C'est le grand moment du palmarès et de l'ego-trip. Vingt films, 3,45/6 de moyenne, pas terrible, mais Dpsr m'avait fait craindre le pire... L'exercice reste jouissif, ça me force vraiment à voir des films d'auteur, je vous le conseille.
Bon, le palmarès maintenant.
Palme d'or : Voyage of Time de Terrence Malick C'est tellement mon absolu de cinéma... j'ai trouvé le film extraordinaire, une grande expérience mystico-cinéphile qui m'a réconcilié avec Terrence Malick. La fluidité du montage, la beauté de certaines séquences, la poésie qui s'en dégage, l'humanité qui transpire de tous les plans. Cela aurait pu durer encore dix heures.
Grand prix : La Colonie et Letter de Sergei Loznitsa Deux films sur le même sujet : un asile en Russie, où des gens perdus semblent vivre en totale autarcie. J’ai trouvé ça absolument fascinant, comme si on regardait un film d’un autre temps. Alors bien sûr, ce n’est pas « divertissant » mais cela m’a donné envie de regarder d’autres documentaires de Loznitsa. Le premier - La Colonie - est plus long, plus « brut » aussi, mais les dix dernières minutes sont d'une force harassante donnant un nouveau sens au film - c'est un goulag qui n'a jamais été exhumé, en fait ? Le second - Letter - tient de l’exercice de style esthétique avec un travail sur l’image quasi-expérimental. Des scènes se répètent d’un film à l’autre, comme pour montrer que rien n’a changé. Et que rien ne changera jamais là-bas, comme un enfer où l'on répéterait les mêmes situations jusqu'à l'effacement.
Prix du jury : Ratcatcher de Lynne Ramsay Beau premier film, entre les premiers Loach, avant que ça ne devienne des tracts pro-Mélenchon et L'Enfance nue de Pialat. Le lyrisme de la mise en scène, la pudeur, le côté presque fantastique de certains aspects du film m'ont vraiment conquis.
Prix de la mise en scène : Ex-aequo : Philippe Garrel pour L'ombre des femmes Très beau film sur l'amour, le couple (les vaches). J'ai été surpris par Clotilde Courau, tellement je la trouve sublime dans le rôle et extrêmement émouvante. J'ai un peu plus de mal avec lui, que je trouve un peu figé, mais il y a vraiment de belles choses - les scènes avec les amants/l'utilisation de la musique, la scène où il l'observe.
Kiyoshi Kurosawa pour Creepy Kiyoshi Kurosawa en belle forme pour ce polar cinglé présenté à Berlin l'an passé. Plus le méchant est bon, plus le film est bon... et bien le méchant ici est d'anthologie, interprété par Teruyuki Kagawa (Tokyo Sonata). C'est un peu long, il faut accepter les multiples rebondissements, mais c'est jubilatoire et la mise en scène est bien sûr parfaite, avec de vrais moments de flippe et de tension.
Scénario : Le Client d’Asghar Farhadi Même si ce n'est pas mon préféré de l'Iranien (en fait je préfère ses films avant Une Séparation), c'est quand même le haut du panier en terme de scénario et de direction d'acteur - le double prix à Cannes paraît gros vu le niveau de la compétition mais peut se comprendre. Je trouve qu'il y a toute une partie métaphorique qu'il aurait pu presque expliciter davantage - l'agresseur qui est le double du metteur en scène, l'appartement comme scène de théâtre, l'effondrement d'une ville, l'effondrement du couple - et le récit prend un peu trop son temps, surtout dans sa première partie. Mais la fin est très forte - il est fort l'ami Farhadi pour les fins.
Actrice : Anna Paquin dans Margaret de Kenneth Lonegan Le film maudit de l'auteur de Manchester By The Sea, dont Liam Engle vantait les mérites à sa sortie. Merci Liam... C'est un vrai grand film malade, parfois bizarrement raconté, avec du gras sur le bord, des ruptures de ton surprenantes - que l'on retrouvera dans le suivant mais en plus maîtrisées -, des trucs WTF - Jean Reno en séducteur colombien, Matthew Broderick en prof irascible. Mais à la fin du film, on a envie de serrer très fort Lisa dans ses bras tellement elle est agaçante et humaine, bref d'être plus connecté aux vivants - c'est de cela dont parle le film, dans ce New York post 11 septembre où les avions volent bas dans le ciel.
Acteur : Ben Stiller dans Greenberg de Noah Baumbach Portrait d'un odieux connard (et en même temps fragile donc attachant), Greenberg possède quelques moments de grâce suspendus - avec Greta Gerwig, bien sûr. C'est un peu long, un peu sur-écrit (le chien, la fête avec les ados), mais j'ai été saisi pour ce spleen existentiel. La photo est sublime et Ben Stiller bluffant.
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Les autres films vus par ordre de préférence Retour à Ithaque de Laurent Cantet Surprenante trajectoire de Laurent Cantet, Palmé d'or par surprise et qui n'a pas la récompense cinéphile qu'il mérite. Car ce film confirme son grand talent de scénariste. Récit des retrouvailles d'une bande d'amis nostalgiques à Cuba, le film touche par la fausse simplicité de son dispositif formel et la grande place qu'il laisse aux acteurs, tous parfaits.
Ava de Léa Mysius Un beau premier film qui révèle une jeune actrice Noée Abita - encore une future nommée aux César - mais aussi une cinéaste de 25 ans avec une maturité assez folle. Tout n'est pas réussi - le scénario part un peu trop dans tous les sens, le rythme ondule parfois jusqu'à l'ennui et les intentions sont un peu trop marquées - mais il y a une vraie sensualité qui affleure, une vraie liberté aussi, dans la manière justement de faire prendre au récit des tangentes surprenantes - je redoutais que ce soit plus frontal sur la cécité.
Pleasant Days de Kornel Mundruczo Deuxième film de Kornel Mundruczo qui change donc de style à chaque film. Ici, il croque la vie de jeunes marginaux - caméra à l'épaule bien sûr -, avec ce qu'il faut d'érotisme et de violence psychologique. Je trouve la fin un peu trop écrite pour impressionner le spectateur mais le Hongrois sait faire monter la tension dans une scène et dans un film.
The Young Pope, épisodes 1 et 2 de Paolo Sorrentino Ok, ce n'est pas un film mais une série. Mais j'avais lu quelque part que les deux premiers épisodes pouvaient s'apprécier comme un long métrage. Et c'est en partie vrai tant un arc du début du premier épisode se résous dans la dernière séquence du second. Pour le reste, on retrouve la vulgarité de Paolo Sorrentino dans l'écriture de ses monstres, sa mise en scène cliquante, la zik sacrée placée un peu partout. Cela fonctionne pas mal car le sujet s'y prête - un peu comme pour Il Divo et La Grande Bellezza. Et j'ai presque envie de voir la suite, du coup mais j'ai peur d'être lassé par les tics du cinéaste sur la longueur. Jude Law est pas mal, il a un côté arrogant qui colle bien au perso.
Paulina de Santiago Mitre Etude de caractère portée par son duo d'acteurs - la fille et le père, formidables. C'est un petit peu trop "théorique", mais il y a du talent dans la mise en scène et l'écriture.
Adieu Mandalay de Midi Z Film âpre, dur, entre Tsai Ming-Liang (sans le lyrisme, hélas) et Amat Escalante (sans l'humour macabre). J'avais préféré Ice Poison du même auteur, mais Midi Z est à suivre.
War Machine de David Michod Comédie absurde entre MASH et la Guerre selon Charlie Wilson, War Machine ne m'a jamais convaincu. Ce n'est pas très drôle - je sauve Ben Kingsley en Karzaï -, il y a pas vraiment de suspense - on sait que l'Afghanistan fut un bourbier poussiéreux et bon, même si ça se regarde, l'intérêt se dilue.
Ricky de François Ozon Quel film étrange.... Il y a un côté totalement nanar, mais peut-être assumé ? Un mélange des genres, des tonalités - fantastique, social, horreur presque et puis comédie ? La narration est super mal foutu, avec cette intro qui te mène sur une piste, cette fin qui n'a pas de sens si l'on suit la piste de l'intro.... Après, le côté WTF du truc m'a tenu éveillé, je trouve qu'il y a quelque chose de tellement insensée dans le film, sa production même, qui m'a vraiment intrigué. Je trouve Lamy toujours intéressante... Mais bon, un bébé qui vole se cogne contre une fenêtre.
Mad Love in New York des frères Safdie J'ai tellement vu de films indés sur des camés à Deauville que je pourrai écrire un mémoire sur le sujet... Bon, pas convaincu par celui-ci, beaucoup trop d'effets - dont la zik atroce - et j'ai dû mal avec l'acteur principal. Elle, par contre, est très bien - elle rejoue sa propre vie, si j'ai bien compris.
Le Challat de Tunis de Kaouther Ben Hania L'affiche est géniale, le film beaucoup moins. Le propos est inattaquable, mais je ne suis pas du tout fan de la forme choisie, surtout que tu grilles le documenteur dès les premières minutes...
Mes séances de lutte de Jacques Doillon La caricature ultime du film français chiant. Horriblement prétentieux dans le discours - surtout que la métaphore est expliquée très vite -, répétitif, sur-écrit, avec deux acteurs qui se débattent comme ils peuvent - lui est meilleur qu'elle.
Last Face de Sean Penn Je me méfie toujours un peu des accueils cannois... Bon, celui-là n'était pas usurpé, c'est effectivement un nanar de luxe hollywoodien puissance mille au moins pendant 1h30. C'est écrit comme les pieds, le propos est extrêmement douteux tant on a l'impression que Sean Penn cherche une approbation à sa trajectoire personnelle - méritoire quand il s'investit en Haïti. Après, on ne va pas se mentir : le dernier tiers est meilleur, la photo toujours classe et il y a toujours pire... Mais certains dialogues et scènes resteront dans mon panthéon personnel du nawak : toute l'intro, les personnages d'Adèle Exarchopoulos et de Jean Reno, l'utilisation embarrassante de la zik, la vision occidentale sur nos amis africains.
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