Klapisch, sur le sujet :
"Cette expression de "théâtre filmé", je m'étais interrogé là-dessus, parce que j'avais beaucoup subi ça à la sortie du film. Et cette expression vient d'André Bazin, le critique de cinéma des années 50, qui critiquait Cayatte il me semble, où il lui reprochait de faire un cinéma plan-plan. C'était parfois avec raison, et souvent avec tort, parce qu'il critiquait les films de Pagnol par exemple, alors que Pagnol est pour moi un grand réalisateur. Ça fait partie des mauvais héritages de la Nouvelle Vague. (...) A cette époque, les films étaient très souvent adaptés du théâtre: les films de Capra, en grande partie, les trois quarts des grands films hollywoodiens, et ça n'a jamais gêné aucun américain. En France c'est un débat qui a l'air d'être hype, mais qui en réalité n'a strictement aucun intérêt. C'est un concept de réactionnaire du cinéma."
"Kurosawa est un réalisateur que j'aime beaucoup, et qui est très important pour moi. Par exemple, lorsque j'ai vu qu'il ose mettre dans le même cadrage neuf personnes alignées, je le fais aussi sur Un Air de famille. Je pense par exemple à la scène de l'anniversaire, ou tous les personnages sont à table, dans le cadre. Parce que justement c'est l'image qui renvoie au théâtre, sans que ce soit théâtral. Avec le travail de photographie, qui était très particulier sur le film, la mise en place des caméras, la composition des cadres, je pense que le film n'est pas théâtral par définition, même s'il s'y réfère souvent."
Oim : Contrairement aux cinéastes de la Nouvelle Vague justement, qui ont tourné leur premiers films CONTRE une certaine vision du cinéma, j'ai l'impression que vous faites partie d'une génération de cinéastes qui fait du cinéma POUR faire du cinéma, c'est à dire pour se faire plaisir et faire plaisir aux autres.
Klapisch : "Oui, complètement. Mais ça veut aussi dire - un peu moins maintenant, mais c'était le cas au début - que j'étais contre la Nouvelle Vague, et pour le cinéma. On ne se rend pas compte aujourd'hui à quel point tourner Un Air de famille était un acte un peu rebelle. Ou en tous cas, pour un mec un peu intello, adapter sciemment une pièce de théâtre en faisant ressortir le matériau d'origine, ça ne se faisait plus. Et uniquement pour des raisons intellectuelles ridicules. Il y avait vraiment cette idée d'aller contre certaines valeurs inculquées par la Nouvelle Vague, du style refuser les studios. Cela devenait grotesque à un moment. Alors je trouve ça très bien quand il y a des gens comme Von Trier qui vont tourner leur film en studio, ou Kubrick avec Eyes Wide Shut et tout le travail qu'il a fait en studio, et qui font du cinéma d'auteur intéressant actuel, sans qu'ils soient pourris d'idées préconçues sur le fait qu'ils ont tourné en studio… Il a donc fallu être contre certaines idées véhiculées par la Nouvelle Vague, ou par les mauvais de la Nouvelle Vague on va dire. Je sais que je fais partie d'une génération de réalisateurs qui a voulu remettre la notion de plaisir, et surtout la notion de "on peut tout faire". On a le droit de faire du cinéma commercial, le droit de faire du cinéma esthétisant, le droit de tourner en studio, le droit de se rapprocher de la BD…"
Je trouve qu'il est assez cohérent sur la question.
_________________ I think we're gonna need a helmet.
|