Devant les 20-25 premières minutes du film, j'ai cru que j'allais devoir faire mes excuses à Erik Vonk.
Le prégénérique (enfin le prétitre) pose le ton, quitte à passer pour de la caricature de David Yates (
if there is such a thing), avec sa photo
"passons tout au filtre bleu blafard". Malgré les origines
pulp du personnage, le matériau est traité avec un premier degré qui n'est pas pour me déplaire. Ce n'est pas forcément surprenant à l'ère des reboots
"qui se prennent au sérieux" comme disent les teubés, mais lorsque cela s'accompagne d'un réel effort dans le positionnement de l'adaptation, la démarche est pour le moins louable.
En l'occurrence, le scénario d'Adam Cozad (
Jack Ryan ) et Craig Brewer (
Hustle & Flow,
Black Snake Moan ) a la bonne idée de ne pas refaire l'
origin story et surtout d'ancrer l'intrigue dans une réalité historique, à savoir la tentative du roi Léopold II de Belgique de rétablir l'esclavage dans sa colonie du Congo pour en exploiter les mines de diamants.
Je dis ancrer et non mêler car les bonnes intentions s'arrêtent à peu près là.
Le film aurait pu être "Tarzan vs. le colonialisme" mais ce décor ne sert que de fond superficiel à un récit autrement plus banal qui semble complètement oublier ce postulat pour raconter...pas grand chose. D'ailleurs, malgré les contrées objectivement traversées et les obstacles vraisemblablement rencontrés, il ne se
passe pas grand chose.
Pour résumer, le récit se réduit à la traque inintéressante par un Tarzan relativement indéfini et son sidekick qui aurait tout aussi bien pu être Cheetah tant il ne sert que de
comic relief et de
deus ex machina, d'un McGuffin qui n'est autre que Jane pour une histoire de vengeance artificielle. Le tout entrecoupé de flashbacks inutiles qui - j'ai à moitié menti - refont
l'origin story en se limitant aux moments-clé (la mort des parents, la découverte du bébé, la rencontre avec Jane).
Voilà ce qui se passe quand on donne le feu vert à un projet sur la base de quelques bons arguments sans s'assurer que le scénario fini ressemblera à autre chose qu'un produit générique (on sent que le film a utilisé la BO de Batman Begins en temp track tant le score plagie celui de Zimmer et Newton Howard).
J'ai pu lire, dans une critique ou dans une interview, que le parcours de Tarzan dans le film est celui d'un homme devenu civilisé qui doit à nouveau assumer sa part d'animalité mais le scénario ne traite jamais cette question tant le personnage est agressif d'emblée et l'acteur, dont la verticalité est intéressante, joue le tout avec un fadeur de tous les instants.
Autour de lui, Christoph Waltz ressort la même prestation de méchant jovial pour la 37e fois dans des séquences d'inaction qui auraient pu tout aussi bien être composées de
stock shots d'
Inglourious Basterds,
The Green Hornet,
De l'eau pour les éléphants,
Les Trois mousquetaires ou
Spectre. Samuel L. Jackson joue un personnage ayant réellement existé, George Washington Williams, vétéran de la Guerre de Sécession et opposant du roi Léopold, mais deux monologues sur les horreurs de la guerre ne suffisent pas à m'ôter l'impression qu'il va balancer
"I've had it with these motherfucking apes in this motherfucking jungle" d'une minute à l'autre. Vétéran de la Guerre de Sécession ou électricien partenaire de John McClane, c'est du pareil au même.
La palme du rôle de merde revient à Margot Robbie,
miscast en Jane américanisée que le scénario voudrait caractériser autrement que comme une demoiselle en détresse (c'est même dit textuellement dans une réplique) mais qui passe le film emprisonnée, réduite à dire "mon mec il va te péter ta gueule".
Tout ceci aurait pu paraître plus tolérable si le quota aventure était assuré mais si les vistas africaines sont sublimées lors de plans-tableaux, l'action laisse sur sa faim. Les combats sont chiches et dénuées d'idées et parasités par l'overdose de ralentis et chaque séquence de lianes tombe à plat parce que le tout-numérique est utilisé de la manière la plus factice qui soit (12 ans après
Spider-Man 2, c'est incompréhensible).
Yates ne parvient même pas à rendre le cri de Tarzan iconique. On l'entend deux fois HORS CHAMP. Sans même un minimum de montée de sauce avant.
Le cinéaste est plus à l'aise sur les moments dramatiques, avec des choix qui tiennent du détail mais font effet (Tarzan imitant un cri d'oiseau pour sa femme, Tarzan montrant les jointures modifiées de ses mains à une classe d'enfants, la mère gorille de Tarzan l'aidant à monter sur son dos, Tarzan protégeant Jane de l'attaque d'un gorille) prouvant qu'il est loin d'être un faiseur sans talent mais qu'il était sans doute inapproprié pour ce projet.
Si vous voulez voir une approche "super-héros" réussie du personnage, revoyez l'excellent film d'animation Disney.