Forum de FilmDeCulte

Le forum cinéma le plus méchant du net...
Nous sommes le 25 Nov 2024, 18:02

Heures au format UTC + 1 heure




Poster un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 10 messages ] 
Auteur Message
 Sujet du message: L’aveu (Costa-Gavras, 1970)
MessagePosté: 21 Jan 2021, 22:18 
Hors ligne
Expert
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 23 Juil 2011, 12:46
Messages: 14470
Image

À Prague, en 1951, un haut responsable politique tchécoslovaque se retrouve accusé d'espionnage au profit des États-Unis.


Dans les Costa-gavras vus cette année, c'est assurément mon préféré et je ne m'attendais pas à une telle claque. Je le place un cran au-dessus de Z, que certains considèrent comme son meilleur film, pour dire l'estime que j'ai pour cette intense description des purges communistes qu'est L'aveu. Sur le sujet, c'est clairement le film ultime et Gavras n'a pas à rajouter de l'humour, comme dans Z, pour pointer l'absurdité que va constituer ces mascarades d'enquêtes et de procès politiques tellement la réalité est hallucinante et glaçante. En parlant d'humour, il y a une scène géniale dans le procès qui, autre part serait de l'humour graveleux (un accusé perd son futal et se retrouve fesses à l'air dans le tribunal), mais qui là par les réactions des accusés est formidable d'humanité. La manière dont Gavras montre le refuge dans le rire que trouvent des hommes torturés pendant de longs mois, et qui ont été détruits mentalement par la répression communiste, est condensée en quelques secondes de manière remarquable.

Les scènes transcendantes de ce type, Gavras les enchaine dans sa seconde partie consacrée au procès. Il faut voir tous les moments avec Simone Signoret qui sont assez courts mais intenses comme ce moment où les deux amies femmes préparent les complets de leurs maris à la demande du parti, croyant avec joie qu'on va les libérer ce soir alors que c'est juste pour faire bonne figure à leur procès. Bref plein de moments géniaux qui bénéficient de l'écriture de Jorge Semprun. L'énorme réussite du film est surtout comment Gavras arrive à nous immerger dans ce théâtre macabre politique et faire vivre les mécanismes inhumains de ces purges. Toute la première partie qui montre l'extorsion des aveux, l'évolution de Montand qui va progressivement devenir un zombie totalement lessivé, est exemplaire. L'acteur est d'ailleurs formidable. Tout le récit de Semprun est ici magnifié par la mise en scène de Gavras. Sur ce plan, le cinéaste est inspiré comme rarement. Il faut voir cet arrêt sur image sur la nuque du secrétaire du parti et toute cette fin du printemps de Prague avec une brillante insertion des archives. Comme dirait l'autre "Lénine reviens, ils sont devenus fous".

6/6


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 21 Jan 2021, 22:36 
Hors ligne
Vaut mieux l'avoir en journal
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 04 Juil 2005, 15:21
Messages: 22935
Localisation: Paris
Le meilleur de Gavras, et le bouquin est tout aussi bon. J’adore notamment la scène filmée de manière très neutre, où les agents de la StB disperse les cendres des corps sur la route enneigée pour pouvoir avancer (anecdote authentique en plus). Un film extraordinaire.

_________________
Que lire cet hiver ?
Bien sûr, nous eûmes des orages, 168 pages, 14.00€ (Commander)
La Vie brève de Jan Palach, 192 pages, 16.50€ (Commander)


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 21 Jan 2021, 22:45 
Hors ligne
Expert
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 23 Juil 2011, 12:46
Messages: 14470
Cosmo a écrit:
J’adore notamment la scène filmée de manière très neutre, où les agents de la StB disperse les cendres des corps sur la route enneigée pour pouvoir avancer (anecdote authentique en plus)
Le meilleur c'est quand cette scène est réutilisée en insert avec tous les éclats de rire des condamnés. Et puis la blague pourrie du conducteur :mrgreen:


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 21 Jan 2021, 23:18 
Hors ligne
Expert
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 27 Déc 2018, 23:08
Messages: 6395
Pas trop Costa-Gravas. La principale valeur documentarte du film réside à mes yeux dans le fait qu'on y voit le Vieux Lille avant qu'il n'ait été transformé en réserve d'immobilier de luxe pour toute la région...

_________________
Sur un secrétaire, j'avise deux statuettes de chevaux : minuscules petites têtes sur des corps puissants et ballonés de percherons. Sont-ils africains ? Étrusques ?
- Ce sont des fromages. On me les envoie de Calabre.


Jean-Paul Sartre


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 21 Jan 2021, 23:38 
Hors ligne
Expert
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 23 Juil 2011, 12:46
Messages: 14470
Vieux-Gontrand a écrit:
Pas trop Costa-Gravas. La principale valeur documentarte du film réside à mes yeux dans le fait qu'on y voit le Vieux Lille avant qu'il n'ait été transformé en réserve d'immobilier de luxe pour toute la région...
:mrgreen: pour Lille
Même si tu n'es pas trop Costa-Gavras, je ne sais pas si tu l'as vu, mais c'est intéressant de comparer à Section spéciale qui est lui aussi un film de procès. Ce dernier film m'est sympathique mais, la réalité étant moins folle, ça va moins dans le théâtre de l'absurde et ça a beaucoup moins de force. Tu sens que Gavras est plus à l'aise dans la description de réalité "radicale". Bon après je deviens fan de ce réalisateur mais tente le dernier qui est excellent et le plus ouvertement "bouffon" de sa carrière.

Pour rajouter, ce qui est touchant dans L'aveu, c'est qu'on sent vraiment que Gavras est un homme de gauche et qu'il souffre des dérives qu'il filme. Il y a une sorte d'idéalisme de militant qui est assez touchante et qui s'illustre parfaitement dans la naïveté de Montand retournant à Prague à la fin. Bref une sincérité et peut-être le film le plus personnel de Costa-gavras (ne les ayant pas tous vu d'où le peut-être).


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 21 Jan 2021, 23:43 
Hors ligne
Expert
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 27 Déc 2018, 23:08
Messages: 6395
En même temps le but de ces purges était justement d'éliminer la gauche. Il filme cela comme une découverte mais d'autres (Werth, Orwell) l'ont compris bien avant 1970 (notamment en Espagne - c'est un des ressorts de cendre et Diamants de Wajda avec le personnage de l'ancien commissaire ).
La manière complexe dont Aaragon par exemple, tout officiel qu'il soit, parle de l'anarchisme dans les Cloches de Bâle en 1934 trahit déjà un gros malaise par exemple

Et a la limite la toute fin de Guerre et Paix anticipe de manière troublante et plus riche le truc (sur l'air : ce qui est venu après la victoire est le plus lourd et l'annule, et est le vrai propos de mon livre)

_________________
Sur un secrétaire, j'avise deux statuettes de chevaux : minuscules petites têtes sur des corps puissants et ballonés de percherons. Sont-ils africains ? Étrusques ?
- Ce sont des fromages. On me les envoie de Calabre.


Jean-Paul Sartre


Dernière édition par Vieux-Gontrand le 21 Jan 2021, 23:47, édité 1 fois.

Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 21 Jan 2021, 23:47 
Hors ligne
Expert
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 23 Juil 2011, 12:46
Messages: 14470
Vieux-Gontrand a écrit:
En même temps le but de ces purges était justement d'éliminer la gauche. Il filme cela comme une découverte mais d'autres l'ont compris avant 1970 (notamment en Espagne - c'est un des ressorts de cendre et Diamants de Wajda avec le personnage de l'ancien commissaire ).
Pas d'accord avec le "éliminer la gauche", c'est un peu plus compliqué que cela, et pas facile à décrire. En parlant de 1970, le succès du film est sa sortie juste après le printemps de Prague où le PCF remettait en question les communistes russes et ouvraient "officiellement" les yeux. Sinon ne remets pas le couteau dans la plaie, il faut absolument que je creuse Wajda, il était sur ma liste et je dois m'y mettre d'urgence.


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 21 Jan 2021, 23:49 
Hors ligne
Expert
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 27 Déc 2018, 23:08
Messages: 6395
D'un certain côté ce film répond et atténue "la Guerre est Finie" (déjà avec Montand) où la crise du PCF est beaucoup plus directement (et donc rapidement) exprimée en fait (et le problème n'est pas formulé en terme de perversion passée d'un idéal mais d'impuissance par rapport au présent). Tu mets le doigt sur le problème du film : la question tchécoslovaque, périmée (le film retarde par rapport au printemps de Prague) devient un moyen pour parler indirectement et par allusion d'une situation politique surtout française.

_________________
Sur un secrétaire, j'avise deux statuettes de chevaux : minuscules petites têtes sur des corps puissants et ballonés de percherons. Sont-ils africains ? Étrusques ?
- Ce sont des fromages. On me les envoie de Calabre.


Jean-Paul Sartre


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 22 Jan 2021, 00:11 
Hors ligne
Expert
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 27 Déc 2018, 23:08
Messages: 6395
Ce que je commence à comprendre (notamment grâce au détour par Godelier) dans la différence entre Marx et son expression politique, c'est que chez Marx l'analyse critique d'un système économique et la théorie de la genèse des rapports sociaux sont confondues (d'où en effet une dimension à la fois objective et axiologique). La révolution est l'expression de cette fusion. C'est sa puissance (géniale) au plan sociologique et historique, mais une limite politique.
J'ai l'impression qu'il y a en fait peu de thématisation directe du pouvoir politique (et des institutions) dans ses œuvres (d'ailleurs le parti procède du syndicat et le soutien dans le Capital, le pouvoir a en fait lieu au niveau du marché - or, il peut très bien y avoir une domination sans marché...). Cela vient après, dans les querelles liées au révisionnisme de Bernstein. Il décrit au présent, les intérêts du forts et la jouissance du dominé, dépendants mais aux généalogies séparées. Rosa Luxemburg accentue un peu dans ce travers, même si elle est super-riche : trouver chez Morgan des sociétés anciennes et patriarcale et une manière de ne pas poser la question du pouvoir politique, ou de le lier à celle d'une mémoire perdue, faire le procès du moment où la question de la loi de fonctionnement en société s'est séparée du fait de faire une société, séparation qui serait aussi rationnelle (mais de valeur inverse) que cette constitution (et liée à l'intérêt matériel).

_________________
Sur un secrétaire, j'avise deux statuettes de chevaux : minuscules petites têtes sur des corps puissants et ballonés de percherons. Sont-ils africains ? Étrusques ?
- Ce sont des fromages. On me les envoie de Calabre.


Jean-Paul Sartre


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 25 Jan 2021, 14:12 
Hors ligne
Expert
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 23 Juil 2011, 12:46
Messages: 14470
A noter les supers bonus du blu-ray qui vont d'un super court-métrage documentaire de Chris Marker sur le tournage, d'une interview d'Arthur London et d'un petit extrait documentaire passionnant sur le procès de Prague. Intéressant de voir à quel point le film de Gavras puise dans la réalité des faits.


Haut
 Profil  
 
Afficher les messages postés depuis:  Trier par  
Poster un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 10 messages ] 

Heures au format UTC + 1 heure


Articles en relation
 Sujets   Auteur   Réponses   Vus   Dernier message 
Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Z (Costa-Gavras, 1969)

Cosmo

9

2365

20 Oct 2020, 11:38

Vieux-Gontrand Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Music Box (Costa-Gavras, 1989)

Abyssin

6

830

03 Jan 2024, 00:47

FingersCrossed Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Amen (Costa-Gavras, 2002)

Abyssin

0

769

24 Avr 2021, 12:37

Abyssin Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Hanna K. (Costa-Gavras, 1983)

Abyssin

6

915

03 Nov 2020, 13:59

Cosmo Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Section Spéciale (Costa-Gavras - 1975)

[ Aller à la pageAller à la page: 1, 2 ]

FingersCrossed

18

535

19 Juin 2024, 16:55

Jerónimo Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Etat de siège (Costa-Gavras, 1972)

Abyssin

0

538

10 Juil 2022, 11:23

Abyssin Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Clair de femme (Costa-gavras, 1979)

Abyssin

2

834

09 Déc 2020, 00:52

Abyssin Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Compartiment tueurs (Costa-Gavras, 1965)

Abyssin

2

1108

28 Mai 2022, 08:45

Mr Degryse Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Adults in the room (Costa-Gavras, 2019)

Abyssin

10

1361

09 Nov 2019, 08:57

Le Cow-boy Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Eden à l'ouest (Costa-Gavras - 2009)

[ Aller à la pageAller à la page: 1, 2 ]

DPSR

28

3328

05 Jan 2010, 22:33

Tetsuo Voir le dernier message

 


Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum: Aucun utilisateur enregistré et 43 invités


Vous ne pouvez pas poster de nouveaux sujets
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets
Vous ne pouvez pas éditer vos messages
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages

Rechercher:
Aller à:  
Powered by phpBB® Forum Software © phpBB Group
Traduction par: phpBB-fr.com
phpBB SEO
Hébergement mutualisé : Avenue Du Web