Un vieillard et le trésor des Scythes, caché dans les montagnes... A travers lui, des mythes ancestraux au monde moderne, un millénaire d'Histoire ukrainienne. C'est un peu compliqué de parler du film, vu qu'il est largement incompréhensible pour le spectateur des années 2000 qui n'a pas potassé l'Histoire de la région... Au-delà des sous-titres kamoulox (désolé aux derniers survivants du ciné-club), il faut se retrouver dans un labyrinthe mélangeant Ukrainiens, Polonais, Cosaques, Bolchéviques, Prague ou Paris, guerres et révolutions toutes emmêlées sans indications, en voyageant dans le temps sans prévenir, en changeant de lieu ou de scène à sa guise.
Le seul point fixe, c'est donc un vieillard (personnage moyennement réussi je trouve, son côté "cocasse" est assez crispant) qui traverse le film de manière linéaire, quand tout autour de lui est aléatoire. Dans ce film antérieur à
Arsenal et à
La Terre, on retrouve paradoxalement encore plus nets et assumés ce goût d'un mélange harmonieux (bien que théoriquement contradictoire) entre foi orthodoxe, rituels païens et révolution communiste. L'Ukraine, à travers les yeux de Dovjenko, devient un peu à l'URSS ce que la Bretagne a pu être à la France dans certains imaginaires : un bout de Terre ayant préservé son potentiel "magique", où les époques se diluent les unes dans les autres, où le présent côtoie les légendes.
Mais là où les deux autres films parvenaient à toucher cette magie sans manipuler le réel autrement que par l'étrangeté douce de la mise en scène et du montage,
Zvenigora fait appel à des moyens plus triviaux : effets, surimpressions, luxuriance de l'imagerie. Bien que touchant souvent juste (les décors flous de la légende ouatée, superbe idée), cette profusion donne l'impression d'un film plus jeune et hétéroclite, un peu tout fou et partant dans tous les sens. Peut-être est-ce du à la non-connaissance des données historiques que le récit évoque, mais si on se sent perdu dans ce bazar, c'est aussi parce que la liberté de lieu et de temps est maniée avec un certain manque de rigueur, et que les percées poétiques se jouent finalement d'avantage à la micro-scène (voire au bout de scène) que dans la cohérence d'un mouvement d'ensemble. On retient donc seulement des bouts : les femmes cherchant leur avenir au bord de la rivière, le gradé qui dirige lui-même sa propre exécution, la légende du massacre des soldats... Des morceaux un peu boiteux qui font de ce film un assemblage plein de micro-pépites, avec toujours cette tonalité rêveuse et vagabondante (toujours l'impression de flâner autour d'un évènement : ombres, reflets, pieds dans la boue...), mais le film en soi reste assez indigeste.
Concernant la musique (vérification faite, ce n'est pas une composition originale, mais une création de Viatcheslav Ovtchinnikov pour la réédition de 1975), malgré de bons passages je conseillerai de la couper : un peu plombante et soûlante sur le long.