La Costa da Morte, située au nord-ouest de la Galice, en Espagne, tire son nom dramatique des nombreux naufrages qui se sont produits dans cette contrée rocailleuse, de brume et de tempêtes. La caméra déambule sur ces terres, s’attachant aux pêcheurs et aux artisans qui l’habitent.
... mais malheureusement, ça ne fonctionne plus. Le style est pourtant le même : plans de nature très vastes aux humains-fourmis, avec pour seule différence ici que la prise de son est contradictoire (la parole des petites silhouettes est entendue de très près, en HF).
Mais ça ne prend pas, et pas seulement parce qu’on aurait étiré le dispositif sur 1h30, l’amenant à se répéter. Non, c’est plus simplement un manque d’enjeu qui est ici fatal au film, le plan lointain devenant non plus la condition d’un regard étrange et riche sur le monde, mais une simple signature qu'on tamponne à chaque plan. Pour le dire autrement : souvent, le plan lointain ne sert à rien au vu de la situation, et par là-même sa longueur devient inutile (longueur dont il n'abuse pourtant que modérément). Par exemple, deux pêcheurs discutent de l’origine du nom de la côte. En plan très large les montrant postés au bout du récif. Où est-ce que la valeur de plan renouvelle la façon dont on voit ce qu'il enregistre ?
Or une fois qu’on regarde le film à plat, en oubliant son parti-pris formel, on se rend compte qu’il ne sort que peu de l’académisme des documentaires visant à faire le portrait d'un lieu : inventaire de la région, du travail artisanal des habitants, le vieux qui fait sa visite au cimetière, des décors naturels vides... le tout selon une très vague progression temporelle venant difficilement palier le manque d’une colonne vertébrale narrative. On est dans une sorte de croisement entre un La terre vue du ciel intello et le programme de n’importe quel doc étudiant. On en reste à contempler la chose façon fond d’écran, à s’amuser de la lumière d’un phare ou à admirer la beauté d’un feu de forêt dans la nuit...
Trois passages, venant soudainement réveiller notre attention, viennent souligner que ce "style" reste une belle promesse. Je met en spoil, car autant se garder ces surprises pour la vision :
- Le premier voit deux petites dames marcher aux chevilles dans la mer, occupées à une discussion de ménagères. À l’image, leurs deux petits corps perdus sur le bord d’un océan immense, la plage dorée plongeant vite dans le bleu profond. L’une d’elle propose d’aller vraiment se baigner puis les deux petits corps reculent « ah non, elle est trop froide », nous laissant soudain imaginer la température glaciale des abysses qui s’étalent à l’écran. Le contraste ici, entre le domestique anodin de leur comportement et l'immensité fascinante du décor, crée vraiment un truc.
- Le deuxième est un plan d’hommes qui, pour une raison peu claire, se tiennent sur un rocher avancé dans l’océan, que les vagues viennent totalement avaler toutes les dix secondes. A l’arrivée de chaque vague, les petits corps se rassemblent, et font front, collés à la pierre, pour ne pas être emportés : là encore, l'apposition du corps minuscule et l’immensité du décor prend sens.
- Enfin, une image récurrente : celle des habitants pêchant les coquillages à mer basse (le boulot du coin). Une trentaine de silhouettes, eau aux genoux, penchés dans l’eau. Mais au son, nous avons la proximité des discussions, prise d’un point précis du tableau : « oh j’en ai une », « combien vous en avez, autour, là ? », « regarde celle-la ». On ne sait pas de quel point viennent exactement ces voix, et le collage d’une telle camaraderie, et de cette vision du village au travail en groupe, crée une image très forte de la communauté.
Voilà pour les quelques pistes de ce documentaire raté, et bien trop ennuyeux, qui n’a pas su développer le style initial de ce cinéaste autrement qu’en en faisant une sorte de signature automatique et morte.
Un petit mot technique, sinon : je sais pas si la caméra source, le distributeur, ou le projectionniste est en cause, mais un doc aussi contemplatif dont l'image compresse et solarise dans les sombres, c'est pas très futé...
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