La Vie des morts (1991)
J'avais pas accroché du tout.
La Sentinelle (1992)Vous captez les espèces de petites vidéos semi-parodiques style
"Et si Wes Anderson réalisait X-Men?". C'est un peu l'impression que j'ai eu devant ce film.
"Et si Arnaud Desplechin réalisait La Mort aux Trousses?". Sauf que la vidéo durait pas 4min30 mais 2h20.
Autant j'admire l'ambition de faire un film complètement atypique, au croisement du film d'espionnage et du...du je sais pas trop quoi exactement, autant j'ai été complètement largué par à peu près tout dans le film. En fait, je crois que je ne saisis pas trop ce que le film essaie de me raconter en mêlant sa chronique d'un jeune interne un peu paumé avec son intrigue de traîtres germano-soviétiques et de têtes momifiées. Et quand le film bifurque soudainement dans des séquences du style
"et là Marianne Denicourt et une autre meuf miaulent comme des chanteuses d'opéra avant que Todeschini ne monte sur les tables en récitant Richard III", je me suis demandé de quel fuck il s'agissait. On est où là?
Comment je me suis disputé… (ma vie sexuelle) (1996)
Excellent, drôle, juste, comme une version normalienne d'un Kevin Smith.
Esther Kahn (2000)Après le distant La Sentinelle, je me suis à peu près autant ennuyé devant ce Esther Kahn aussi joli que Summer Phoenix mais qui ne m'a pas intéressé une seconde. Encore une fois, comme avec ses fils de diplomates, je trouve que Desplechin échoue à rendre l'identification possible avec sa protagoniste. Tout me laisse froid. Tout glisse sur moi (je retiens une jolie scène de rêve et les passages muets sur scène). Putain de gens anormaux.
Léo, en jouant « Dans la compagnie des hommes » (2003)
Pas vu.
Rois et Reine (2004) Quel étrange et fascinant film. Improbable chronique, qui semble commencer comme un
Comment je me suis disputé... (ma vie sexuelle) mais adopte une structure complètement autre, semble mélanger les genres, du drame pur qu'incarne Nora, à la comédie menée par Ismaël. Ce film confirme que j'adhère à Desplechin uniquement lorsqu'il parvient à se faire léger. Je ne parle pas uniquement du scénario, une fois de plus parcouru d'élucubrations névrotiques amusantes interprétées, comme d'hab, à merveille par Amalric, mais également de la mise en scène, tellement plus vivante que sur les froids et distants
La Sentinelle et
Esther Kahn. À l'instar de
Comment..., le film jouit d'une caméra plus mobile, épousant les mouvements, les regards, se permet un montage plus libre, comme en témoigne tous ces jump cuts. C'est bien moins empesé, par conséquent, jamais le film ne donne dans le pathos mais jamais je ne ressens la froideur clinique des deux films suscités. Les protagonistes ne sont pas tellement plus "normaux" que leurs prédécesseurs et pourtant, je suis avec eux. Et ce, tout le long, sans jamais sentir les 150 minutes du film. Cette légèreté, elle se traduit également dans le rythme, parvenant à rendre ces films-fleuves incroyablement digestes malgré leur construction atypique. Il y a des scènes qui me feraient sans doute crier ailleurs, notamment dans les passages les plus hystériques (Devos gueule dans une scène sur trois) ou fantasques (Amalric qui breakdance c'est culte et la fusillade c'est WTF), et je ne sais par quelle magie Desplechin parvient à intégrer ça dans un tout d'une richesse thématique si forte qu'elle porte tout, même la théâtralité (assumée) de certaines séquences (l'engueulade entre Nora et Pierre, son premier amour, en mode
Dogville), comme pour illustrer le point de vue exacerbé, pour ne pas dire fantasmé, de ces personnages qui ne parlent pas "comme dans la vraie vie" (on n'est pas dans la jeunesse bourgeoise ni chez les profs de fac mais quand même).
Rois et reine est romanesque. C'est Desplechin qui fait un "film de cinéma" (en 2.35 pour la première fois, avec une photo moins "naturelle") pour parler une fois de plus de deuil avec dureté (le testament du père) et surtout de filiation (le film préfigure le suivant, avec sa famille dysfonctionnelle). À ce titre, l'épilogue couronne avec une humanité non feinte un film qui pourrait paraître détaché mais s'avère en réalité "à vif" tout le long. Remarquable.
L'Aimée (documentaire) (2007)
Pas vu.
Un conte de Noël (2008)Sorte de tragédie antique à l'ère de la médecine moderne et de la génétique. Pour le genre, c'est super osé dans l'écriture et la mise en scène (ces monologues face caméra, ces iris) sans jamais être chiant. Ca a beau être segmenté et foisonnant de récits et de personnages, c'est toujours fluide et organique, tant dans la forme que le fond. Un film super riche.
Jimmy P. (Psychothérapie d'un Indien des plaines) (2013)Je n'ai trouvé rien de la "magie" de(s meilleurs) Desplechin, ni son sens du verbe, ni sa mise en scène à la fois légère et naturaliste, donnant un rythme vital à ses films-fleuves où le propos n'est jamais clairement énoncé. Au contraire, ici j'ai l'impression de voir un cinéaste s'effacer pour faire un film conventionnel, dans la forme, visuelle ou narrative et où, pour le coup, il devrait être plus simple de s'engager dans le récit - ne serait-ce que pour savoir quel mal ronge l'indien (qui fait plouf) ou par le biais de la "bromance" (plus froide que toutes les relations entre les persos des précédents films du cinéaste) - qu'avec certains de ses précédents films. Mais il n'en est rien. Il y a quelques belles choses, comme les rêves ou ces deux dernières séquences, mais sinon...
Trois souvenirs de ma jeunesse (2015)Si le film est sans doute plus imparfait que son prédécesseur, peut-être parce que Desplechin est plus à l'aise lorsqu'il dépasse les deux heures - la partie "Esther part en couille" m'a parue un peu précipitée - il reste non moins parcouru d'un souffle romanesque qui réinterprète les émois d'antan, qu'ils soient émancipation de la folie maternelle - l'intro, on dirait presque un film de maison hantée - ou aventure interlope potentiellement fantasmée, lors d'une première partie improbable qui renvoie davantage à la confusion en temps de Guerre Froide de
La Sentinelle qu'au second long métrage du cinéaste. Citant toujours aussi allègrement la mythologie grecque, Desplechin se construit la sienne, au travers de celle de son alter ego Paul Dédalus qui se cherche une identité sur le tard en replongeant dans sa jeunesse, cherchant ce qui l'a défini à travers les âges, des événements susmentionnés à sa relation on/off avec Esther, entamée (littéralement) sur les bancs du lycée avant de se transformer en romance épistolaire qui finira enfin par faire mal là où les coups ne furent jamais "sentis". Une fois de plus, Desplechin capture ça avec toute la justesse qu'il sait iconiser, au détour d'une réplique digne d'une punchline (
"Quand elle me parle, elle me fait mal aux seins") ou d'une scène inattendue (échange entre la soeur et le père). Le metteur en scène n'épouse pas complètement le genre choral ici et on aurait donc pu se passer des séquences avec Yvan, le petit frère, qui semblent juste répéter celles de "l'original" là où celles avec Bob paraissent plus cohérentes avec les thématiques traitées. Mais le film a l'intelligence de se terminer sur un magnifique épilogue, fâché puis soudainement serein, avec ce dernier flashback qui, comme on apprend le grec pour retourner aux origines du langage, donne enfin le sens recherché par le protagoniste, oublié dans "le pays des délices", ses Arcadies.
1. Comment je me suis disputé... (ma vie sexuelle)
2. Rois et reine
3. Un conte de Noël
4. Trois souvenirs de ma jeunesse