grunt a écrit:
Vu en festival. Euuuh, c'est verbeux et pompeux au possible. Entre une version auteurisante de Ca commence par la fin, le ridicule film de Michael Cohen avec Béart (en à peine plus supportable et écrit) et les clichés du cinéma d'auteur nombriliste français du début des années 90...Au secours.
Je m'attendais à un commentaire de la sorte. Et je peux comprendre la réticence. Le film est radical dans son approche (qui peut sembler prétentieuse et calquée sur le modèle auteurisant classique). La scène de baise dure 20 minutes, et n'est jamais coupée, même dans les poses pipi. Mais cette approche sérieuse (très attentive aux mots, gestes et regards, est absolument essentielle a l'expression du propos). Et je vous assure que tout le film vient d'une nécessitée urgente, de la part de la réalisatrice, d'enfin mettre des mots dans la bouche d'une génération de québécois, enfants de baby boomer, intoxiqués par le confort, et tellement blasés d'exister que même le choc des corps ne provoque sensations. L'dée était de faire une synthèse de cette génération. Et même si le sujet a déjà été maintes fois traité, le regard est authentique, unique, car la réalisatrice partage le même vécu que les personnages qu'elle met en scène (d'ailleurs, je trouve sa façon de se mettre à nue hyper courageuse). Pour avoir fréquenté sa bande d'amies (à qui le film est dédié), c'est hyper authentique. D'ailleurs, cette Nuit #1, je l'ai un peu vécu. Il est vrai que je n'ai peut-être pas le recul nécessaire pour parler du film. Mais en tout cas, c'est une oeuvre assez fraîche au Québec, après une longue période de films quasi autistiques, ou les silences finissaient par camoufler un vide profond. L'audace de Nuit #1 est d'aller sonder ce vide. Et même si les dialogues semblent familiers, cette exercice d'intimité est d'un courage et d'une force sans égal (en tout cas, au Québec). En fait, c'est le prisme québécois qui donne l'intérêt au film. C'est la québécoise qui apprend a parler, qui sort de son mutisme, de son immobilisme, face a l'immigré d'origine ukrainienne (Dimitri Storoge), dégourdi, mais désabusé, trop sûr de ses mots et de sa supériorité sur le monde qui l'entoure (et sur le Québec, terre d'accueil trop pacifique pour lui).
Bon voilà pourquoi j'ai aimé. Et pourquoi c'est un gros 5/6 du coeur. Mais bon... je n'en suis pas encore sorti de ce film, je m'y retrouve un peu trop.