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MessagePosté: 24 Jan 2008, 15:35 
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Localisation: In the Oniric Quest of the Unknown Kadath
Angelopoulos est le genre de cinéaste dont toute personne qui s'interesse un tant soit peu au cinéma connaît le nom sans avoir vu aucun film. Le genre de réalisateur qui se traîne une réputation un peu évasive de cinéma lent et chiant et de films intellos et abscons.
Naturellement curieux de nature en ce qui concerne le cinéma j'ai voulu tenter comme ça un film au hasard sur l'étagère d'un vidéo-club. Et bien m'en a pris puisque je viens de découvrir un immense chef-d'oeuvre.

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Le film raconte l'histoire d'un frère et une soeur qui décident un jour de quitter la Grèce et d'aller rejoindre l'Allemagne par leurs propres moyens pour y rencontrer leur père qu'ils n'ont jamais vu.
Soyons clair, ce film rentre directement dans la liste des plus beaux films sur l'enfance jamais fait au côté de Cria Cuervos de Saura, El Espiritu de la Colmena de Erice, Night of the Hunter de Laughton et ce film moins connu The Reflecting Skin de Philip Ridley.
Il possède cette qualité qui me paraît fondamentale quand on parle de l'enfance, c'est de se mettre à leur hauteur. Non pas de regarder les enfants évoluer dans un monde adulte mais au contraire d'insérer des adultes dans le monde des enfants. Et en cela ces films possèdent tous une réalité alternative où elle acquiert un caractère onirique et distordu. Mais ce n'est pas pour autant que l'on est dans la recréation candide et naïve du monde. Ce monde là, présent dans chacun des ces films magnifiques doit s'adapter à l'environnement qui les entoure avec toute la dureté, la cruauté et la folie qu'il contient. C'est ce qui les rend si riche, si touchant et si beau. Car ils contiennent tous en leurs germes la nostalgie universelle d'une enfance sacrifiée, blessée et perdue à jamais.

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Et dans ce film Angelopoulos nous propose un voyage. Il sera initiatique bien sûr, les deux enfants livrés à eux-mêmes devant survivre et poursuivant un but mais Angelopoulos préfère faire dévier son oeuvre vers la fable mythologique. Car dès le début il va abandonner les considérations materielles (comment ces enfants peuvent-ils survivre des jours entiers sans argent, ni nourriture ?) pour se concentrer sur le voyage lui-même, construisant des vignettes, telles des épreuves qu'il devront passer pour aller plus loin dans leur voyage. Et le monde qui les entoure est mythique également. Chaque phénomène climatique y est vécu comme un miracle (une scène absolument sublime nous montre des personnages béat devant des flocons de neige).
Puis la mise-en-scène de Angelopoulos est tout simplement dans un état de grâce permanent. Privilégiant les plans très longs (mais pas forcément lents) chaque plan raconte quelque chose, contient une narration propre. A ce titre un plan sur une plage au sein d'une troupe de théâtre rencontrée par les enfants et absolument cosmique tellement il parvient à raconter une histoire à l'intérieur même de son histoire. C'est absolument sublime de bout en bout. Et que ce soit dans le choix de ses décors tous plus beaux les uns que les autres que dans sa façon de les englober et d'y intégrer ses personnages, rarement un mouvement de caméra, un léger recadrage ne m'avait provoqué de telles émotions.
Et quelle musique ! Quelle poésie permanente et à fleur de peau !

Un film à découvrir certainement et dans mon cas, la découverte d'un cinéaste immense dont je vais me hâter de découvrir d'autres oeuvres même si j'ai peu d'espoir de voir quelque chose d'aussi grand. Je regrette un ou deux dialogues que je n'ai pas vraiment compris mais ça n'a pas suffit à entacher l'immense claque qu'a été ce film. Et comme toujours dans ce genre de film il faut souligner la magnifique prestation des enfants et en l'occurence de ce frère et cette soeur perdus dans le coeur du monde à la recherche de leurs origines et à travers eux l'origine de l'humanité.

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MessagePosté: 24 Jan 2008, 18:56 
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Ben moi je n'ai malheureusement pas vu celui ci. Je le regarde et on en reparle Art Core. Ca roule ?

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MessagePosté: 24 Jan 2008, 21:00 
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Localisation: In the Oniric Quest of the Unknown Kadath
Yeah ça roule 8) d'autant je sens que l'on va pas se bousculer sur ce fil. Sinon les quels sont ses meilleurs ? Je pensais tenter Le Regard d'Ulysse et son adaptation de Proust (les deux les plus facilement trouvables en fait).

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MessagePosté: 26 Mar 2008, 12:37 
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Je me suis regardé ça en divx ce week end avec un décalage de dix secondes dans la synchro des sous-titres qui rajoute au côté très Cormac Mc Carthy (rien que par le fait que les répliques de début et de fin se répondent) de ce road movie dépressif autour de deux gosses, juste pour vérifier si je pouvais tenir un film d'Angelopoulos en entier. Mon côté maso.

Je trouve le film assez verrouillé dans son dispositif d'une fatalité infinie
le viol dans le camion évidemment
mais il faut reconnaître un sens du minimalisme dans la durée des plans, en général larges et très dépouillés, une certaine élégance pour un film vieux de vingt ans qui préfigure des flamboyances plus centrées sur l'esthétique type Le retour. Maintenant je ne peux m'empêcher de trouver ça long et très figé niveau interprétation, surtout les deux gosses.
Mais je ne regrette pas de l'avoir vu.
3/6


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MessagePosté: 26 Mar 2008, 13:58 
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Localisation: In the Oniric Quest of the Unknown Kadath
J'ai vu entre temps L'Eternité et un jour et je l'ai trouvé sublime (quel plan final :shock: ) même si un peu brouillon et obscur par moment. Vraiment je me sens très proche de la sensibilité poétique et esthétique d'Angelopoulos.

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MessagePosté: 31 Jan 2012, 01:41 
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Topio stin omichli (et je dirais même plus : Τοπίο στην Ομίχλη)

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Alexandre et Voula sont frère et sœur. Ils décident de quitter leur mère et leur pays à la recherche de leur père qui vit en Allemagne, et qu'ils n'ont jamais vu...


Je suis partagé Art Core, parce qu'effectivement, il y a un point indéniable, c'est que c'est d'une splendeur assourdissante. Angelopoulos (c'est le premier que je vois) a une maîtrise visuelle à la hauteur d'un Tarkovski, une capacité à faire hurler de beauté n'importe quel station service désaffectée ou terrain vague cradoc - et évidemment, à ce niveau-là, il n'est plus question de cinéaste-peintre, mais de quelqu'un qui sait justement raconter la grâce du monde, fut-elle douloureuse. Un plan très simple comme celui des deux enfants recroquevillés dans un coin du train, sous la lumière crue, bercés par le tremblement, pendant qu'en off déambule la lettre de la fille, a un pouvoir narratif incontestable. Donc merci pour ça, sur ce plan, c'est une tuerie.

J'ai néanmoins de grosses réserves. Déjà parce qu'Angelopoulos n'a pas le courage de la mesure. La poésie qu'il crée si puissamment, si efficacement, par un sobre choix de cadre, il lui faut aussi la surligner à l'intérieur de son récit. C'est un défilé de paraboles et de dialogues "inspirés" (- Tu fais quoi dans la vie ? / - Je fais rire et pleurer...), que la direction d'acteurs effectivement très figée rend d'autant plus insistants, et qui posent selon moi un problème : le travail semble fait deux fois, le geste initial bégaie, et la beauté de l'ensemble se fait ampoulée. Prenons l'arrivée du gamin dans le restau, sa demande pour manger, le travail qu'on lui demande en retour, et autour de cet échange simple une caméra qui fait son travail narratif, qui prend cela en charge, qui chante la violence de ce rapport-là. Mais non, il faut que le naturel sobre de la scène soit défiguré par l'arrivée plaquée d'un violoniste-symbolique sorti de nulle part, du temps-suspendu-en-pack qu'il crée, et que le restaurateur-matérialiste doit envoyer bouler pour remettre le gamin au travail. Franchement ! Gâchis souvent répété d'un film qui, à force de courir après la poésie, plutôt que de la laisse naître logiquement (indirectement) de la rigueur du regard porté sur les évènements, en annule régulièrement l'effet - surtout qu'Angelopoulos a la parabole lourdingue (les comédiens....). L'abstraction discrète de son cinéma (on le voit très bien dans la scène de la neige, par exemple) aide souvent à faire passer la pilule de ces multiples métaphores ambulantes, à "lubrifier" leur avènement, mais difficilement.

Et ce défaut me semble passablement criant dans LA scène (évidemment), celle du plan-séquence au camion, à partir de laquelle j'ai personnellement décroché pour suivre le tout un peu en retrait, avec une admiration froide. Sang qui coule, traces au mur, vraiment ? Parce que cette poésie-là n'est plus la pudeur qui permet de nous raconter l'horreur : c'est la finalité tout entière d'une scène à son service, qui doit maltraiter ses personnages (dans un hors-champ à suspense que j'ai trouvé bien hypocrite) pour la beauté de sa jolie image. Je ne peux plus m'émouvoir pour les gamins, ni croire au regard plein de pitié que le réal s'échine à porter sur eux, après l'avoir vu faire un truc pareil... De même, je ne peux pas adhérer au ton pathétique/lyrique du film face à cette noirceur ambiante quand celle-ci n'a aucun sens, quand elle est une sorte de donnée générale gratuite ("le monde c'est dur", tout emballé pêle-mêle) qui ne sert qu'à chanter la fragilité des deux enfants à vide. Derrière beaucoup d'intelligence formelle, il y a donc au final je trouve pas mal de naïveté.

Bref, plein de promesses, également plein de réticences. Cinéaste intriguant.


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