Tout ce que vous avez entendu est vrai. C'est un peu le bordel, surtout la première heure. Les morceaux de bravoure sont relégués à la deuxième moitié voire au dernier tiers. C'est bresom dans le ton. Et pourtant...
it makes sense? Bien qu'il soit indéniablement atteint des tares propres aux conclusions de saga, ce "Jugement Dernier" trouve un sens à son long
edging précédent l'acte en se nappant d'une atmosphère de marche funèbre ad hoc, trouvant ainsi une identité qui échappait au précédent volet dont il entérine néanmoins le propos antithéiste.
N'y allons pas par quatre chemins, le film est bancal. En un sens, il était destiné à l'être comme à peu près tous les films qui divisent une seule et même intrigue en deux films mais celui-ci cherche un peu la merde. Depuis l'arrivée de J.J. Abrams sur la franchise, qu'il a continué à produire, et de Chris McQuarrie,
script doctor promu héritier définitif de la série, la franchise a développé un sens de la continuité dont elle s'était allègrement passée jusque là, mais en rempilant trois fois de suite, le cinéaste n'a fait que creuser ce sillon, à paver ce potentiel enfer des meilleures intentions. Plus de personnages récurrents, de
love interests et de méchants maintenus en vie, plus de conséquences à gérer... Et ce dernier chapitre en date, avec son titre éloquent, ambitionne même de raccrocher les wagons des épisodes antérieurs.
Le programme avait été annoncé par
Dead Reckoning et son
Evil Algorithm qui ne pouvait que pousser la licence à se faire plus métatextuelle que jamais. McQuarrie avait déjà passé deux films à explorer la nature d'Ethan Hunt, maintenant il allait carrément l'opposer à Dieu, recontextualisant son refus pathologique du fatalisme dans le soulèvement d'un personnage contre une machine à "scénarios" (terme utilisé dans le texte) et donc d'un acteur contre l'écriture par IA (et donc de l'analogique contre le numérique). L'Entité entend annihiler le libre-arbitre, Ethan fait valoir l'importance de ses choix. Et tous ces flashbacks superflus et envahissants sous la forme d'extraits des précédents films ainsi que les
retcons plus ou moins heureux que s'aventure à faire le récit servent cette idée : ce n'est pas le Destin qui fait qu'Ethan recroise le chemin d'un obscur personnage - pour ne pas dire le dindon de la farce - d'un précédent volet, ce sont ses choix (ok c'est peut-être plus bouddhiste qu'antithéiste). C'est McQuarrie qui donne un sens au
fan service and I think it's beautiful.Dans le lot, il y a des choses mignonnes
, des choses poussives
et des choses inabouties
, qui font d'ailleurs redite avec
Fallout, où McQuarrie avait déjà exploré la nécessité d'absolution d'Ethan.
Là où McQuarrie apporte quelque chose de supplémentaire, c'est dans le legs d'Ethan. Cet épisode est adéquatement crépusculaire, de par son statut de fin de saga mais aussi parce qu'il est question de fin du monde. Ce n'est pas la première fois que l'enjeu d'un
Mission : Impossible porte sur la guerre nucléaire (empêcher une bombe atomique d'exploser compose déjà les climax des quatrième et sixième films) mais ici on lorgne carrément du côté des thrillers paranoïaques de la Guerre Froide à base de
"Doomsday Bunker" et de gros panneau
"DEFCON" qui compte à rebours et la menace paraît autrement plus tangible et mondiale, montrant d'ailleurs au début la population souvent absente de ces films (et pas comme de pauvres victimes en puissance mais comme des masses manipulées par la désinformation de l'IA dans ce que la saga a fait de plus ouvertement politique et actuel, illustrant ce qui était annoncé dans l'introduction du précédent). Ethan était déjà un martyr dans
Fallout (et dans celui-ci, la séquence la plus cheloue du film et de toute la saga le voit subir un supplice dans une sorte de vierge de fer virtuelle), saurait-il être un prophète? Après tout, les martyrs inspirent le changement. Il est temps que les puissants suivent l'exemple d'Ethan, rompent le cycle de violence par leurs choix et se fassent
confiance (le mantra d'Ethan).
On en est au sixième paragraphe donc c'est là que vous allez me dire que je vous casse les couilles avec mon explication de texte et que ce qui vous intéresse, c'est l'action. Et bien justement, sachez qu'il s'agit du retour de l'action qui raconte l'histoire, comme dans
Rogue Nation. Durant cette première heure déjà tristement célèbre, il y a quelques corps à corps mais l'écriture semble jouer délibérément du faux départ et de l'action avortée. Il est indéniable que la structure de ce tiers est malhabile - personne ne me fera croire que l'ordre des scènes avec Luther n'est pas une réécriture de montage - avec une redondance dans l'exposition surexpliquée (y a parfois des flashbacks de moments survenus 5 minutes avant) mais le choix (vous l'avez?) de repousser l'action,
la vraie, me semble tout à fait à propos. Tout comme le principe de séparer l'équipe. Alors c'est
Mission : Impossible et je préfèrerais toujours un épisode qui exploite cette dynamique-clé de la licence mais il y a une excellente séquence qui montent en parallèle une baston d'Ethan avec une baston des autres à des kilomètres de là, et pas comme ces films ont l'habitude de le faire dans un climax, au sein d'une même "mission", mais de manière à la fois fortuite et ordonnée, illustrant justement l'interconnectivité des êtres et des trames.
Mais le plus symbolique des
set-pieces reste l'incroyable scène sous-marine. Ça fait deux films que McQuarrie et Cruise avaient visiblement délaissé ce qui fait pour moi le sel de cette saga, la grosse séquence suspense d'infiltration, mais ici non seulement ils l'inscrivent dans l'ambiance morbide du film (je ne parle pas que de la zique ou de la descente au plus profond de la Terre mais cette fois, les soldats rencontrés par Ethan durant son infiltration sont...des cadavres), ils l'incarnent également par le simple visuel, que ce soit la mise en scène, qui place régulièrement Ethan comme une toute petite chose dans l'immense cadre 1.90, simple mortel bousculé par deux gigantesque engins de guerre qu'il doit éviter tel un toréador, ou qui joue de la gravité, changeant d'axe, alternant le haut, le bas, le côté, accentuant la perte de repères d'un agent gouvernemental qui galère dans un environnement en constante fluctuation. Le plan le plus parlant, c'est ce travelling arrière qui révèle la salle dans laquelle Ethan vient d'entrer, jonchée de torpilles qui s'entrecroisent.
Quant à le final avec les avions, que dire? Est-ce qu'elle rejoue globalement la fin en hélicoptère de
Fallout? Oui. Mais en mieux. Déjà, d'un pur point de vue technique, la cascade est plus impressionnante, l'utilisation de l'IMAX proprement vertigineuse, le ballet de couleurs plus gratifiant pour l'oeil... Mais c'est vraiment le pinacle de la démarche de Cruise sur cette saga, liant la prouesse casse-cou (et amusante, y a de l'humour dans cette scène!) des pionniers comme Buster Keaton avec l'échelle d'un blockbuster moderne (et le tout sans CGI).
Le
wing walking, c'est vraiment du spectacle de forain des années 20 et Cruise en fait l'apothéose de sa grosse machine des années 2020. Là l'action ne raconte plus l'histoire du film mais celle de l'acteur et de son personnage : si Hunt est prêt à la voltige la plus dangereuse pour sauver le monde, Cruise est prêt à en faire de même pour le divertir.
En tout cas, impossible pour moi de bouder mon plaisir (et ça comprend celui de mon cerveau).
Dans 6 mois, un boug va faire un
fan edit des deux derniers volets en un film de 3h et ce sera parfait. Suffit d'enlever tous les flashbacks, tous les rappels, une bonne partie du blabla et toutes les répliques de Pom Klementieff, toujours aussi badass quand elle est muette ou qu'elle se tape mais qui passe de plus en plus pour un des résistants français de
Top Secret! dès que McQuarrie lui fait sortir une phrase courte et lourde de sens.
Classement à chaud :
1 > 5 > 3 > 4 > 6 > 8 > 7 > 2