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MessagePosté: 10 Jan 2020, 16:36 
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Buffalo Bill and the Indians, or Sitting Bull's History Lesson en VO

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Coincé entre 2 sommets de la filmo d'Altman (Nashville en 1975 et 3 Femmes en 1977), Buffalo Bill et les Indiens est un film un peu bâtard, forcément intéressant de par son ambition, mais pas totalement abouti dans la forme. En s'attaquant à la figure de Buffalo Bill, et après nous avoir montré l'envers du show-business sauce country ou d'une bande de médecins délurés en pleine guerre de Corée, l'objectif est double : non pas seulement remettre à plat la mythologie de la conquête de l'Ouest, mais aussi l'influence qu'il eut sur la naissance du western américain. Parce que le bonhomme en est une véritable pierre angulaire, dont le mythe a peu ou prou été créé de toutes pièces (par Ned Buntline, campé par Burt Lancaster dans le film, que Bill s'efforce de toujours éviter, comme la mémoire de son véritable passé qu'il voudrait voir disparaître), sur lequel il a néanmoins établit la renommée de son Wild West show, qui contribuera à figer dans la culture populaire l'image du cow-boy et des indiens (qui n'étaient ni systématiquement coiffés de Stetson pour les uns ou de coiffes à plumes pour les autres), révisant lorsque nécessaire l'histoire (les combats du Général Custer - Buffalo Bill est par ailleurs décrit comme ouvertement raciste par Altman, se satisfaisant qu'un noir joue le rôle d'un indien - même sous-classe - tout en regrettant que les indiens ne soient pas aussi dociles que les noirs, qui eux savent où est leur place - mais mon père était abolitionniste nous dit-il), et influençant l'industrie cinématographique US naissante, qui verra là un filon qui ne demandait qu'à être exploité, et dont ils récupéreront in extenso les codes (affublant donc tous ses cow-boys de Stetson et ses indiens de plumes).

Figure parfaite donc pour l'entreprise de démy-st-th-ifaction altmanienne, qu'il entreprend de généreusement éreinter, il fait de Buffalo Bill/Paul Newman un vieux beau acariâtre, affublé d'un postiche, montant avec autant d'élégance son cheval que Sancho Panza son âne et faisant une fixette sur les cantatrices. Là où le bat blesse, c'est que Newman n'a jamais la folie suffisante pour incarner son personnage,
hormis dans la séquence hallucinatoire finale où il discute avec le fantôme de Sitting Bull
il reste trop lisse, pas assez habité, bien que le sujet soit tout autre (et la tignasse blonde aidant) il aurait dû se rapprocher de ce que livre Pitt dans Once upon a time, dont il partage une rancœur vis-à-vis de son passé et un certain goût pour la réécriture de l'histoire.
L'autre faiblesse du film, plus importante, c'est qu'Altman fait le choix du film choral. D'une certaine manière, vu le nombre de figurants dans son show, ce choix fait totalement sens. Mais, à l'inverse de Nashville ou de Short Cuts où la dimension chorale était justifiée par l'absence d'un personnage principal prédominant, ici c'est bien sûr Buffalo Bill (et Sitting Bull) qui l'intéresse, les autres personnages sur lesquels ils s'attardent ne dépassant jamais le statut de caméos sympathique (Géraldine Chaplin dans le rôle de la super gachette Annie Oakley, le neveu Harvey Keitel totalement fasciné par la figure de son oncle). Il en résulte de nombreuse séquence qui, si elles sont très altmaniennes et sont loin d'être déplaisantes, finissent par noyer le propos et affaiblir le film. Visionnage plutôt satisfaisant au final, mais tout de même l'impression qu'un Altman au mieux de sa forme aurait pu faire beaucoup mieux.


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MessagePosté: 13 Jan 2020, 17:14 
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Totalement emballé par ce film que j’ai revu sur Paramount Channel, malheureusement, dans une copie assez médiocre. Une entreprise de démystification, comme ça été dit, de démolition même d’un mythe américain qui laisse pantois tant la charge est violente.

Je ne comprends pas bien les reproches qui lui sont faits plus haut. Que Altman, soit devenu au fil de sa carrière un spécialiste du film choral, soit. Mais il n’a quand même pas fait que ça, il y a des tas de films de lui qui n’en sont pas. S’il avait souhaité donné cette forme au film, je ne pense pas qu’il l’aurait intitulé : Buffalo Bill et les indiens ou la leçon d'Histoire de Sitting Bull. Le titre montre bien que comme Le privé, McCabe & Mrs. Miller, Brewster McCloud, …. le film est construit autour d’un personnage principal, voire de deux, les autres protagonistes n’étant que des second-rôles (souvent hilarants).

Il est reproché également à Paul Newman de ne pas avoir « la folie suffisante pour incarner son personnage », « d’être trop lisse, pas assez habité ».
Je ne pense pas que Altman ait voulu dépeindre un type fou. Qu’on pense lors d’une des dernières scènes, celle avec le revenant (pas la meilleure, assez théâtrale) que Buffalo Bill ait fini par basculer dans la folie, pourquoi pas quoique cette scène pourrait aussi très bien se lire comme un rêve, celui de BB que l’on voit se lever de son lit avant de parler au fantôme, plutôt un cauchemar d’ailleurs, Sitting Bull finissant par vaincre le héros blanc au-delà de la mort, en troublant par ses apparitions les songes de ses nuits (d’été ?). Dès lors, la victoire symbolique de BB sur SB dans la dernière scène n’en est que plus dérisoire.

Altman, le satiriste, a surtout voulu se payer la tête d’un héros populaire, le rendre ridicule et Paul Newman est parfait dans ce rôle. J’ai du mal à imaginer aujourd’hui une star qui accepterait aussi facilement non pas tant de jouer les imbéciles, mais de tourner en ridicule une figure légendaire, un héros de la nation. Car c’est vraiment un jeu de massacre, Altman ne lui épargne rien, BB est pitoyable de bout en bout. Cette peinture univoque du personnage, qui rend impossible toute identification avec lui, c’est ce qui fait la modernité du film et c’est aussi peut-être sa limite. Mais dans ce cas, c’est au scénariste ou au réalisateur qu’il faut en faire le reproche, pas à l’acteur qui pour moi accomplit l’une de ses meilleures prestations (dans un autre registre, je l’aime aussi beaucoup dans Le verdict de Lumet).


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MessagePosté: 13 Jan 2020, 17:26 
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Tiens récemment j'ai lu un texte intéressant (bien qu'orienté idéologiquement et présentant un caractère très digressif) de Marc Fumaroli sur Buffalo Bill

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Il voit dans le spectacle de Buffalo Bill le prototype de plusieurs choses : la mythologie du cowboy, l'aspect populaire et forain du cinéma, et des aspects plus politiques comme l'idée d'un destin providentiel américain (où il y a une certaine connexion entre messianisme religieux, spectacle et nationalisme de la doctrine Monroe) ainsi que le recyclage des chefs indiens vaincus en acteurs du spectacle de leur propre défaite.

Buffalo Bill n'était pas un fou, son spectacle était par exemple présenté à la reine Victoria (et Fumaroli note la signification politique du fait qu'elle y aurait applaudi), a été présenté deux fois en France, devant le gratin politique. Il présente cela comme l'amorce symbolique de la prééminence politique (justifié paradoxalement par l'idée qu'elle est dépositaire de la culture de la vieille Europe, en voie vers l'autodestruction) de l'Amérique sur l'Europe après 1917.

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MessagePosté: 13 Jan 2020, 17:52 
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Vieux-Gontrand a écrit:
Tiens récemment j'ai lu un texte intéressant (bien qu'orienté idéologiquement et présentant un caractère très digressif) de Marc Fumaroli sur Buffalo Bill

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Il voit dans le spectacle de Buffalo Bill le prototype de plusieurs choses : la mythologie du cowboy, l'aspect populaire et forain du cinéma, et des aspects plus politiques comme l'idée d'un destin providentiel américain (où il y a une certaine connexion entre messianisme religieux, spectacle et nationalisme de la doctrine Monroe) ainsi que le recyclage des chefs indiens vaincus en acteurs du spectacle de leur propre défaite.

Des conclusions évidentes à la lecture de... Lucky Luke (dont je n'ai jamais été fan). Mais sans doute que dans une optique crépusculaire, l'histoire de Buffalo Bill et de ses revues représente déjà le dévoiement d'une mythologie qui lui est préexistante ou impossible à dater. Plus largement, Buffalo Bill représente ce passage typiquement américain de l'autobiographie au cirque Pinder (ainsi que la confusion mercantile et la perte de l'innocence qui en résultent).


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MessagePosté: 13 Jan 2020, 18:03 
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Toute prédiction du passé mise à part, ce serait plutôt Lucky Luke qui est évident à la lecture de l'histoire de Buffalo Bill (ce n'est pas parce qu'une chose est connue qu'elle n'a pas lieu). Le coeur du propos étant justement le fait que le contenu de la mythologie du cow-boy était différent avant et après ce spectacle.

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MessagePosté: 13 Jan 2020, 18:46 
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Ce n'est pas ce que je disais, c'est que le texte de Fumaroli, qui peut dire plein de choses vraies, me semble en dire pas mal d'évidentes, ce qui n'est pas mal non plus. Hop, j'ai l'impression d'avoir été pris en flagrant de délit de mesquinerie.
Lucky Luke est d'ailleurs une vaste entreprise de démystification. Qui n'explique pas d'ailleurs, démystification oblige, comment ont été créés les mythes de Jesse James, Billy The Kid, Calamity Jane et consorts, etc, qui ne sont d'ailleurs que des mythes annexes, voire contre-culturels, de la conquête de l'Ouest et de l'extermination indienne ? (justifiant ainsi leur postérité).


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MessagePosté: 13 Jan 2020, 18:57 
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Mais Buffalo Bill n'était pas tout à fait un cow-boy au départ, plutôt un soldat de l'armée fédérale. Démobilisé il n'a pas non plus travaillé pour conquérir ses propres terres et migrer mais au contraire pour une compagnie de chemin de fer. Il est à la jonction entre la légende de l'Ouest sauvage et celle de l'armée US. Cela le rend beaucoup plus compatible avec une forme de légitimité officielle que Jesse Jame ou Billy the Kid qui appartiennent à un autre mythe.
Dans "Once upon a time in America" il serait encore plus un homme de main du personnage de Gabriele Ferzetti (Morton) que ne l'est Henry Fonda.

C'est à la fois l'équivalent Mandrin, du Royal De Luxe et du Général Bugeaud dans l'imaginaire américain.

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Erving Goffman


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MessagePosté: 13 Jan 2020, 21:32 
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elmergantry a écrit:
Je ne comprends pas bien les reproches qui lui sont faits plus haut. Que Altman, soit devenu au fil de sa carrière un spécialiste du film choral, soit. Mais il n’a quand même pas fait que ça, il y a des tas de films de lui qui n’en sont pas. S’il avait souhaité donné cette forme au film, je ne pense pas qu’il l’aurait intitulé : Buffalo Bill et les indiens ou la leçon d'Histoire de Sitting Bull. Le titre montre bien que comme Le privé, McCabe & Mrs. Miller, Brewster McCloud, …. le film est construit autour d’un personnage principal, voire de deux, les autres protagonistes n’étant que des second-rôles (souvent hilarants).
Je n'ai jamais écrit que Altman n'a fait que des films choraux, mais que ce film-ci fait partie de cette catégorie. Pas le film choral à la Nashville ou Short Cuts, où de multiples histoires s'entrecroisent dans une même ville, mais le film choral avec unité de lieu comme dans Un mariage, avec un personnage principal (Newman ici, Gassman dans Un mariage) mais également des second rôles qui prennent beaucoup de place (Chaplin, Keitel etc ici).

elmergantry a écrit:
Il est reproché également à Paul Newman de ne pas avoir « la folie suffisante pour incarner son personnage », « d’être trop lisse, pas assez habité ».
Je ne pense pas que Altman ait voulu dépeindre un type fou.

Je ne pense pas non plus, avoir la folie suffisante n'équivaut pas à être fou. Je trouve la composition de Newman pâlichonne, pas au diapason du personnage qu'Altman a dressé (raciste, imbu de lui-même, ses fixettes sur les cantatrices, son côté grotesque quand il monte à cheval). On est pas d'accord sur ce point mais ça n'est pas bien important.

elmergantry a écrit:
une figure légendaire, un héros de la nation.
Buffalo Bill figure légendaire soit, mais héros de rien du tout.

Vieux-Gontrand a écrit:
Mais Buffalo Bill n'était pas tout à fait un cow-boy au départ, plutôt un soldat de l'armée fédérale.
Même pas, il était scout, je ne sais plus qu'elle médaille honorifique il avait reçu qui lui a été retirée juste après sa mort (car il n'était pas membre de l'armée justement).


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