Paris, ou sa banlieue, de nos jours. Dans un grand appart un peu décati, zone indécise entre confort bohème d'étudiant attardé et déchéance physique et psychologique, vit Bruno Weintraub, un écrivain dont le premier livre, paru au mitant les années 90, le "Ciel Etoilé au Dessus de ma tête", avait été reconnu et trouvé sin public . A en croire les extraits et les propos de l'auteur on peut imaginer qu'il se situait entre MBK et Tristan Garcia, voire la critique du système à la Naomi Klein. Depuis l'inspiration ne s'est plus renouvelée, la veine politique appelant à un messianisme anticapitaliste et à la route ardue rt resque secrète vers l'épiphanie relationnelle a lassé, il s'est noyé dans des problèmes de cul aussi banals que lancinants, et se terre errant en slip chez lui, entre la cuisine et la chambre, entre sa voisine fuck buddy et sa coloc Femen virginale, ses piles de livres non-lus ou trop relus, la télé et Facebook. Un jour ses parents, inquiets, débarquent, accompagnés d'une mystérieuse brune : Sophie Andreux. Andreux, ce n'est pas un nom juif : ce n'est dont pas une femme de la communauté sur laquelle ils essayent de l'orienter. Mais qui est-elle alors ?J'hésite à qualifier le film : est-il franc et à fond derrière la singularité des ses personnages et engagé dans une défense sincère de la marge (y compris, les parents car l'imaginaire libertaire mais déjà sceptique des années 80, dont l'échec est une forme de mise en minorité) qui peut faire penser à du Giraudie dans un versant hétéro, ou bien film un peu trop malin et chic, faisant fonctionner la psychose et la peur du déclasselebt socil comme des signes de distinction sociale et de décalage calculés et paradoxaux un clin d'oeil complice au public ?
J'ai souris, le reste du pulic s'y retrouvait, mais j'ai trouvé que le film avait quelque chose d'assez déplaisant, qui rappelle un peu l'humour Canal + ou
Bref : le sujet du sketch y dit systématiquement en conclusion lui-même ce qu'il faut penser de lui. Ce bouclage, cette maîtrise du jugemenr de l'autre et cette propension à s'autocommenter se confondaient avec ce qui serait l'objectif d'une lutte politique contre l'aliénation, la maîtrise de son destin, le passage du discours "de" la société elle-même, placé au plan de la consommation et du travail, au discours sur les valeurs (donc dr discours "sur la société") . Mais cette contestation reste elle-même une performance et un jeu. La singularité (et la force du film) est de ne pas chercher à l'articuler à travers des individus, mais driectement au niveau des groupes sociaux (juif, fous, femmes, intellectuels, psy... qui sont du côté du service public en train de mourir, lui-même malade et en quêtre reconnaissance). L'humour nait du caractère informe de ses groupes sociaux, dont les individus particuliers (père, mère, copain, meuf) fonctionnent non plus comme des membres, mais comme des masques et des porte-paroles perpétuellement ventriloquent (rendant le roman inutile, car il ne saurait y avoir là un public), le rapport d''émulation entre la théorie et la psychologie des genes est immédiat et ne permet plus l'art). Face à la dilution des liens sociaux et la vie 2.0, tout peut prendre en même temps l'apparence de la minorité et de l'ordre, ces deux figures ne sont plus incompatibles. Cela ressemble à une réconciliation, mais c'est la peur de disparaître en même temps. Bruno est seul mais regardé: logique individuelle, désirante, qui voudrait voir se cumuler les identités (fou et écrivain, hétéro et célibataire, juif laïc) et le collectif qui les détache, en fait des "phases". Le film ne choisit pas entre les deux, et glisse un peu trop commodément la folie et son cortège d'ombres et de ricannements dans cette hésitation.
Elle n'est plus une difficulté à prendrecen compte l'altérité, mais le fait d'y croire encore comme une valeur morte, au sein même du fantasme et de la séparation.
Ce qui m'a le plus touché dans le film n'est pas tant l'humour, que ce qu'il reste de naturalisme en lui, qui le rattache à un genre de film d'habitude plutôt centré sur le portrait de femme (le très beau "Une Femme d'extérieur" de Christophe Blanc, sorti il y a près de 20 ans, voire
Jeune Femme de Séraille, ou encore le dernier Claire Denis, qui partage un peu la même fome et la même lumière, les même situations de danse triste ;on peut penser aussi aux moments les plus fins de
Solveig Anspach qui allaient déjà vers la même sorte de burlesque déprimé) mais pris par le versant masculin et en jouant la carte de l'humour cynique (genre Dupieux qui aurait lu Italo Svevo) plutôt que du récit d'initation. De manière ambiguë, toute la morale du film réside dans une seule idée: la conversion au cynisme n'atténue même plus la fragilité sociale de celui qui l'effectue. Mais le film n'appelle que ia reconnaissance du spectateur en lui, laissant intactes, au sein de la psychose et du baroque, les hiérarchies du bon et du mauvais goût (la B.O. est à cet égard incroyablement poseuse).
3/6