Adolescent de 14 ans, Tolly Devlin vit de petits larcins dans les ruelles sombres des coins les plus reculés de New-York. Un soir de nouvel an, il voit son père se faire tabasser à mort par quatre hommes. Devenu adulte, en prison, il retrouve l'un des assassins et lui fait avouer le nom de ses complices, devenus des responsables de l'une des principales organisations criminelles de la ville. Une fois sorti de prison, il va partir à la recherche de ces hommes pour accomplir sa vengeance.Enfin un Fuller qui emporte totalement mon adhésion, voir plus. Comme beaucoup, j’avais adoré
White Dog qui était mon premier Fuller, vu ado, j’avais ensuite continué sur
Shock corridor, que j’avais bien aimé globalement mais qui m’avait laissé un peu froid, et continué sur
La maison de bambou, oeuvre de commande impersonnelle mais bien foutue. Mais là rien ne me préparait pas à ce choc qu’est
Underworld USA. Titre original préférable au titre français. c’est tout simplement un des plus beaux films noirs hollywoodiens que j’ai pu voir, alors que paradoxalement le genre était déjà abandonné à Hollywood en 1961.
Tout d’abord, il y a ces 15 premières minutes, entrée en matière parfaite, véritable knock-out pour le spectateur. On va voir notre héros à 14 ans se faire tabasser par un gamin, voir son père se faire buter dans une ruelle sombre par des malfrats, passer de la maison de correction à la prison. En 15 minutes, tous les enjeux sont posés que ce soit en termes formels ou narratifs. Et puis les fulgurances stylistiques, la violence et la brutalité du film sont déjà présentes. L’intrigue est une histoire de vengeance assez basique dont on comprend vite les entournures mais tout ce qui se déploie autour est remarquable. Il y a d’abord un humour qui se matérialise par un sens constant du décalage qui est assez jouissif. Il faut voir après avoir éliminé un homme gênant, observant sa bagnole en feu, le chef de la mafia demander à son acolyte du feu pour son cigare. Le dialogue sur la piscine avec les enfants des quartiers défavorisés, Gus le tueur qui met ses lunettes de soleil avant de passer à l’acte...plein de petits détails croustillants un peu moqueurs qui sont un pur régal.
Underworld USA est un film marquant dans la manière dont il a représenté la pègre au cinéma et ce n’est d’ailleurs pas un hasard de voir Scorsese commenter le film dans les bonus du DVD. Fuller a clairement inspiré
Le parrain et
Les affranchis dans la manière dont il représente le système mafieux, le sous-monde criminel qui opère, des buildings avec les patrons cigares dans le bec aux petites mains dans les caniveaux. Le titre original est à ce titre très bien choisi et le film décrit avec excellence ce système pyramidal du crime qui s’est inséré dans les différentes strates de la société. Sur ce point, Fuller est un pessimiste, ce qu’il ne veut pas dire qu’il n’a pas d’espoir. Le portrait est d’une grande noirceur mais avec l’histoire de Tolly Devlin, il montre que la lutte contre cet ennemi rampant est possible,
Et puis là où c’est de la pure régalade, c’est au niveau de la mise en scène et du montage qui sont assez extraordinaires. Pas de virtuosité à vide comme ce fabuleux plan sur la photo de promotion du commissaire, qui après son suicide, illustre la corruption des flics. C’est souvent brutal et incisif et il y a deux scènes qui restent dans les annales et qui sont tout simplement merveilleuses. La mort de la fillette à vélo qui, par la seule puissance du montage, instaure une tension rare et la mort de Gela. Sur ce second, ça commence par une scène de révélation, suivi d’un tabassage en règle et d’une exécution dont la composition du plan autour de la porte est fabuleuse.
Bref un de mes films noirs favoris. On sent que derrière la série B et son petit budget, Fuller n’hésite pas à expérimenter, à se lâcher complètement et à être constamment inventif. On en prend plein la vue et c’est tout simplement un des films mafieux les plus importants.
5-6/6