Art Core a écrit:
Ilouchechka a écrit:
J'avoue qu'à part krasznahorkai (Merci Bela Tarr) et dans les morts frais, David Foster Wallace, je n'ai pas lu grand chose qui m'ait étendu, soufflé, bouleversé, mais je lis très peu de très contemporains. Des recommandations ?
Ah tiens j'adore Bela Tarr mais j'ai jamais pensé à lire les romans dont ses films sont adaptés.
Tu conseilles lequel ?
Commence peut être par Guerre et Guerre, qui est celui qui m’a le plus remué. Le récit d’un archiviste, Korim, qui découvre un manuscrit qui change sa vie, et se met en tête de témoigner, d’aller au centre du monde, New York (alors qu’il ne parle pas l’anglais), et de dire, de parler, convaincu que le livre qu’il détient est celui qui sauve.
Mais qui est t’il, Korim ? Est-ce un faux prophète, un benêt qui ne fait que délirer ? ou un serviteur de Dieu, porteur d’une parole sacrée ? Ou est-ce que cette question n’a finalement pas d’importance ?
Kraznahorkai est profondément désespéré de notre époque (comme tout être sainement constitué l’est) et la question de l’Apocalypse est centrale dans son œuvre. Or, L’Apocalypse, c’est avant tout (étymologiquement) l’action de découvrir, et donc la révélation (l’apocalypse de Saint Jean par exemple, c’est le livre de la Révélation), et cela ne va pas sans la question du messager. Qui parle, pour aller où ? (d’où le titre).
Le style peut te paraître éreintant dans un premier temps, au vu des très longues phrases, avec une ponctuation erratique, absente, qui vise à recréer une expression orale via une expansion continue par accrétions régulières, comme un flot de paroles. Ce n’est pas nouveau, absolument innovant, complètement génial, Faulkner, Bernhard, Beckett, Joyce (pour ne citer que les sources) sont passés par là, mais K. ne se place pas dans le registre de la nouveauté, mais dans une recherche qui transcrit de façon adéquate ce qui se passe dans son crâne :
K a écrit:
What would reflect an Oriental concept of time would be not long or short sentences, but silence. The sentence structures that I use result, rather, from an internal process. I generally spend my days alone, I don’t talk much; but when I do, then I talk a lot and continuously, never ending a sentence. Many people are like that. You may notice that the majority of people talk the way I write.
Source :
http://quarterlyconversation.com/the-la ... -interviewD’ailleurs, au sujet des langues, Il y a une anecdote qui revient souvent dans les lectures/interviews de K. :
K a écrit:
‘Ok, a short story for you. I don’t know how long but I spent many years on the road, trying to find architecture that a human being had built in defence against the bad, and that’s why I was in Denmark because of a certain city wall. At night, I couldn’t sleep so I listened to Danish radio between 1 and 2am. I found a program in which sometimes a woman, sometimes a man read some wonderful poems, unbelievably beautiful and sad.’
‘After a few weeks I went back to Copenhagen to my girlfriend, and said what a wonderful kind of late night literary program you have between 1 and 2am! But we don’t have such a program, she said. But I’ve heard it, I said, it must be a literary program. No, we haven’t one, she said, again, and slowly, she said, it’s almost 1am, please, show me. I found the station on the radio: listen, do you hear? But László, she said, this is the weather report!
Source :
http://www.lit-across-frontiers.org/tra ... znahorkai/Et, effectivement, ce n’est pas la même chose que Bela Tarr, K. le pose ainsi (et se pose en cinéphile):
K a écrit:
I gave him (Tarr) everything, all I knew, body and soul, really everything, and despite all this he created an absolutely original cinema, something utterly authentic, a form of art quite different from mine. I willingly gave my heart to helping him and now, looking back at these works, these collaborations between myself and Tarr — Tarr’s work — I must say that I almost like the results, that Tarr’s cinema is the only cinema I can really tolerate.”
Source:
http://www.themillions.com/2012/05/anti ... orkai.htmlJe ne saurai pas te dire ce que vaut la traduction française (l’ayant lu dans une autre langue) mais je fais confiance à Asensio quant il souligne la qualité du travail de traduction (publié aux éditions Cambourakis)
Castorp a écrit:
Chon Myonggwan et son exceptionnel La baleine, un de mes romans préférés de tous les temps.
Et Lyonel Trouillot, dont je trouve la voix singulière et belle.
Bonus : Imre Kertesz, que tu as peut-être déjà lu.
Et Thomas Vollmann, mais je ne le connais pas encore assez pour vraiment en parler.
Myonggwan a pour avantage d'avoir le même titre qu'un des plus belles nouvelles du monde, High hopes. Trouillot avait fait quelque chose de sympa sur le "dur devoir d'exister" (sic) même si j'avais frisé l'exaspération par endroits, tu as une recommandation particulière ?
Vollmann est aussi avenant que mon voisin, je ne sais pas si ça en dit beaucoup sur mes fréquentations, ou sur lui. Bref, quant j'aurais du temps, j'avalerai un de ses pavés.
Billy Budd a écrit:
Si tu lis l'américain, DeLillo.
Dans les écrivains français, Renaud Camus, mais il écrit des choses tellement différentes que cela dépend essentiellement de tes goûts voire penchants.
Sans être aussi outrancier que Caribou, j'avais "bien aimé sans plus" (pire compliment possible avec "c'est pas mal" Outremonde, et ça m'avait un peu découragé de poursuivre l'enfilement de toutes ces pages,
Cosmopolis, sinon ?
Merci Karloff (sauf pour Carrère
) et Cantal aussi, je regarderais tout cela !