Forum de FilmDeCulte

Découvert à la Cinémathèque en 70mm. Projo sympa même si une enceinte a grésillé pendant la dernière heure, produisant un insupportable TZIK TZIK TZIK TZIK finalement assez nolanien, heureusement couvert par le volume sonore (trop) élevé.

Bref, c'est un peu ce que je craignais: le gros machin, le all-star cast pour le film-somme incontournable sur le Débarquement.
Ça avait pourtant bien commencé, avec une intro vive et hachée qui nous téléporte de décor en décor, introduisant une flopée de personnages disparates. Mais bien vite on voit que cette diversité est en fait une absence de point de vue. Certes, le film a une certaine maturité dans son non-jugement, il ne prend pas parti de façon claire et nette pro-Alliés anti-Hitler, mais ça reste surtout un film-Wiki ultime, enchaînant les anecdotes, faisant apparaître et disparaître les personnages avec ce qui dans de meilleures mains pourrait être le geste cruel du hasard mais qui ici ressemble davantage à un regard superficiel qui rebondit à la surface des évènements: un peu de résistants français, un peu d'Eisenhower, pas mal de paras, un peu de commando Kieffer...

Le film est en tout cas impressionnant visuellement: une pure débauche de figurants, de moyens, de pyrotechnie. Je sais pas comment ils s'en sont pris mais on est sur le cul. Il y a un travelling aérien le long du quai de Ouistreham qui est bluffant.

Mais bon au final c'est vraiment un produit de son époque: documenté mais pontifiant, charismatique dans ses acteurs mais superficiel dans sa caractérisation, impressionnant visuellement mais dénué de toute viscéralité... 100% docu-fiction, 100% grand spectacle, mais seulement 10% humanité.

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Liam Engle: réalisateur et scénariste

Ceci dit il y a peut-être un malentendu, c'est l'épitome et en même temps un des derniers films de guerre commerciaux comme il y en a eu des tonnes dans les années 50-60 (la Bataille des Ardennes, le Pont de Remagen, Tora Tora Tora, les Ponts de Toko Ri pour la Corée,la Bataille d'Angleterre, Patton ) qui filment les batailles (et plus encore leur préparation), sans s'intéresser au contexte politique ou aux enjeux moraux de la lutte contre le fascisme ou les causes politiques et sociales de guerres, c'est plutôt une absence de point de vue qu'une sophistication. Ils passaient souvent à la télé quand j'étais gamin (et singulièrement beaucoup sur les chaînes allemandes, doublés, ce qui produisit un décalage ironique), mais leur public a disparu. A l'époque c'est plutôt le film noir (d'ailleurs antérieur), qui met en scène souvent des démobilisés dans la merde, qui endosse l'aspect politique.
Ensuite Fuller, ou Francesco Rosi (les Hommes Contre) plus indirectement Lumet dans la Colline des hommes perdus (voire Kubrick et Kirk Douglas dans les Sentiers de la Gloire pour la première guerre mondiale) ont un regard plus politique (c'est aussi amorcé dans Patton de Schaffner voire Tora ! Tora ! Tora ! qui filme une défaite), mais Fuller avait fait la guerre jusqu'à filmer l'arrivée dans les camps et est dans une logique de témoignage moral assez complexe (en assumant le genre), pour les autres ce sont fes films qui sinscrivent dans le moment de gauche critique et anti-autoritaire des années 60. Par la suite MASH par la dérision ou des trucs comme Un Chateau en Enfer qui introduisent un élément fantastique B ont un peu rendu ces films impossibles et ringards, jusqu'au Soldat Ryan et les Eastwood voire Nolan (et Attenborough pour un Pont Trop Loin) qui ont un peu une synthèse "neo-classique" (et une renationaisation) du tout.

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Sur un secrétaire, j'avise deux statuettes de chevaux : minuscules petites têtes sur des corps puissants et ballonés de percherons. Sont-ils africains ? Étrusques ?
- Ce sont des fromages. On me les envoie de Calabre.

Jean-Paul Sartre

Les Nazis sont pas diabolisés quoi.

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Liam Engle: réalisateur et scénariste

Ils le sont rarement dans ce type de films (cela peut-être problématique, opposant symboliquement l'armée de métier aux SS et à la Gestapo), et puis disons que ce film-ci en particulier joue aussi sur le mythe de Rommel, général associé à une opposition sourde à Hitler (sa veuve était consultante du film).
Il ne faut pas oublier non plus oublier le contexte de la guerre froide (si on les présente comme des brutes absolues, comment justifier auprès de l'opnion américaine l'alliance avec l'Allemagne de l'Ouest ou sont stationnées les troupes de l'Otan face à l'URSS, de plus se désengager poserait de manière plus vive la question d'une armée allemande, voire européenne avec de Gaulle qui est en train de s'éloigner de l'Otan) et qu'ici 62 c'est juste après la construction du Mur de Berlin (cela modifie l'image donnée de l'Allemagne dans les films americain d'alors. En 1948, Wilder tourne la Scandaleuse de Berlin qui aborde, par l'humour, sans complaisance et sans non-plus "diaboliser" - dans Stalag 17 il ne le fait pas non plus- , de manière beaucoup plus directe la question de l'adhésion collective au nazisme, ce ne sont pas forcément les films les plus proches historiquement des évènements qui sont les moins complexes, la nuance n'est pas forcément le fruit d'une relecture du passé) et qu'une équipe allemande a co-réalisé le film...

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Sur un secrétaire, j'avise deux statuettes de chevaux : minuscules petites têtes sur des corps puissants et ballonés de percherons. Sont-ils africains ? Étrusques ?
- Ce sont des fromages. On me les envoie de Calabre.

Jean-Paul Sartre