapent sur la pierre.

Mais belle découverte, bien que je sois un peu moins enthousiaste que toi, Tom.

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 Sujet du message: Re: Jan Špáta (1961-1998)
MessagePosté: 24 Mar 2014, 01:13 
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J'en ai vu 3 et je crois que je vais m'arrêter là.

Moment of Joy : le plus simple, le plus direct, le plus beau. Spata ne commente pas directement ses images mais les laisse exprimer toute leur beauté candide et le sentiment de liberté incroyable qu'elles portent en elle. Il parvient à saisir un sentiment général en l'espace de quelques plans comme lorsqu'en haut de la falaise les amis s'assoient autour du feu et partage un repas. Le seul commentaire que s'autorise le film c'est la musique qui travaille comme une élégie béate de la vie et de la jeunesse. C'est très beau, ça travaille un un symbolisme évident (très beau raccord corde/oiseau), ça représente en effet un certain idéal de documentaire qui dans toute la simplicité de son dispositif déploie de pures merveilles (cette scène en contrejour avec les trois grimpeurs coincés entre les deux parois c'est inoubliable)

Respice Finem : exemple typique du documentaire démonstratif désagréable. Comme le dit Tom le film prend des allures de cinéma de propagande dans sa démonstration par A + B de l'abandon des aînés dans leur misère. Je n'aime pas du tout cette manière de ne pas choisir un protagoniste mais de tenter une forme de fausse exhaustivité à travers ses diverses témoignages à charge et le misérabilisme qu'ils contiennent. Une manière évidente de faire passer l'humain derrière le message qu'on veut forcer à l'intérieur du film. On se permet même la scénarisation (le truc du billet avec le chien qui court l'amener - scène qui ne mènera à rien). Tout ça pour démontrer que ce qui les attend ces personnages c'est la tombe, la mort, sans autre forme de procès. Une mort déréalisée posée là comme ça dans le film comme la conclusion d'une démonstration maladroite et manipulatrice. Pas du tout aimé.

Saint Patrick’s Land : c'est un peu un mix des deux précédents. On retrouve cet aspect très épisodique, très "fourre-tout" sans véritable narration ainsi qu'une forme de démonstration lourde dans la démarche. Au delà de la beauté terrassante de plusieurs images/scènes j'ai du mal à comprendre quel est le but de ce film là. Une espèce de carte postale brouillonne de l’Irlande qui pioche par ci par là en mode random sans choisir une direction claire. On finit par s'y ennuyer un peu réveillé ça et là par des scènes incongrues (les soeurs qui jouent au tennis, les prêtres dans leur studio moderne) ou subitement magnifique (la dernière scène). Justement quand vient cette dernière scène on se dit que Spata a raté son film, qu'il en trouve le sujet à la fin et qu'il n'a fait que tourner autour pendant 25 minutes. Cette manière de regarder les gens avec une désinvolture, en coupant très vite, en ne s'attardant jamais sur leurs visages me dérange beaucoup, on dirait qu'ils ne l’intéressent pas.
Une fois de plus c'est très beau visuellement (il y a un truc assez étrange avec l'étalonnage très colorée des scènes extérieures et l'aspect presque monochromatique des séquences mettant en scène les religieux) mais je l'aurais totalement oublié demain parce que ça ne me raconte rien.

Bilan très mitigé pour moi à part la petite perle A moment of Joy.

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 Sujet du message: Re: Jan Špáta (1961-1998)
MessagePosté: 24 Mar 2014, 08:55 
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Art Core a écrit:
Respice Finem : exemple typique du documentaire démonstratif désagréable. Comme le dit Tom le film prend des allures de cinéma de propagande dans sa démonstration par A + B de l'abandon des aînés dans leur misère. Je n'aime pas du tout cette manière de ne pas choisir un protagoniste mais de tenter une forme de fausse exhaustivité à travers ses diverses témoignages à charge et le misérabilisme qu'ils contiennent. Une manière évidente de faire passer l'humain derrière le message qu'on veut forcer à l'intérieur du film. On se permet même la scénarisation (le truc du billet avec le chien qui court l'amener - scène qui ne mènera à rien).

Oh si, quand même : ça accroit ce côté isolé/survie, chacun sur son île. C'est bizarre, le "trucage" de ce passage ça ne me gêne pas du tout... J'ai pas l'impression que le film prétende mordicus au cinéma direct, et qu'il ait capté la chose ou qu'il l'ait vu puis reproduite, vu l'approche générale du film (qui ne se gargarise jamais de sa capacité à capter un moment particulier, présent) je ne trouve pas que ça change grand chose. Je suis d'accord pour ce que la voix-off a de désagréable, mais je trouve un peu dommage de limiter le film à elle, comme si le doc se limitait à ce propos. Ne serait-ce que parce que, si la voix-off appuie le pathétique, le film est ultra-nerveux et vivant, alerte, plus fasciné par ces corps qu'englué dans le pathos justement.

Sinon assez d'accord sur ce que tu décris sur St Patrick's Land ("désinvolture" parfois, c'ets tout à fait ça, ça mine pas mal ce film-ci)

Art Core a écrit:
J'en ai vu 3 et je crois que je vais m'arrêter là.

C'est dit comme si tu m'avait fait une faveur...


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 Sujet du message: Re: Jan Špáta (1961-1998)
MessagePosté: 24 Mar 2014, 10:07 
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Ah non je les ai regardé avec plaisir, c'est juste que vu ce que tu dis des autres je me dis que ça ne va pas me plaire. Quoique j'ai envie de tenter le premier, j'aime bien ce qu'en disent Hobbes et Castorp.

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 Sujet du message: Re: Jan Špáta (1961-1998)
MessagePosté: 24 Mar 2014, 10:10 
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Art Core a écrit:
Ah non je les ai regardé avec plaisir, c'est juste que vu ce que tu dis des autres je me dis que ça ne va pas me plaire. Quoique j'ai envie de tenter le premier, j'aime bien ce qu'en disent Hobbes et Castorp.


Ha non, j'ai pas encore vu le premier, moi. :)

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 Sujet du message: Re: Jan Špáta (1961-1998)
MessagePosté: 24 Mar 2014, 10:19 
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Ah oui ! C'est le truc de la chèvre qui m'a intrigué !

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