Terms of Endearment pour Erik Vonk.
Aurora a élevé seule sa fille Emma, excluant tout homme de sa vie. Pourtant, Emma quitte à la première occasion cette mère abusive. Seule, Aurora rencontre alors Garret, qui est un ancien cosmonaute désormais alcoolique... Des liens entre ces deux personnes prennent forme.Où j'apprends que pour son premier film James L. Brooks avait fait une petite razzia aux Oscars 1984 en récoltant notamment les statuettes du meilleur film et de la meilleure réalisation. Et en survolant rapidement les critiques françaises de l'époque (toutes chapelles confondues, des Cahiers à Positif la réception fut identique) il est assez cocasse de voir comment le film avait était traité comme de la merde, quand
Comment savoir se retrouve dans bon nombre de top de la décennie 2010 sans qu'il soit objectivement supérieur à son premier (je pense même plutôt l'inverse). Ce qui semble avoir été la cause de la réception critique française plus que tiède pour
Tendres Passions, c'est le passé télévisuel de Brooks, influence qui s'y retrouve distinctement. Image baveuse, intrigue familial au long court, ellipses récurrentes qui confortent l'aspect feuilletonesque, on est parfois pas loin d'un Dallas ou d'un Dynastie, la choucroute de Shirley MacLaine achevant sa ressemblance avec la doyenne de la famille Ewing (pour couronner le tout l'action se passe à Houston). Il s'en distingue pourtant clairement, en particulier par une finesse d'écriture que ces soap opera n'atteignent jamais.
Ce que l'on ressent également rapidement c'est la tendresse que Brooks porte à ses personnages, qu'il ne charge jamais (le film commence sur MacLaine jeune mère qui secoue son bébé en train de dormir pour s'assurer qu'il n'est pas mort, comme un symbole de l'atmosphère étouffante dans laquelle Debra Winger aura grandit, pour autant Aurora/MacLaine ne sera jamais réduite à un simple rôle de mère castratrice), qu'il prend le temps de nous exposer sur un temps long, sans filtre et surtout sans les juger. Il se permet ainsi de nous révéler progressivement leur profonde connexion, entre Aurora et Emma/Winger bien sûr (un moment saillant en particulier lors de leur première relation extra-conjugale simultanée, usant d'un intelligent montage alterné), le couple Emma/Flap également (j'aime beaucoup la manière dont toute la lourdeur qu'aurait pu engendrer leur adultère est totalement évacuée pour ne garder que ce qui cimente profondément leur couple), ou celui naissant d'Aurora avec son ex-astronaute de voisin (relation qui préfigure celle de Nicholson et Helen Hunt dans
Pour le pire et pour le meilleur). Mêmes les seconds rôles sont finement captés, aussi courtes soient leurs apparitions à l'écran, que ce soit de Vito en amoureux transit ou John Lithgow en improbable amant, jusqu'aux enfants d'Emma et Flap.
Dialogue millimétré où tout ce qui est ou non prononcé compte, acuité de son regard qui évacue les moments creux pour ne conserver que les faits saillants d'une vie, malgré une réalisation (en fait surtout la photo) qui peut sembler parfois terne Brooks arrive à concentrer en un peu plus de deux heures toute l'existence d'Emma, les événements plus ou moins heureux qui suffisent à résumer sa vie. Pour en revenir à son accueil lors de sortie, je me dis que l'absence d'enjeu sociétal majeur (elle fait sciemment le choix d'une vie de femme au foyer par exemple, ce qui ne permet pas de discours féministe) a pu également jouer en sa défaveur, mais c'était alors oublier le versant profondément humaniste du film et la beauté de sa figure principale, souffle de vie très joliment interprété par Debra Winger.
4.5/6