Forum de FilmDeCulte

Un ancien syndicaliste, bien décidé à laisser son passé tumultueux et à faire de l'oseille, se fait embaucher incognito pour exploiter une carrière dans le sud de l'Argentine. Là-bas, il y a retrouve un ancien compagnon de lutte, qui a monté tout un plan pour provoquer un accident et obtenir des dédommagements de l'entreprise. Celui-ci ne se passe pas exactement comme prévu.

Ce film, l'un des plus plébiscités du cinéma argentin par la critique locale (il apparaît ainsi régulièrement aux premières places d'un classement des meilleurs films argentins), n'a pas de page allocine. Il possède bien des points communs avec Le Vautour, le film hongrois dont j'ai parlé récemment et qui date de l'année qui suit. Les deux mettent en scène un personnage engagé dans une révolte quasi-nihiliste contre la société. Le film hongrois, un jeu de chats et de souris, est plus conventionnellement policier, avec un héros qui se révèle capable de trésors d'ingéniosité. L'argentin est plus original, et emprunte le genre judiciaire, en faisant de la passivité et du mutisme de son héros le noeud et le levier de cette révolte. Ce qui ne va pas sans frustration ou inconfort pour le spectateur, le personnage principal ne prononcera plus une parole à partir du milieu du film. Le contexte rapproche les deux films en même temps qu'il les distingue, dictature communiste pour l'un, et pour l'autre dictature militaire en Argentine. Sans être très au fait de l'histoire de cette période, on pressent le geste profond que représente le film en le regardant. Puis on se renseigne, 30 000 disparitions, 15 000 fusillés, 9000 prisonniers politiques (wikipédia), on lit quelques trucs par ailleurs sur l'histoire des Mapuches, évoqué à travers un personnage secondaire mais pivot, (un personnage d'autochtone), dont les spoliations se poursuivent jusqu'à ce jour (des populations mapuches de l'Argentine réclame ainsi à Benetton, propriétaire de 900 000 hectares en Patagonie, l'octroi de certaines terres ancestrales, dans un scénario qui répète étrangement celui du film). Le film, et ses accents bartlebyesque, ou à la Big Shave de Scorsese prend une épaisseur qui exprime avec une ironie particulièrement tragique les affres de la politique argentine.