Oh, mais nous sommes l'été... Voici donc mon auto-Festival de Venise qui revient... je n'ai pas totalement vu tous les films coréens et d'animation que je voulais mais il est temps de passer à la Mostra. Vingt films passés par Venise, donc.... et plutôt des gros noms.
Mon Festival de Venise 2019
Amérique du Nord (5) 3 - Bienvenue à Suburbicon de George Clooney La confirmation à mes yeux que George Clooney n'est pas un très bon réalisateur. Le scénario (que l'on doit aux frères Coen) est pourtant pas mal, métaphore de l'Amérique de Trump transposée dans une banlieue des années 50, avec une scène assez angoissante qui donne une étrangeité au premier tiers. Hélas, la suite est moins réjouissante, tout est vite expliqué et cela tourne au jeu de massacre grimaçant. Je retiens quand même le beau plan final et techniquement le film est irréprochable. Mais c'est besogneux.
5 - Traîné sur le bitume de S. Craig Zahler La confirmation après Bone Tomahawk (le meilleur western de ces dix dernières années), que Craig Zahler est un putain de bon réal. Polar bien noir servi par des acteurs excellents, tension parfaite avec de bonnes flambées de violence. Je couperai bien un petit peu dans le gras (la banquière, bon, c'est jubilatoire mais gratuit) mais je ne suis pas sûr d'avoir dix meilleurs films que ce dernier au cinéma cette année (et de pester contre son absence de distribution). La dernière heure en temps quasi-réel mérite à elle-seule la séance. Et les personnages sont vraiment bien construits.
4 - Ad Astra de James Gray
5 - Monrovia, Indiana de Frederick Wiseman Un documentaire miraculeux sur l'Amérique qui vote Trump, parfois beau comme du Terrence Malick, toujours tendre avec les habitants alors que l'on devine en creux les motivations du vote Trump : une profonde peur du changement, d'une Amérique arcboutée sur ses racines communautaires et religieuses. On y chasse le daim, on célèbre les joueurs locaux et on vote pour un nouveau banc. Les problèmes du monde semble loin, très loin mais il suffit d'une propagande dans une fête foraine pour que l'on comprenne que la simplicité du discours Trump vaut mieux que toutes les idées progressites des démocrates. Grand film, formidable doc.
2 - Ville neuve de Félix Dufour-Laperrière (Canada) Film d'animation expérimental très très particulier qui parle à la fois de l'engagement politique et de la désagrégation d'un couple. On ne va pas se mentir : j'ai été surpris de découvrir la courte durée du film au générique final, ce qui est un critère d'appréciation en soi... La technique d'animation est très particulière aussi avec beaucoup d'images superposées. Bon, je suis resté à quai.
France (3) 3 - Doubles vies d’Olivier Assayas Sur le papier (haha), je suis le coeur de cible : journaliste web cultureux dont la femme a travaillé dans le milieu de l'édition et qui donc comprend les enjeux de l'évolution numérique comme personne. Bon, je n'écris pas d'autofiction et aucune actrice n'abuse de mon corps pendant un film de Michael Haneke... La partie Vincent Macaigne est la plus réussie, déjà car elle révèle l'actrice Nora Hamzawi que je ne connaissais pas et aussi pour le ton ironico-dépressif que j'appréciais dans Rien sur Robert de Pascal Bonitzer. Mais l'autre partie plombe le récit : j'ai un gros problème avec le personnage incarné par Christa Theret auquel je ne crois jamais, dont les dialogues sonnent atrocement faux. Du coup, le film me parait trop long pour ce qu'il dit - 1h45 quand même sur la transformation du numérique et l'ère de la transparence - mais sans être jamais désagréable. Olivier Assayas réussit même une très belle scène finale.
4 - La Villa de Robert Guédiguian Cela fait longtemps que je n'avais pas vu un film de Robert Guédiguian, il a fallu que je me réhabitue à la forme très théatrale des dialogues, à la sérénité de la mise en scène et aux intentions si marquées à gauche qu'elles prêtent d'abord à sourire puis au respect. Tout n'est pas réussi dans le film, le personnage de Sagamore Stévenin est atroce, je n'aime guère Angèle et ce qui tourne autour de sa fille. Mais il y a aussi des choses très belles, le décor filmé comme le coeur du monde, le personnage du jeune médecin, que je trouve très bien écrit et les vingt dernières minutes, dont le discours tient de l'évidence.
4 - Marguerite de Xavier Giannoli Quel film particulier... Cela part comme une comédie un peu grincante à gueule, puis ça tourne au film d'amour avec des séquences bizarres (ce majordome noir qui prend des photos là... pourquoi ?), je ne sais pas trop si j'ai aimé, au-delà de la performance émouvante de Catherine Frot, mais on peut reconnaitre au film son audace et son ton particulier.
Europe (9) 2 - 11 Minutes de Jerzy Skolimowski (Pologne) Jerzy Skolimowski se fourvoie avec ce film d'étudiant totalement superflu qui ne vaut que pour son final misanthrope plutôt réjouissant. Bof bof, il a fait mieux (Deep End notamment). Par contre, j'ai eu un petit coup de coeur pour le charisme de l'actrice qui joue la femme au chien... et je viens de trouver qu'elle s'appelait Ifi Ulde et qu'elle avait chanté pour l'Eurovision.
4 - L’Homme en plus de Paolo Sorrentino (Italie) Le premier film de Paolo Sorrentino (c'est en gros sur l'affiche), où l'on retrouve son génial acteur Toni Servillo, sa grandiloquence, son goût du contrepoint musical et sa vision profondément machiste de la femme, object sexuel qui n'a guère le droit à la parole... Mais les deux personnages principaux sont "réjouissants", croqués avec un mélange de tendresse et de méchanceté, surtout le chanteur de charme (le footballeur est plus caricatural). Ce n'est pas forcément ma came, mais j'ai pris du plaisir à le découvrir, surtout qu'il y a moins le côté grand style toc des suivants.
2 - Palerme d'Emma Dante (Italie) Un premier film italien sélectionné pour le Lion d'or en 2012. Bon, cela a son charme le temps d'installer l'intrigue et le face à face, le plan final est fort mais ça s'enlise au bout de 40 minutes et la métaphore est bien appuyée. Positif cite Leone sur la jaquette (sans doute l'aspect western) mais cela m'a fait plus penser à Nadine Labaki.
5 - La Ronde de nuit de Peter Greenaway (Angleterre) Voilà un sacré morceau de cinéma. J'aime bien le cinéma érudit de Peter Greenaway, je rêve de découvrir un jour la saga Tulse Luper Suitcases et si parfois son cinéma m'ennuie (ou plutôt m'endort), quand cela fonctionne, c'est un émerveillement des sens. J'avais été très impressionné par le tableau de Rembrandt quand je l'avais découvert à Amsterdam mais je ne connaissais pas du tout l'histoire du peintre. Je ne sais pas non plus si ce qui est raconté ici est vrai ou faux, mais qu'importe. On sort du film totalement rassassié, ému aussi (tout ce qui tourne autour de sa femme est sublime). Martin Freeman est incroyable dans le rôle et s'il faut beaucoup s'accrocher pour suivre le fil narratif, le film mérite le voyage.
4- Joy de Subadeh Mortezai (Allemagne) Oh un film d'auteur sur Netflix. Et plutôt pas mal, le portrait d'une prostituée nigérianne en Autriche qui tente de se sortir de sa situation mais reste sous l'emprise du Juju, la sorcellerie locale. La mise en scène s'approche du documentaire et l'actrice qui interprète le rôle principal parvient à transmettre les émotions qui traversent un personnage complexe.
2 - Gebo et l’ombre de Manoel de Oliveira Le dernier film de Manoel de Oliveira, mythique réalisateur portugais dont l'oeuvre ne me passionne pas toujours - mais je m'accroche. Bon, j'ai beau être habitué à la lenteur et à l'économie de moyens, la première demi-heure est assez effrayante. Les acteurs parlent lentement, ils ne passent pas grand chose et les changements d'axe se comptent sur les doigts d'une seule main (le travail sur la lumière est intéressant par contre). Cela s'améliore avec l'arrivée du fils mais c'est trop démonstratif pour moi (et trop figé aussi).
4 - Adultère de Kirill Serebrennikov Un film de Kirill Serebrennikov, l'auteur de Leto, passé en compétition à Venise et inédit en France. Et bien c'est pas mal du tout. Si le scénario est un peu trop hitchcokinfluencé autour de son personnage de blonde bafouée, c'est la mise en scène qui impressionne avec une ellipse sublime au trois quart. Cela se voit sur un site que je crois légal, Soviet Movies Online.
Asie (4) 2 - Human Flow d’Ai Weiwei (Chine) Curieux documentaire d'Ai Weiwei pointure de l'art contemporain, figure de l'opposition à Pékin, qui s'intéresse aux réfugiés du monde entier à coup de sentences poétiques (oh Adonis) et de plans en drone de visages apeurés. Le problème, c'est qu'il survole (normal vu l'usage du drone) toutes les situations, si bien qu'il rend anonyme les réfugiés quand lui, par contre, se donne le bon rôle (Ai Weiwei sert du thé, Ai Weiwei danse à Gaza, Ai Weiwei fait des brochettes...). Reste la puissance des images (oui, quand même), la mélopée finale façon Malick by Unicef et l'enregistrement d'une désintégration mondiale qui n'a pas fini de provoquer des conséuqences et que l'on ne résoudrera pas par des murs et des barbelés. Mais sinon, comme documentaire, on est plus proche de BHL que de Guillaume Massart.
4 - The Age of Shadows de Kim Jee woon (Corée du Sud) Un film d'espionnage majuscule réalisé par l'un des grands formalistes sud-coréens du moment, Kim Jee-Woon. Si la narration baffouille un peu son roisième acte trop vite expédié (et pourtant ça dure 2h20), les scènes d'action sont des merveilles du genre (l'ouverture, le train, la gare) et valaient bien le cinéma (hélas, pas en France). Song Kang-oh est bien sûr parfait même si son personnage aurait peut-être mérité plus de complexité mais c'est Gong Yoo qui crève l'écran, après Dernier train pour Busan.
4 - Béthléem de Yudav Adler (Israël) (scénario) Bon film d'espionnage israélien du réalisateur de The Operative, qui sort cette semaine. On retrouve l'approche réaliste de ce dernier film, le sacrifice moral et intime que doit faire chaque espion. Et si on peut regretter un certain manque d'ampleur dans les scènes d'action (un "défaut volontaire" que l'on retrouve aussi dans The Operative), la fin est très forte.
4 - Les Tombeaux sans nom de Rithy Panh (Cambodge) Documentaire très personnel de Rithy Panh qui retourne sur les lieux où des membres de sa famille ont été tués par le régime Khmer rouge afin de leur offrir une sépulture. Des témoignages de villageois qui ont assisté impuissants au massacre commis accompagnent cette quête alors que Rithy Panh déploie des artifices de mise en scène qui rapprochent le film d'une installation d'art contemporain. La fin est très forte mais le film est peut-être moins "abouti" que son chef d'oeuvre, l'image manquante.
Amérique latine (1) 3 - Nuestro Tiempo de Carlos Reygadas (Mexique) A l'instar de Bruno Dumont, Carlos Reygadas est un réalisateur dont je vois tous les films alors que je n'apprécie que moyemment son cinéma. Moins WTF que Post Tenebras Lux, plus proche du cinéma de Nuri Bilge Ceylan Nuestro Tiempo aurait pu être un très grand film s'il n'était pas aussi démonstratif et inexplicablement long (3h pour une histoire assez simple de jalousie et d'adultère). La mise en scène est par moment sublime (l'ouverture, la séquence finale, l'attaque du taureau), j'aime certains aspects narratifs (la voix off de l'enfant par ex) mais Carlos Reygadas n'aurait pas dû se confier le rôle principal tant il a dû mal à exprimer une émotion. Pour le coup, je comprends mieux pourquoi Thierry Frémaux a fait l'impasse. J'espère que Reygadas parviendra à revenir à une plus grande simplicité, comme pour Lumière silencieuse.
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