La Noche de 12 Años en VO.
1973, l'Uruguay bascule en pleine dictature. Trois opposants politiques sont secrètement emprisonnés par le nouveau pouvoir militaire. Jetés dans de petites cellules, on leur interdit de parler, de voir, de manger ou de dormir. Au fur et à mesure que leurs corps et leurs esprits sont poussés aux limites du supportable, les trois otages mènent une lutte existentielle pour échapper à une terrible réalité qui les condamne à la folie. Le film raconte les 12 années d'emprisonnement vécues par trois des figures les plus célèbres de l'Uruguay contemporaine - dont son ancien président José "Pepe" Mujica.
Je connaissais vaguement le passé de Mujca, qui avait été relaté lors de son accession à la présidence de l'Uruguay, mais sans plus de détails sur les conditions de sa détention. Le premier intérêt du film est donc historique, le cas de l'Uruguay étant moins connu que le Chili ou l'Argentine par exemple. On ne verse pas non plus dans le docu wikipedia, le film adoptant un aspect formel avec suffisamment d'échappées pour proposer une narration propre.
C'est d'ailleurs la grande force force du film, aidé par un trio d'acteurs tous habités, d'approcher le ressenti de telles conditions d'enfermement. Certains moments de la folie qui se crée sont vraiment prenants, comme par exemple la paranoïa de Mujica qui se persuade qu'on veut lui extraire des informations de son cerveau à force d'isolement (aucune torture physique spécifique à des interrogatoires n'étant pratiquée, ou du moins montrée) ou encore le fait de tourner en rond avec ses propres pensées que l'on ne peut arrêter. Une autre chose qui permet l'immersion dans la condition des prisonniers est la gradation des supplices infligés aux détenus, de la privation de la parole jusqu'à les faire respecter une simple ligne de marquage blanc comme mur d'une cellule. Le côté « petit manuel de torture psychologique » est toujours un exercice délicat qui peut sombrer dans le voyeurisme mais ici l'aspect documentaire (au sens de documenter ce que ces personnes ont subi) prend le dessus ce qui permet garder l'humanité des personnages et du point de vue.
Le formalisme malickien des souvenirs et des expériences de sortie de son propre corps est également réussi mais on touche à l'un des problèmes du film qui, par une esthétisation et une tendance à faire des ses personnages des figures christiques, finit par lasser.
Il reste quand même des moments magnifiques, lorsque les détenus communiquent en tapant sur les murs, et même une scène comique où l'on pousse jusqu'à l'absurde la rigidité de la hiérarchie militaire, sans que cela ne dénote dans la tonalité globale du film. Bref, le réalisateur est à l'aise avec l'objet filmique, mais parfois peut-être trop conscient de sa propre mise en scène, qui malgré des aspects rêches et elliptiques (on ne va quand mêmes pas dire expérimentaux) peut donner dans l'imagerie pop et pub par moments (le final lacrymal en est à ce titre l'apogée).
Bref, je ne serais pas étonné de voir des critiques assassines mais, bien que ça ne réinvente pas le genre (en fait j'en sais rien, pas vu Hunger par exemple mais il faut), ça a plutôt bien fonctionné sur moi (mais je suis sans doute sensible aux révolutions sud-américaines).
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