Forum de FilmDeCulte

aka Un crime dans la tête



En Corée, un soldat américain capturé par les Chinois est soumis à un lavage de cerveau avant de revenir dans son pays.

On entame la rétro sélective (et malheureusement non-chronologique) de John Frankenheimer avec ce film que je découvre, ayant tout oublié du remake par Jonathan Demme vu (et trouvé moyen) à sa sortie.

Ma première surprise a été de constater que, contrairement à la version 2004, le film joue cartes sur table (pun intended) et ne construit aucun mystère autour de la question du lavage de cerveau, révélant dès le départ, dans une séquence onirique et ludique, l'endoctrinement des soldats américains par les méchants communistes tout droit sortis d'un James Bond première époque. Dès le départ, cette approche satirique - qui ne perd cependant rien en noirceur - a tôt fait d'illustrer que le film se veut moins un thriller politique à prendre au pied de la lettre qu'un instantané de l'époque et de la parano estampillée Guerre Froide (le personnage de Janet Leigh est tellement cheveu-sur-la-soupe qu'on en vient à se demander si c'est pas un agent).

Malgré les pointes d'humour, j'ai trouvé le film profondément malaisant. Frankenheimer réussit à conférer au film une ambiance un peu poisseuse, comme quand on se réveille la tête dans le cul d'une sieste. Tout le film baigne dans cette espèce de gueule de bois, épousant la subjectivité de personnages complètement paumés, hantés sans savoir par quoi, aux souvenirs ressurgissant sous la forme de cauchemars surréalistes, aux absences répétées. Un trouble qui s'accompagne de tension, l'information donnée dès le début concernant son sleeper agent de protagoniste faisant de ce dernier la bombe dans l'exemple de Hitchcock. On sait qu'elle est là, quand est-ce qu'elle va péter?

Et le film surprend une fois de plus en ne se focalisant pas vraiment sur l'enquête de Marco mais plutôt sur la tragédie de cet homme qui aurait voulu être aimé et aimable mais qui se faisait contrôler bien avant l'intervention des Rouges™ par sa mère. Et tu peux prendre le film par plein de bouts et tirer à chaque fois un fil intéressant, qu'il s'agisse de ce portrait d'une relation freudienne toxique (la daronne déguisée en bergère, la fiancée déguisée en trigger) ou bien de sa radiographie de l'Amérique de Kennedy, floutant toutefois l'échiquier politique pour en extraire un propos plus général et moins manichéen, sur le PTSD des vétérans à l'époque où cette expression n'était pas démocratisée (pas étonnant que Demme situe son film après la Guerre du Golfe), comme en témoigne la conclusion de Marco, pleurant avant tout un soldat sacrifié de plus, pantin d'un monde de menteurs.

Je suis pas à donf parce que, malgré un montage assez incisif (les cauchemars, tous ces fondus enchaînés qu'on laisse durer, les champ-contre-champ qui opposent les personnages), je trouve ça parfois un peu mou et longuet, mais c'est tout de même assez fort et riche, avec un Laurence Harvey touchant.

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