Forum de FilmDeCulte

Le forum cinéma le plus méchant du net...
Nous sommes le 25 Nov 2024, 01:36

Heures au format UTC + 1 heure




Poster un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 5 messages ] 
Auteur Message
MessagePosté: 14 Aoû 2022, 17:10 
Hors ligne
Expert
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 21 Aoû 2021, 19:41
Messages: 2095
Image

Connu pour être le film le moins connu, en tout cas le moins vu de Romero, Knightriders traite des déboires d'une troupe itinérante proposant des fêtes médiévales à moto. Romero le reconnaît volontiers, le coup des motos à la place des chevaux vient en partie du producteur et compagnon de route de Roger Corman, Sam Arkoff, qui trouvait ça plus vendeur, entraînant une réécriture du script d'origine.

La troupe du film est jouée par des acteurs issus de la propre troupe de Romero à cette époque, déjà présents pour certains dans Dawn of the Dead (Ken Foree, Scott Reininger) ou plus tard dans Day of the Dead (Joe Pilato, Anthony Dileo Jr.), plus ou moins connus, plus ou moins professionnels. Premier rôle d'Ed Harris en tant que roi, Tom Savini dans celui de l'antagoniste des spectacles, petit rôle de Martin Ferrero en agent huileux, la trop rare Patricia Tallman (elle a fait du Star Trek je crois, mais surtout le remake par Savini de Night of the Living Dead) et son beau personnage de cruche attachante, drôle et bouleversante.

Bref, 2h30 de psychodrame sur fond de Renaissance fair. Et c'est magnifique.

Une des nombreuses malédictions qui frappe Romero et son travail, c'est d'être devenu par la force de la critique un cinéaste de l'allégorie, de la métaphore voire de la satire, dont les films "critiquent la société" de masse et de consommation. Ses zombies, n'est-ce pas, sont avant tout notre reflet déformé de consommateurs décérébrés, attirés par l'hypermarché comme des papillons de nuit vers la lumière. Trop rarement leur laisse t-on être avant tout les monstres parmi les plus effroyables du cinéma (Day of the Dead, horrifiant) non pas du fait de leur portée sociale, mais par ce qu'ils disent de notre rapport à la mort, aux cadavres et à la peur primale d'être dévorés vivants.

Et en furetant sur internet, Knightriders souffre un peu du même biais critique. A force de vouloir voir de la rebellion irrévérencieuse partout chez Romero, plutôt que là où elle se trouve bel et bien et à quel degré, ce film là se voit lui aussi érigé en plaidoyer anarchiste et contre-culturel sur la force des idéaux face aux vices de la société de consommation et de la compromission commerciale (ce qui permet du coup de faire le lien meta avec le côté guerilla fauchée du cinéaste). Si ces éléments sont bien présents, ils ne résument pas la démarche à eux seuls.

Le monstre cette fois, c'est Billy, le personnage joué par Ed Harris : qualifié plusieurs fois de "crazy" par ses proches, c'est en effet un absolutiste, consumé par un refus du moindre compromis, même ceux qui permettraient de garantir plus de sécurité au moins financière à ses compagnons. Billy est rongé par son obsession pour un "code", très diffus et jamais réellement défini dans son discours pourtant radical (il hurle dès la 10ème minute... mais ne parviendra jamais à vraiment parler de lui), qui se résume dans les faits à vouloir maintenir le contrôle sur tout ce qui l'entoure pour en garantir la pureté idéale. Superbe étude de cas sur l'effondrement psychique d'un marginal hystérique, devenu délirant, happé par son propre engrenage de comportements à risques de plus en plus radicaux, et de l'emprise qu'il exerce sur les gens volontaires et de bonne foi, bien que paumés, qui ont tout plaqué pour le suivre et se voient mal retourner à une vie normale malgré les souffrances et l'inquiétude qu'il leur inflige. C'est un des plus beaux rôles d'un acteur qui n'a quasiment que ça à son actif, largement du niveau de ses performances dans Abyss et The Rock.

Bien sûr la marginalité comme résistance à un cadre trop restrictif, corrompu ou perçu comme tel, est un thème qui a toute sa place dans le contenu de ce film riche et plein à craquer, un des éléments perturbateurs étant la tentation d'accéder à la cour des grands via l'offre d'un agent. Mais tout ça n'y est pas traité à la manière d'un manifeste anticonformiste, mais comme un déroulé somme toute logique, ou en tout cas vraisemblable et très fin, avec l'inévitable scission au sein du groupe, la confrontation aux travers de la normalisation commerciale (publicité, sponsors, contracualisation etc.) et ses effets corrosifs sur l'amitié et la confiance et une forme d'honneur, même si inspirés par une personne profondément instable.

L'idée de l'héroïsme ne fait pas le héros, et c'est montré ici avec beaucoup d'humanité. On pourrait d'ailleurs imaginer une pesanteur au niveau des références arthuriennes mais il n'en est rien. Seule est faite une référence à T. H. White (d'ailleurs par un personnage homosexuel, allez savoir ce que ça dit des interrogations autour de la vie privée de l'auteur), principal "réécriveur" de ces légendes au 20ème siècle.

Le style d'ensemble est très proche de Dawn of the Dead, avec ce montage sec, parfois même brutal, mais très fluide dans son dynanisme. C'est à ce propos le début d'une collaboration entre Romero et Pasquale Buba qui durera une partie de la décennie (l'apothéose en la matière étant, encore une fois, Day of the Dead). Buba qui d'ailleurs se retrouvera dans l'équipe au montage de Heat. La sensibilité de documentariste de Romero explose dans sa manière de faire vivre le public des spectacles, mais aussi les spectacles eux-même, riches en tension et cascades : Knightriders est aussi un excellent film de moto, qui épouse au plus près la sensation de risque inhérente à ce véhicule. Il n'a pas à rougir devant Mad Max. De manière générale, Romero sait filmer les gens, de près comme de loin. Beaucoup de très beaux regards, fuyants ou insistants, de sourires ténus, sincères ou illuminés qui en disent long et viennent sublimer l'écriture déjà très touchante. On voit des noirs en armure, un couple de lesbiennes et un autre d'homosexuels, c'est donc très inclusif.

Très beau film, un des meilleurs de son réalisateur.

_________________
Looks like meat's back on the menu, boys!


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 14 Aoû 2022, 19:11 
Hors ligne
Expert
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 13 Juin 2013, 15:21
Messages: 2563
Localisation: Le Zócalo
Müller a écrit:
la trop rare Patricia Tallman (elle a fait du Star Trek je crois


Babylon 5 surtout (dans le rôle d'une télépathe lesbienne).


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 14 Aoû 2022, 19:23 
Hors ligne
Expert
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 23 Juil 2011, 12:46
Messages: 14469
Müller a écrit:
Très beau film, un des meilleurs de son réalisateur.
Mouais, vu il y a plus de 20 ans, j'en garde peu de souvenirs donc je vais te faire une réponse de 2 lignes, hormis que c'était long et chiant. Et de toute façon, le chef d'oeuvre de Romero c'est Martin :P


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 14 Aoû 2022, 20:06 
Hors ligne
Vaut mieux l'avoir en journal
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 04 Juil 2005, 15:21
Messages: 22930
Localisation: Paris
Un peu déçu en le découvrant il y a quelques semaines. Mais je garde le souvenir de certaines images et scènes magnifiques (notamment celles autour d’un feu de camp, il me semble).

_________________
Que lire cet hiver ?
Bien sûr, nous eûmes des orages, 168 pages, 14.00€ (Commander)
La Vie brève de Jan Palach, 192 pages, 16.50€ (Commander)


Haut
 Profil  
 
MessagePosté: 14 Aoû 2022, 20:07 
Hors ligne
Vaut mieux l'avoir en journal
Avatar de l’utilisateur

Inscription: 04 Juil 2005, 15:21
Messages: 22930
Localisation: Paris
A noter un rôle pour Christine Forrest, que l’on retrouvera dans Incident de parcours, et qui était surtout l’épouse de Romero.

_________________
Que lire cet hiver ?
Bien sûr, nous eûmes des orages, 168 pages, 14.00€ (Commander)
La Vie brève de Jan Palach, 192 pages, 16.50€ (Commander)


Haut
 Profil  
 
Afficher les messages postés depuis:  Trier par  
Poster un nouveau sujet Répondre au sujet  [ 5 messages ] 

Heures au format UTC + 1 heure


Articles en relation
 Sujets   Auteur   Réponses   Vus   Dernier message 
Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Zombie (George A. Romero - 1978)

Tom

11

1581

15 Déc 2011, 18:00

Fire walk with me Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Creepshow (George A. Romero - 1982)

Blissfully

4

1782

06 Nov 2006, 11:38

Le Cow-boy Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Day of the Dead (George A. Romero, 1985)

Müller

4

701

19 Déc 2021, 15:30

Müller Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Martin (George A. Romero - 1977)

Cosmo

13

2221

25 Juil 2017, 09:44

Mr Chow Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Diary of the Dead (George A. Romero, 2008)

[ Aller à la pageAller à la page: 1 ... 7, 8, 9 ]

Jericho Cane

134

12867

19 Déc 2021, 11:41

Müller Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. The Amusement Park (George A. Romero, 1973)

Abyssin

0

753

01 Sep 2021, 21:16

Abyssin Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Season of the witch (George A. Romero - 1972)

Zad

13

1861

22 Avr 2018, 08:05

flatclem Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. La Nuit des morts-vivants (George A. Romero - 1968)

[ Aller à la pageAller à la page: 1, 2 ]

Tom

19

2207

21 Nov 2023, 19:45

Müller Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Mad Max 2 (George Miller, 1981)

Film Freak

8

2580

09 Fév 2014, 00:19

Billy Budd Voir le dernier message

Aucun nouveau message non-lu dans ce sujet. Meurtres à la St-Valentin (George Mihalka, 1981)

Zad

0

1396

27 Avr 2009, 21:41

Zad Voir le dernier message

 


Qui est en ligne

Utilisateurs parcourant ce forum: Bing [Bot] et 13 invités


Vous ne pouvez pas poster de nouveaux sujets
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets
Vous ne pouvez pas éditer vos messages
Vous ne pouvez pas supprimer vos messages

Rechercher:
Aller à:  
Powered by phpBB® Forum Software © phpBB Group
Traduction par: phpBB-fr.com
phpBB SEO
Hébergement mutualisé : Avenue Du Web