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MessagePosté: 08 Jan 2018, 17:52 
Je dirais plutôt l'inverse, dans le film, seule la langue est commune aux malades et aux gens travaillant pour l'institution, plus que le "monde". Ainsi la scène, très dure avec le petit homme fragile, qui ne sort de ses hallucinations auditives qu'en relevant la connotation scolaire du mot "collège", ne réalisant pas que le verdict a déjà été rendu. Il a d'ailleurs au tout début de la séquence une phrase étonnante "j'entends des voix dans ma tête, je n'arrive pas à faire le point", qui est très claire, et identifie complètement le réel et l'altérité. Par contre je crois que les juges ont une vision positiviste de la psychiatrie : les délirants sont supposés avoir un moi faible, et le discours scientifique prend finalement la place d'une réflexivité ou conscience de soi défaillante chez le patient (en disant "Vous vous êtes phlébotomisée" on sent qu'elle exécute une prise de conscience de la gravité des actes à la place de la patiente.).

A l'inverse quand l'employée pour Orange demande au juge s'il connaît le festival des Lumières, on sent qu'elle s'enfonce dans son hospitalisation (le juge ne va pas embrayer sur la discussion polie qu'elle attend, "il n'est pas là pour cela" ) et souligne en creux sa solitude.

C'est un sujet qui me touche d'assez près, mais je dois dire, que les structures d'urgences psychiatriques me paraissent plus dures en France qu'en Belgique, où l'etat moins centralisateur est, pour le coup, un avantage car il permet de mettre en place des structures plus petites, où les rapports entre patients et psys sont moins formels (en revanche le maillage social après l'hospitalisation est peut-être plus fort et interventioniste en France) .
En plus deux choses sont venues aggraver le sort des psychotiques : une demande de sécurité publique renforcée depuis 20 ans, dans un monde où on insiste sur la maladie des psychotiques ayant commis des actes graves et spectaculaires, mais hors-norme. L'influence de la psychanalyse en France est aussi peut-être un facteur aggravant l'isolement des malades (même un théoricien très sensible et moins idéologique que Lacan, comme Searles postule l'inutilité du contre-transfert dans lequel doit investir le thérapeute face à un schizophrène).


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MessagePosté: 12 Avr 2020, 23:24 
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Il est intéressant de comparer ce documentaire avec San Clemente, filmé il y a 30 ans, beaucoup plus âpre. On voit que , à propos d' un sujet demeuré le même, l'approche de Depardon est devenue beaucoup plus sociologique au fil des années, ce qui est peut-être une manière salutaire de ne pas se laisser enformer dans une forme de résignation et de capitalisation esthétique de la douleur qu'il filme. Son discours sur 12 Jours est assez centré sur la critique de l'institution et une notion de reconnaissance morale de la faiblesse et de l'humiliation que l'image offre à la place de l'institution, tandis que dans le - très fort - texte dans lequel il présente San Clemente pour l'émission Contact, il se présente au contraire comme un artiste, se mettant sur le même plan que les malades, l'enjeu du film est complètement anti-dialectique. Il s'agît d'assumer la ressemblance entre lui et les malades, de dégager un commun qui possède une valeur et relève d'une forme de révélation morale et de catharsis plutôt que d'une histoire.

J'ai un peu des réticences sur l'approche esthétisante de San Clemente . Le film est très noir et donne une image de la folie où il reste une certaine forme de romantisme, alors que paradoxalement il est filmé à un moment de réforme politique, où Franco Basaglia essayait de supprimer les hôpitaux psychiatrique, ce qui transparaît peu dans le film, qui oppose l'intérieur de l'asile au hors-champ de la norme. Mais il faut reconnaître la force du texte que Depardon a produit pour rendre compte de cette limite, qu'il perçoit lui-même.

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Mais peut-être la nécessité accrue de faire confiance incite-t-elle à la mériter davantage

Erving Goffman


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MessagePosté: 25 Sep 2023, 17:07 
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Et donc, en accompagnant un proche, j'ai vécu ce qui se passe quand une personne fait appel de la décision résultant de ce que Depardon a filmé, avec un conseil (avocat) commis d'office

les juges (à Douai pour nous) et avocats m'ont paru moins secs et plus empathiques que dans le film de Depardon, et ont fait preuve de plus de tact que les médecins dans la motivation de leur décision, nuançant ce que les seconds avaient tendance à présenter un peu abusivement comme un refus de soin d'un malade.


Par contre j'ai aussi l'impression, vu leurs questions, que la procédure leur sert également à prendre la température de la psychiatrie de secteur et à cerner les différents médecins, et que le dispositif est pour cette raison vu avec méfiance par l'hôpital

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Erving Goffman


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