Bon. Et bien le voilà enfin ce fameux Red Tails que George Lucas nous promet depuis 25 ans, essuyant refus après refus financement des studios. D'après lui, personne ne voulait produire un film grand budget avec un casting d'acteurs de race noir. Mouais, pas sûr que ce soit l'unique raison après avoir vu le film. Le scénario aurait gagné a être un peu plus engageant. Mais bon, Lucas y croyait c'est certains, car il a dû débourser de sa poche l'entièreté du budget (soit 58 millions, et 38 millions en marketing), pour que le film voit le jour.
Alors qu'est-ce que ça donne? Un pur produit Lucas. On y retrouve son obsession pour les années pré-60, les grondements de moteur et les carrosseries (cette fois-ci aériennes). Comme pour ses autres productions, Red Tails essaie de reproduire le style désuet et naïf du cinéma qu'on retrouvait à l'époque ou le film se déroule (dans ce cas-ci les années 40 bien sûr). Et comme a l'accoutumée la réalisation s'avère totalement impersonnelle, dédié à l'efficacité plutôt qu'à la créativité. Ce qui n'est pas une mauvaise chose lorsqu'on rend hommage à une période ou les films américains n'étaient pas très expressifs et personnels. Mais ça n'excuse pas le manque d'idée de la production. C'est franchement décevant que Lucas ait pu mettre 20 ans a produire un film aussi routinier. La structure du film juxtapose d'une manière répétitive les scènes de combats aériens aux scènes sur le plancher des vaches. Le problème c'est que des combats aériens, ça finit toujours par se ressembler en s'accumulant. Et les scènes se tenant au sol n'ont pas la richesse dramatique suffisante pour créer une montée très puissante vers les scènes de combats.
Je dirais que l'ensemble est de bonne tenue. Anthony Hemingway a du métier en tant que réalisateur de télévision, et ça se sent. La direction d'acteur est impeccable, le film est efficace de bout en bout. Mais il manque un peu de passion dans la façon de filmer (ce que Ron Howard et Steven Spielberg arrivaient a apporter sur leurs films estampillés Lucasfilm). Ici on a affaire à une production au niveau de la série Young Indiana Jones. Un épisode télé de luxe auquel on aurait poussé la technique à la perfection.
Malgré tout, il y a quelque chose de vraiment émouvant dans ce film qui m'a laissé une forte impression. C'est cette façon de créer des mythes chez Lucas que je trouve fascinante. Son amour des années 30, 40, 50 l'aide probablement à comprendre la mythologie américaine plus que quiconque. Mais il y a quelque chose dans ce personnage de Lightning (le super pilote casse-cou) qui m'a énormément touché, et qui participe à ce qu'on aime vraiment dans le cinéma de George Lucas, cette représentation de la jeunesse "James Deanienne". Lightning, c'est le Luke Skywalker qui regarde le ciel de Tatouine et rêve d'aller au combat. C'est aussi le Han Solo, le Anakin Skywalker trop imbu de sa personne pour garder le droit chemin, risquant sans cesse l'obscurité.
Il y a quand même de bien bonnes choses dans ce Red Tails. Tout d'abord cette pléiade d'acteurs noirs hyper talentueux (qui sont pour la plupart des découvertes). Toutes les scènes de camaraderie entre pilotes sur la base fonctionnent à merveille. Et la présence d'un réalisateur noir sur le tournage y est sûrement pour quelque chose dans l'esprit de gang qui se dégage du film. Aussi, les scènes de combats aériens sont probablement les plus impressionnantes qui m'ait été donné de voir jusqu'à maintenant. Encore là, on sent l'auteur de Star Wars derrière la caméra. On sent que le film a bénéficié des années de recherche de Lucas pour rendre les batailles spatiales crédibles dans Star Wars (il aurait beaucoup étudié les vidéos d'archives des combats de P-51 durant la 2e guerre mondiale).
Il ne faut pas aller voir Red Tails en s'attendant à un film très nourrissant sur le plan historique et éthique. Lucas s'est contenté de faire un film d'action, point barre. Un action movie dont la seule prétention est d'intéresser les américains au sort de pilotes noirs dans les années 40. Ce qui est déjà un exploit. Mais il est certains que l'on peut ressentir une déception face à ce que le film aurait pu être si Lucas avait essayé un tout petit peu d'aller au-delà des clichés, s'il avait essayé un peu plus de profondeur. En l'état, Red Tails reste un admirable film d'action, mais imparfait et plutôt faible dans sa dramaturgie.
En tout cas une chose est sûre, Lucas a réalisé la moitié de son rêve. Et après nous avoir cassé les oreilles depuis 20 ans avec son désir de réaliser des films historiques et des petites oeuvres expérimentales, est-on à l'aube de découvrir maintenant le côté expérimentale de Lucas?
En tout cas, il paraîtrait qu'il a décidé de prendre sa retraite des Blockbusters après Red Tails. Il semble totalement écoeuré de prendre des coups. Tout est dans cet article.
http://www.nytimes.com/2012/01/22/magaz ... .html?_r=2Sinon je note Red Tails:
3/6