Un homme (Pierre Clementi) sort d'un hôpital. Il est fragile et seul. C'est à la fois Gérard Lechômeur, prolétaire contemporain sans aucun lien et la réincarnation de Gérard de Nerval. Il erre dans un Paris grisâtre et fait quelques demi-rencontres. Dans les cafés les radio parlent de mouvement sociaux un peu abscons et désincarnés. Un ange (Nico) semble veiller de loin sur lui. Il rencontrera des flics qui contrôlent son identité et semblent impliqués dans un complot politique, une caissière dans le métro qui veut l'emmener dans sa chambre, un conférencier libertaire qui parlera de laxatifs et de géopolitique chinoise et françafricaibe, une tireuse de tarot qui lui révèle à la fois son destin et sa fatigue. A peu près au moment d'une manifestation de sidérurgistes de Longwy, il sera tabassé et laissé pour mort par des mecs bizarres dans ce qui semble être les abattoirs de la Villette alors à l'abandon et non reconverti en lieu culturel. Suivent des plans documentaires en couleur sur la répression policière lors de cette manif et une voix off et des surimpression qui font le lien entre lui, la manif et les derniers jours de Gerard de Nerval
1h10. De 2 à 3/6
Truc improbable, pata-garrelien et mal filmé, mal cadré, mal éclairé, visiblement par un exilé anti-franquiste. Ce que l'on touve de lui sur Internet semble indiquer qu'il fut marxisme léniniste dans les années 70 et a ensuite écrit sur l'ésotérisme ce qui cadre bien avec ce film finalement. Il est assez douloureux de voir Pierre Clementi fatigué et usé, le film exploite cela pour son personnage, peut-être un peu cyniquement, même s'il joue par moment bien. La musique est la même unique chanson de Nico qui repasse en boucle. C'est assez autocomplaisant, même si l'amateurisme peut susciter la sympathie.
Pourtant, ce n'est pas complètement nul. La partie documentaire sur la manif, apparemment forte et volontariste, mais en fait désespérée (et récupérée par la stratégie de convergence du PS et du PCF), est trés intéressante et encore actuelle avec l'idée que la violence des affrontements entre manifestants et police est tellement ritualisée que le film la montre, plutôt justement à mon sens, comme un facteur de dépolitisation que de légitimation , ritualisation qui arrange finalement beaucoup de monde. Elle pose aussi la question du lien difficile entre le moment gauchiste et les luttes ouvrière et plus généralement sociales. La mise en abyme de cette impasse avec la vie de Gerard de Nerval n'est pas mal vue, il y a alors un vrai angle. Dommage que la partie narrative soit techniquement nulle et fonctionne comme un prétexte poétique. Le film, dans sa meilleure partie, transmet donc bien la mélancolie politique des années 80 : l'ordre dy capitalisme se remet en place, mais lentement, et cette indiscernable lenteur forme directement l'imaginaire politique des dominés. Le chômeur anonyme et dépressif et le poète romantique fusionnent, il y a une forme de transfert (les affects et valeurs du personnage sont compris, endossé et en même temps radicalisé par un autre) que le patrimoine littéraire (Nerval) clotûre, et qui est ici une forme d'incrédulité et d'échappatoire pour une informulable résignation.
Malgré son caractère anodin, le film semble avoir pas mal inspiré le Pont du Nord de Rivette qui reprend les mêmes lieux et une partie des situations et du propos politique.
_________________ Sur un secrétaire, j'avise deux statuettes de chevaux : minuscules petites têtes sur des corps puissants et ballonés de percherons. Sont-ils africains ? Étrusques ? - Ce sont des fromages. On me les envoie de Calabre.
Jean-Paul Sartre
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