Trois archéologues britanniques découvrent la tombe d'une grande prêtresse égyptienne disparue il y a quatre mille ans. Mais en ouvrant cette tombe ils déclenchent une malédiction : le puissant garde, enterré avec sa prêtresse, se réveille.
Chaud de ne pas adopter un point de vue subjectif en voyant la couverture du film, -plutôt attrayante-, en estimant la ridicule ancienneté des décors, des images, de la projection. En fait, je m'attendais à un truc caduc perdu d'intérêt et retiré visuellement de toute beauté, et au final, j'ai été assez surpris par l'empreinte inattendue du scénario. Son réalisateur, Terence Fisher, élabore un univers assez pointu sur l'environnement égyptien, même si on se désole de ne pratiquement pas constater des plans plus intégraux évoquant davantage le lieu ou est entreposé la tombe de la prêtresse. L'avantage indéniable dans ce choix est la simplicité mariée forcément à l'efficacité car, il plonge immédiatement au cœur de son sujet. Aucune scène n'est de trop, et tout le prologue, apparemment partiel et court, nous renseigne sur énormément d'aspects.
En premier lieu, on remarque l'agencement géographique généreux et habile, toutefois un peu simplet, du tombeau,
accessible directement en surface.
J'ai trouvé l'idée assez bizarre, mais ça a le mérite de nous planter au milieu du décors sans fléchir. L'intérieur ne nous laisse pas indifférent car Terence respecte en profondeur les décorations égyptiennes, en articulant les richesses antiques, l'ensemble est plutôt bien incarné.
Mais ce n'est pas réellement ce qui a le plus retenu mon attention, car il décide durant toute une séquence, d'animer cette ancienneté, en nous replongeant dans l'histoire des objets, le pourquoi ce sarcophage, le pourquoi ce tombeau. On observe plusieurs acteurs, décorés, habillés traditionnellement, évoquer la grande cérémonie des morts. Avec humilité et humanité, celle-ci comble parfaitement la lenteur du film et incruste un degré assez harmonieux de mysticisme.
Surtout, le plus important, à mon goût, est la mise en perspective des éléments, qui peut laisser croire un passage à rallonge et inadapté. En fait, non, ça déstructure pas le scénario et ça lui attribue même une vocation. On aperçoit simplement un flash-back utile à la juste compréhension de l'intrigue. Car cela facilite la première apparition de la momie,
qui est en fait Kharis, le gardien secret de la grande prêtresse, condamné à surveiller à jamais le tombeau pour son amour et son admiration qu'il lui consacrait.
et la genèse de cette malédiction.
L'intrigue étant posée, l'évolution des caractères dans le film est légitimée par la profanation des archéologues, pourtant avertis par les conséquences que cela emporteraient, mais finalement insensibles à cause du désir, de l'ambition (révélation en hauteur d'une quête qui dure depuis des décennies, notamment liée à la sacralisation de la princesse, et de son trésor) et de la curiosité.
Grande imprégnation du personnage de Mehemet Bey, interprété par George Pastell. L'acteur lui concède des traits prenants, singuliers et même intrigants.
Ne serait-ce lorsque la caméra se braque en gros plan sur son visage, se mobilise pour souligner les menaces de celui-ci face aux archéologues, et répète tout le long du film, en forçant à chaque fois un peu davantage sur les caractéristiques physiques, les expressions, l'attitude, l'implication du regard. Cette implication met en relief la part de responsabilité et de justice à contrôler la momie et à lui attribuer un objectif: la vengeance. Il est le repère et la faille. Il est aussi le justicier, l'homme qui porte châtiment, et qui durant tout le scénario, se lie de rigueur au respect du sommeil de la reine, en lui adressant des paroles sensibles et idéalisées, avec toujours cette présence incarnée dans les mouvements, les gestes. Bref, cet acteur est beau à regarder. Même si Mehemet Bey joue un rôle fondamental dans l'évolution de l'histoire, la cristallisation de cette malédiction doit être soutenue par son gardien, Kharis. L'un donne les ordres, l'autre exécute.
L'acteur, Christopher Lee, a été passé à la moulinette pour incorporer son personnage. Les maquillages se manifestent très bien, mais proposent un côté comique pour notre époque, et même assez dérisoire si on s'arrête à l'allure quasi robotique de la menace. D'ailleurs, je me demande si c'est respirable pour l'acteur.
Chaque mouvement aboutit sur une forme de mécanisation de la momie. Il marche en mode tout robotisé, crypté surement par les indications omniprésentes du réalisateur derrière la caméra, vide de sensation et d'affection (autant l'acteur prend son rôle avec respect et panache, autant on a l'impression que chaque pas est un combat, une lutte contre lui-même).
La principale thématique, n'est pas tant l’Égypte, qui figure comme simple introduction. On nous montre avec clarté les beautés, les secrets et la dangerosité des sarcophages.
Tout cela s'entend comme prémices, première manifestation scénaristique, car la malédiction va ex nihilo se déplacer en Angleterre, en toute modestie et simplicité. Pas d'effets spéciaux, simplement la facilité du transport, par navire, donne un côté vachement inattendu au film. On pouvait penser que cette momie s'attaquerait directement sur son sol aux profanateurs, mais l'intrigue verse une toute autre couleur. Aux travers de son justicier, et de ses manigances bien approfondies (on sent le style de l'écriture, toute en fluidité dans le cours des événements), la momie n'est qu'un instrument, un objet même. Il la réveille quand le moment intervient, puis il lui demande de roupiller en attendant le prochain coup meurtrier.La manipulation du monstre exotique, qui immigre sur une terre inconnue, offre un sentiment de déraison dans l'espace, de décalage avec les quelques bâtiments anglais, le mode de vie, les quelques vagabonds anglais qui interviennent ça-et-là ;
D'ailleurs, tout fait avancer l'intrigue, on a une participation nette et générale de tous les intervenants, sommaires (à l'exemple titre de l'ivrogne utilisé comme point de liaison et de clarification intellectuel pour le dernier archéologue vivant avec l'arrivé de la momie sur le territoire et le commencement des événements) ou principaux (le fils archéologue, John Banning, offre une touche sérieuse et réfléchie un peu différente du père, trop dénaturé dans son rôle, mais qui joue toutefois très bien la naïveté et la folie).
Yvonne Furneaux, alias Isabelle Banning dans le film, s'arroge deux rôles. Elle joue l'intimité et l'épouse du jeune et dernier archéologue encore vivant, John Banning, et profile des échanges profonds et sincères, toujours dans un jeu manifestement omniprésent des regards, des yeux surtout. Les yeux parlent même davantage par moment, avec cette insistance, soignée.
Son double rôle correspond à celui de femme et prêtresse, du moins physiquement. Le réalisateur n'hésite pas à opérer la distinction par les traits de caractères. Même si la sensualité ne se démarque pas, c'est bien l'impossible attention qu'elle porte à la momie qui marque une ligne de séparation. Elle ne l'aime pas, elle ne le (re)connait pas mais lui, malgré une apparence fétide et désincorporée, se relâche au moindre contact des regards. Lui continue de vouer son amour, elle, ne ressent rien.
Cette dissemblance est assez bien menée, et à la grande valeur de ne jamais tomber dans le ridicule. Cet amour impossible, est à la fois animé, mais antinomique, et dirige le scénario inéluctablement sur:
la mort de la momie, car en manque d'affection depuis sa longue hibernation, il croit rencontrer la reine, qu'il adorait secrètement. Et seulement par une ressemblance physique, une astuce organique, simplement par l'extériorisation de la chaire, mais pas de l'âme, il est trompé. Intérieurement, Isabelle ne ressent rien, et ne fait qu'adopter une attitude conciliante pour amener la momie à se tuer, dans le marécage.
Le dénouement de l'histoire est un peu trop (re)connu dès l'instant qu'on comprend
la domination de la jeune actrice sur ce monstre, sa supériorité intellectuelle également est bien envisagée, notamment avec cette barrière des langages (la momie ne dit mot, et ne semble jamais réfléchir. Elle interprète simplement les choses par les yeux, dernier renfort après sa robustesse physique).
J'apprécie l'inversion de contrôle, la momie qui tue son justicier, son maître, en prenant pour modèle erroné la femme de l'archéologue. Fiable comme détraquement de situation et d'évaporation de la malédiction, mais facile pour un spectateur censé et un peu rancunier. La femme dominatrice de la momie, ça marche en 1959, parce que c'est l'univers classique qui ressort, le style de calibrer tout ça en un film qui dure à peine une heure trente, et qui passe très bien visuellement.
Non seulement, tous les participants sont convaincants, mais il y a ce respect, cette ambiance, ce style, ces plans déments, ces visages attirants, ces attitudes comiques ou sérieuses, et le scénario parvient à rencontrer son titre fidèlement.
Dernière édition par Thomas M. le 14 Mai 2016, 19:00, édité 3 fois.
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