Fin des années 60, dans le Nord de l'Italie. La fraterie des Gordini forme une famille noble, opulente (bizarrement sans parents, comme s'ils étaient orphelins). L'ainé, Vittorio, comte, est bombardé candidat du parti socialiste pour une élection locale. Il s'agit d'une stratégie pour isoler le parti communiste en montrant une gauche libérée de son ancrage prolétarien.
Vittorio est en fait assez timoré, voire veule, il n'a en tout cas pas du tout la carrure d'un tribun, et le premier meeting est un fiasco total.
Il entretient une relation avec sa secrétaire, la très belle, mais pauvre, Giovanna (qui subit quelque peu la lourdeur de ses avances et capitule. Ce n'est pas vraiment la passion ou un jeu avec le souffle de l'interdit).
La soeur, Elena au début de la quarantaine, enquille les relations avec des hommes de différents milieux, tout en formant une sorte de couple à la fois morganatique et incestueux avec Vittorio, qui bloque implicitement tout mariage pour eux deux.
Le jeune frère, Camillo, plus introverti et taciturne, étudie au séminaire, tout en étant membre d'une cellule maoïste clandestine (qui se cache moitié dans le séminaire, moitié dans le palais familial), un peu pour faire chier son milieu (et de façon d'autant plus dirigée contre son frère, que son engagement politique se matérialise et qu'il doit faire campagne - il semble qu'au départ Vittorio tolérait voire facilitait l'activisme de son petit frère, par anti-communisme ), un peu aussi parce que l'engagement idéologique ressemble à celui de la foi catholique, et permet de concilier puritanisme et transgression, notamment au plan sexuel. Elle lui permet enfin de poser à la fois au chef dans un petit groupe et au rebelle caché vis-à-vis de l'Eglise et de la famille, posture doublement valorisante.
Par ailleurs le fait que Camillo ait été bombardé candidat socialiste évince un jeune cadre du parti, comptable, Carlo, d'origine modeste mais ambitieux, à qui l'investiture semblait promise. Celui-ci devient le directeur de campagne de Vittorio. Par ailleurs il est aussi l'autre amant de Giovanna,.





Film assez étonnant, la seule vraie comédie de Bellochio (discours politique final grave bidon, sur l'unité et la complémentarité dans la rivalité des gauches bien fendard et toujours actuel, d'autant plus quand on pense au NFP ou à la NUPES françaises).
Il y a une sorte de froideur moderniste, de précision politique (un peu à la Oshima), certaines scènes ou deux intrigues parallèles divisent avant et arrière plans tout en restant lisibles sont assez somptueuses, et en même temps une forme d'humour plus populiste et typique de la comédie italienne. En est à la fois dans un climat liant dans le tragique sexuel la famille et les pouvoir sur la cité, à la Sophocle ou Eschyle, et dans du quasi-boulevard, burlesque et graveleux, un peu à la Feydeau en modernisé.
Tout est à la fois transparent et codé, simultanément évident et lointain. La lenteur de la prise de conscience par les personnages de leur propre situation, par rapport à ce qui est rapidement deviné par le spectateur créé une apparence de tragique et d'ésotérisme dans une situation grotesque et archi-simple.
Le sérieux fonctionne comme une séduction refusée et un mensonge, il est l'échec que la fiction perçoit elle-même, quand la comédie s'impose comme la persistance d' une valeur traditionnelles, soumettant pareillement le bourgeois et le travailleur (schéma en somme assez classique, qu'on songe à Molière - interdit aux USA par les MAGA d'ailleurs).
Les personnages se croient modernes, réflexifs et brechtiens, alors qu'ils incarnent des types comiques traditionnels, anciens, que l'appel à l'urgence polique n'arrive pas à rajeunir. Et le public se définit comme celui qui n'a pas besoin de leur désir de politique, qui est usé parce qui est neuf pour les personnages pris dans le film.
Le film est cependant politiquement et politiquement intéressant, anticipant l'impasse de la tentation terroriste, présentée comme une provocation familiale transposée dans la sphère publique (et devenue par là codée) - le frère aîné, figure paternelle de subtitution à qui on reproche sa fragilité, est le personnage simultanément menacé et préservé par le cader. Il montre aussi une forme d'ambivalance de l'extrême gauche envers le féminisme (guère distinguée par les personnages de la liberté sexuelle, ce que le film démonte assez bien) , où les mêmes gestes et actes , les mêmes rapports passeraient automatiquement d'une signification libératrice à une menace selon qu'ils s'adresseraient à al fille du peuple ou à la bourgeoise. Leur fixité, la banalité et la monotonie de leur contenu rend en fait inutile l'appel à l'ordre moral : il n'y pas de réaction opposé au maoïsme du frère cadet, car celui-ci est à la fois anecdotique dans la société et saturé de sens et de passion dans la famille - il suppose l'ordre bourgeois fort et éternel quand celui-doute et souffrait, avant lui, de son ridicule et de sa précarité.
Il y a aussi quelque-chose de surprenant, les scènes au séminaires, mettant en scène des enfants, à la fois solennelle et sous-entenant de façon ricanante un soupçon de pédophilie ou en tout cas de sexualité très régressive chez les prélats catholiques, sont extrêmement proches de celles que Bellochio a mis en scène il n'y a pas longtemps, mais avec une charge pathétique nettement plus forte, dans
l'Enlèvement. L'enfant volé, arraché à la culture juive correspond au grand adolescent qui feint de fuguer en restant au sein du catholicisme, qui refuse le milieu où pourtant il demeure, et ne grandit pas. En quatre décennies la pompe et le décorum de l'Eglise catholique sont devenus dans son cinéma des motifs autonomes, sans changer la forme qu'ils possédaient à l'origine dans la satire. Ils perdent simplement leur contrechamps, comme si c'était ce mécanisme qui faisait pour Bellochio la grande histoire : on dénonce l'arbitraire de l'autorité, en conservant l'ésotérisme séduisant d'un désir, où elle trouve son origine. Comme le monde extérieur est le seul à mourir, et que la subjectivité survit à la perte du sentiment de sa propre valeur, le regret (le sentiment) devient le principal produit de la critique politique, et en signale l'achèvement