J'ai toujours revendiqué une double passion pour le cinéma japonais et les films de morts-vivants, mais j'ai jamais eu l'occasion de parler de morts-vivants ici...
Voila une erreur désormais corrigée avec ma première approche d'un cinéaste espagnol méconnu, pourtant auteur d'une oeuvre horrifique imprtante dans une approche originale...
le texte n'est peut-être pas tout à fait complet, mais il pourrait l'être s'il menait à une discussion...
Amando de Ossorio est un cinéaste qui n’a jamais trouvé sa place dans les grilles d’interprétations cinéphiliques. Il a bien eu un public de fidèles, mais l’ont-ils finalement eux-mêmes pris au sérieux ? Rien n’est moins sûr. Nulle part vous ne le trouverez encensé comme autre chose qu’un produit de série, ou produit culte de cinéma bis. Ses fans auraient pu en préférer un autre, mais non, pour eux, c’était celui-là. Aucun pour reconnaître la vérité profonde que ses films mettent en relief.
Même les nanardeurs tairont jusqu’à son existence, refusant d’intégrer à leur corpus ce qui est pour eux trop long, trop chiant (forum de nanarland rubrique on s’est fait avoir), et ainsi d’en faire ressortir quoi que ce soit. L’hypothèse d’explication ici présente entend que s’il n’a jamais été accepté par les amateurs de mauvais cinéastes, c’est à juste titre parce qu’il n’en était pas un. Mais il sa faible distribution comme produit de série a fait qu’il n’a pu être connu que par les amateurs du genre. (A noter qu’Arte, sachant souvent reconnaître le bon grain de l’ivraie, a permis à ce cycle de génie une nouvelle jeunesse en Europe, le diffusant régulièrement dans ses cycles trash, lui permettant enfin de trouver le public qu’il mérite).
Ce qui a pu passer pour chiant aux yeux des nanardeurs, c’est tout le temps de ce ralenti, temps pris aussi pour installer l’ambiance, mais aussi temps de la réflexion.
Le fait qu’on ait pu le voir comme un réalisateur de films de Zombie de série de l’époque post Romero est à ce titre riche d’enseignement sur le manque d’attention à la singularité de la vision qui se présentait ici.
Car une telle lecture fait finalement trop peu attention aux particularités de ses films. Et si elles étaient quelque fois remarquées (ça et là sur Internet on peut lire des choses intéressantes, qui seront pour certaines reprises ici), on traitait juste celles-ci comme des touches personnelles sans signification propres. Comme si Ossorio avait juste voulu laisser une signature, car, pour copier un film il faut encore laisser une signature.
Pourtant, il n’y a pas dans ces originalités qu’une simple signature. Si certains clichés du cinéma de genre restent, ils ne forment au pire que des éléments traditionnels. Par contre, il arrive parfois que ces éléments soient réarticulés, par rapport à leur usage traditionnel, ceci permettant de retrouver la véritable raison d’être d’une telle symbolique (la lumière dans le retour des morts vivants), de la même manière que toutes ces symboliques sont permettent de retrouver la raison d’être de ces figures…
Il ne faut donc pas traiter ces films comme des répétitions de films de genre dont les nouveautés marquent la simple signature de leur auteur mais au contraire comme une recherche, à partir des codes du cinéma d’horreur, en vue pousser son illustration.
Car il y a bien ici l’effectuation d’une recherche. Chaque film ajoute quelque chose au précédent, modifie en plusieurs points la précédente conception du mort vivant, la précise, en délimite les contours.
Ainsi, on le remarque, Ossorio, au fur et à mesure de ses films, avance dans son problème.
En fait, il apparaît nettement qu’il cherche à capter de manière complète la figure du mort-vivant. Ses films répondent aux questions :
Qu’est ce qu’un mort vivant ? Quelle est sa signification profonde ? Que peut-il illustrer ? Qu’est ce qui fait l’intérêt et l’importance de cette figure ? Que signifie cette présence de la mort dans la vie ?
Questions auxquelles Ossorio répond par une illustration radicale. On peut dire que ses morts-vivants sont les plus réussis de la création cinématographique. Ils sont en tout cas les plus pensés. Les plus conçus. Chaque film ajoute de nouveaux éléments au précédent, cerne cette figure d’une nouvelle manière, pour arriver à nous en donner au final à une vue d’ensemble. Ossorio est donc loin de n’avoir réalisé que des productions de séries de zombixploitation post-Romero. Il a bien une conception singulière et globale de son monstre et du rôle qu’il veut lui faire jouer. Et surtout, en montrant la signification du mort-vivant, il a bien pu montrer sa raison d’être, ce qui a pu engendrer le besoin de faire appel à une telle figure. Il y a donc bien une compréhension profonde du monde qui se raccroche à ces réponses Ossoriennes. L’interrogation sur l’une des créatures les plus traditionnelles du cinéma d’horreur permet bien de sonder ce que l’homme a voulu y voir (d’après une note de la nouvelle traduction de Par-delà bien et mal en GF, par Wotling, on peut constater une première apparition du mort-vivant en littérature chez Goethe, qui semble intéressante de ce point de vue. Si quelqu’un retrouve un passage dans l’œuvre de Goethe à ce sujet, s.v.p. PM…). Concrètement, la question posée par l’existence même du mort-vivant au cinéma permet bien d’interroger la vie elle-même.
Nous pouvons donc dire à partir de cette évolution que nous sommes ou bien dans le domaine de la pédagogie : on nous initie à cette pensée, celle du mort-vivant du plus simple jusqu’au plus complexe, ou bien dans celui de la recherche : les problèmes s’affinent. Et c’est bien de cela qu’il s’agit, plutôt que d’une correction d’erreurs. Les chevaux dans la révolte des morts vivants, permettent d’expliquer simplement l’incompréhensible vitesse de ces mort-vivants super-lents, le fait qu’ils finissent toujours par rattraper les hommes plus rapides. Mais ils deviennent alors incompréhensibles. Par la suite, l’incompréhensible se radicalise. Il devient physiquement incompréhensible. Les morts-vivants n’ont plus de chevaux. Et qu’on n’y voie pas la correction d’une incohérence. Comment celle-ci aurait-elle pu être involontaire ? Où les morts-vivants auraient-ils pu avoir leurs chevaux et comment l’auteur aurait-il pu ne pas s’apercevoir de cette idiotie ? S’agissait-il d’une fantaisie, d’un manque de sérieux ? D’une volonté de nanardise ?
Le rôle de ces chevaux dans le film doit néanmoins nous faire admettre une autre interprétation. Ils permettent en effet de résoudre le problème de lenteur des morts-vivants. Et, quoi qu’ils se déplacent toujours au ralenti (après tout, ils transportent des morts-vivants, et c’est peut-être contagieux), ils permettent à leurs cavaliers une vitesse à peu près équivalente à celle d’une damoiselle apeurée. Nous avons donc un problème de physique, (la tortue rattrape Achille), résolu par les fidèles destriers de ces morts-vivants, qui, nous le rappelons sont d’anciens templiers, destriers dont la présence est elle-même incompréhensible. Aussi, ils permettent de marquer cette incompréhensibilité sur le mode de la présence, et non pas simplement sur celui, quantitatif, du rythme.
Les chevaux servent à réduire l’incohérence, mais en même temps, la rendent apparente.
Une fois admis ce problème, l’incompréhensible, le traitement s’effectue d’une toute autre manière dans le retour des morts vivants (el ataque de los muertos sin ojos). Nous avons directement affaire à l’incompréhensible. Il s’agit bien d’une radicalisation. Nous sommes confrontés à des morts vivants super lents qui nous rattrapent. Mais ils sont plus lents que les vivants !
Incohérent défi aux lois de la physique que seul le montage pouvait résoudre, la victoire du mort vivant n’a plus cette fois-ci besoin d’artifice.
L’un des points les plus importants de cette incarnation originale du mort-vivant est donc le temps. D’abord, le rythme. Les mot-vivants, traditionnellement assez lents, deviennent ici hyper-lents. Ceci ajoute une pesanteur et un relief que n’ont pas les films à morts-vivants simplement lents (les morts vivants des premiers Romero par exemple, dont ce n’est pas l’optique). Ici, tout est axé sur la figure, et non sur ses effets, et cette super-lenteur ne les rend pas shootables à merci (Zombi de Romero), ni simplement très effrayant (La nuit des morts-vivants), mais leur donne une certaine stature, une dignité, une noblesse. Le mort-vivant vient de gagner ses lettres de noblesse. Cette noblesse est aussi l’un des éléments constituant l’autre particularité temporelle de ce mort vivant, l’histoire. Il est très vieux : c’est en effet un templier. Illustration des croisades, résurgence d’une autre époque, il constitue le retour à la vie de ce qui est mort depuis longtemps, mais continue sans doute d’exercer une certaine fascination. Mais ce n’est pas qu’un fantôme du passé opposé aux bienfaits du présent. Il peut aussi s’accommoder des technologies récentes pour se répandre (le train dans le premier volet, le bateau dans le troisième).
Ce problème de rythme s’illustre aussi dans un autre thème marquant du deuxième volet : La fête. Les vivants du retour des morts-vivants, (qu’on me permette de l’appeler l’Attaque des morts sans yeux) font une fête. Ici, l’opposition entre l’activité des vivants et la lenteur des morts y transparait encore. Le thème est peu original, il est vrai, la fête est un classique du cinéma d’Horreur, et bien souvent sur ce thème, mais elle est ici un changement de point de vue flagrant en comparaison de l’ambiance intimiste du premier film. Là encore le nouveau point de vue ne corrige pas le précédent. Il fixe de nouvelles délimitations
Le mort-vivant s’oppose à la vie du vivant, celle qui s’illustre dans les fêtes du deuxième film.
Ce qui est illustré à travers ces films, c’est donc cette lutte primordiale, nécessaire, inéluctable, se nouant au cœur même du vivant entre cela même qui vit et la mort que recèle le vivant en – lui même. Entre les forces affirmatrices et négatrices. C’est une lutte entre le vide et le plein, entre la surface et le contenu, entre l’agir et la rétention, entre le désir et le refoulement.
Ce qui apparaît à première vue ridicule doit alors sauter aux yeux comme une illustration de ce fait incompréhensible mais pourtant avéré : Les faibles, les négateurs, les morts-vivants, l’emportent toujours. Ils sont lents, dépourvus de toute vie, mais ils finissent toujours par l’emporter. Et ceci non pas même parce que l’on ne peut pas tuer un mort (ce ne sont pas des fantômes, on pourrait bien détruire leur carcasse), mais bien à l’encontre de toute explication physique ou même rationnelle. Et s’il existe des solutions inattendues dans certains films, celles-ci restent de l’ordre du symbolique, si bien que l’on peut douter de leur réelle capacité à remettre en cause l’inéluctable et incompréhensible victoire du mort-vivant.
Mais ce mort vivant, en lui-même, en quoi est-il chez Ossorio si intéressant ? Nous avons dit qu’il était le plus pensé et le plus conçu de la création cinématographique, et pour affirmer cela, plus que de démontrer l’originalité des films, il faut bien montrer l’innovation apportée au personnage. A-t-il alors une originalité graphique qui lui ferait mériter ce titre ?
Sans conteste. Le templier d’Ossorio est le mort vivant le plus épuré, le plus vide qui ait pu se montrer sur des écrans. Ce mort vivant ne suppure pas, il n’a pas de vers. Il n’est produit que par soustraction (les morts sont "sin ojos", sans yeux, comme le rappelle le titre du deuxième volet, comme il est vrai, ceux de Fulci, mais n’ont pas de vers, ni de matière en putréfaction)… Autre détail intéressant dans une telle conception : Il est lisse (comparés encore une fois à ceux de Fulci). Le mort vivant Ossorien est donc celui dont il ne reste plus que la surface. La mort, dans la vie ne se manifeste donc que par soustraction et c’est bien cette vision qui est illustrée dans ce cycle de templiers. Un mort-vivant est un mort qui ne vit plus rien, qui e ressent plus rien, qui n’a plus d’intérieur, il est désubstantialisé… Plus rien ne se passe en lui, tout lui a été retiré, toute interface de communication est coupée (et pourtant, il prend le train ou le bateau). Il n’est que l’homme ramené à sa surface et non à ce qui se produit en lui.
De ce cycle, on retient donc une idée de surface pas inintéressante à l’époque du Sarkozysme où tout n’est qu’en surface, où être partout est être juste devant les caméras, à la surface, où raisonner est raisonner à la surface, ne surtout pas rentrer dans les sujets, sans les creuser, couper court à toute tentative de profondeur, où rien ne doit être ajouter au constat, et, quand quelqu’un ajoute quelque chose, on le rappelle à ce constat, où les coupables sont coupables,
les délinquants délinquent, les immigrés ne sont pas dans leur pays,
Bien sûr, ces films n’ont aucun contenu politique. Ils sont pourtant politiques au sens d’un regard critique sur des luttes de comportements. Le mort-vivant n’a bien entendu rien à voir avec l’agitation conservatrice contemporaine, ces gesticulations Sarkozystes qui plaisent tant dans le monde entier en ce qu’elles sont symptomatiques de la mutation recherchée par un conservatisme voulant agiter les foules.
Mais la mise en garde contre la surface, qui s’appliquait à l’époque au conservatisme lent, doit bien aujourd’hui s’appliquer au conservatisme hyperactif, tout aussi mort et vidé de toute profondeur. L’apparition récente au cinéma de morts-vivants super rapides n’est à ce titre pas anodine. On voit bien à travers elle que le mort peut être rapide. Il lui eut cependant fallu avoir conservé ce vide des morts vivants Ossoriens. (Encore peut-on trouver quelques espoirs tels que les Nazguls de Peter Jackson dans le seigneur des anneaux, qui permettent au réalisateur de montrer des rois vidés, même si leur vitesse est encore liée à leur monture. L’avenir nous réserve peut-être un Zombie de chez Trauma survitaminé mais vide…).
Ainsi, Ossorio, dans sa conception particulière du mort-vivant, a donc pu amener cette figure à son accomplissement. A cause d’un incompréhensible manque de reconnaissance, il n’a jamais été atteint depuis la fin de son cycle des templiers, alors que son illustration devrait bien être une figure imposée par le genre. S’il n’est pas un maître de l’horreur (on n’aura jamais vu si peu d’horreur dans un film de Zombie), il reste donc néanmoins un grand artiste dans le domaine de l’épouvante de par sa capacité à créer une ambiance et reste incontournable pour son interrogation théorique des figures qu’il met en place.
Films : La révolte des mort-vivants (la noche del terror ciego) 5/6
Le retour des morts-vivants (el ataque de los muertos sin ojos)5,5/6
Le monde des morts vivants (el buque maldito)4/6
La chevauchée des morts-vivants (la noche de las gaviotas) 4,5/6
A voir aussi hors morts-vivants : La endemonia… 4/6
Non-vus :
Passion interdite
Grasps of the Loreleï
La nuit des sorcières
Malenka (anika Ekberg en Vampire ou morte-vivante, ça doit valoir le coup).