Forum de FilmDeCulte

Shatranj Ke Khilari en VO

1856. Au royaume musulman d'Oudh, le souverain Wajid Ali Shah occupe son temps entre la poésie et la musique. Non loin du palais royal, deux propriétaires terriens jouent d'interminables parties d'échecs. Plongés dans leurs passions, il ignorent les visées colonisatrices de la puissante Compagnie des Indes dont l'armée est aux portes du royaume.

Après THE MIDDLEMAN et sa plongée en cinéma-vérité N&B dans les affres du marché de l'emploi de Calcutta, Ray remonte le temps jusqu'en 1856 pour une adaptation de roman. Pour une fois on n'est pas au Bengale et c'est d'ailleurs le premier de ses deux films tourné en hindi. Dès le début, on est étonné par une narration amusée et ironique qui raconte, dessin animé à l'appui, la situation politique de l'époque, avec les anglais prêts à croquer leur dernière "cerise" dans leur conquête de l'Inde: le royaume d'Oudh. C'est limite du Adam McKay indien de 1977.

On suit en parallèle trois fils narratifs: le roi local, posé en son palais ; Richard Attenborough dans le rôle de l'anglais qui prépare la conquête du territoire ; et enfin deux artistos fins de race, oisifs comme jamais, les fameux joueurs d'échec éponymes. Le film alterne donc entre plusieurs tonalités - sérieuse chez Attenborough, rabelaisienne chez les autres gars. Malgré "la gravité de la situation" le film est particulièrement drôle. Tout à leur obsession pour le jeu, ils laissent filer la vie, la responsabilité, leurs épouses, et bientôt leur pays. Le film parvient à saisir ce basculement historique de façon narquoise, du point de vue de deux gars absorbés par leurs vaines parties d'échec, où le pion "The Minister" s'apprête à être remplacé par "The Queen" (Victoria).

_________________
Liam Engle: réalisateur et scénariste