autrement dit :
http://www.filmdeculte.com/cinema/actua ... -7944.html
Quatre mois dans les locaux de Pascal Bataille, Laurent Fontaine et leur équipe, les producteurs animateurs de l'émission phare Y'a que la vérité qui compte, où des "anonymes", chaque semaine sur TF1 devant 4 millions de téléspectateurs, viennent tenter de résoudre un problème lié à leur vie privée. Chronique de la fabrication d'une émission où l'on voit les impératifs d'audience se marier à la réalité d'anonymes volontaires en détresse ou bien juste curieux de passer à l'antenne. Voyage à l'intérieur du "temps de cerveau disponible".
C'EST DUR DE PRENDRE LES GENS POUR DES CONS
C'est un drame français que les meilleurs reportages ne trouvent régulièrement leur place à la télévision et en viennent à s'exporter en salles - où ils n'ont à dire vrai pas grand chose à faire. On peut s'en lamenter, dresser l'analyse structurelle de la situation, ou tout simplement prendre le parti de n'en rien dire. De 20 minutes de bonheur l'on sait ce qui sera d'abord, le plus souvent, pointé : la genèse chaotique, la censure qui menaça l'existence même du film, tourné depuis trois ans mais bloqué par l'un des meilleurs duo de méchants modernes, à savoir Laurent Bataille et Pascal Fontaine, méphistophéliques animateurs de l'édifiant et fort contemporain Y'a que la vérité qui compte. Le spectacle est ainsi déjà hors le film, hors la salle, et la compilation d'extraits à charge largement diffusée sur le net (cf. ci-dessus, pourquoi s'en priver?) en venait même à donner au reportage, avant même sa diffusion, une audience inespérée. Mais le film, alors? Pas vu pas pris, le retour ? Pétard mouillé? Pavé dans la mare?
Tout à la fois : 20 minutes de bonheur remplit son contrat de sous-Pierre Carles période critique des médias, sans génie particulier mais se laissant porter par l'efficacité tout télévisuelle, disons à la Strip-Tease, de son montage (qui de temps en temps fait mouche, sur l'humour de répétition par exemple), pour décocher régulièrement quelques flèches bien senties. La bonne surprise du film tient dans ce qu'il ne s'acharne pas : l'entreprise Y'a que la vérité qui compte est d'abord une entreprise comme les autres, avec ses stagiaires ravis de pouvoir choisir leur restaurant le midi, ses gueulantes paternalistes, son administratif laborieux, son vocabulaire, ses médiocrités, ses inimitiés. Ce versant du film, où Bataille et Fontaine n'apparaissent pas comme les deux beaufs qu'il est confortable et rassurant de se dépeindre, mais font bien au contraire montre de culture et d'intelligence, est certainement le plus pertinent dans sa portée critique : fabriquer de l'image est un travail comme les autres, normatif et lucratif, froid et cynique.
Aussi pourra-t-on regretter que Nataf et Friedman ratent leur objectif le plus fort, ici simplement ébauché, à savoir le démontage patient et précis de la mise en scène de cette télévision-là. Mais le film se fait sur ce terrain rattraper par sa banalité formelle : 20 minutes de bonheur n'a tout simplement pas les épaules pour cette charge, n'ayant pas lui-même de contre-proposition esthétique radicale à formuler. D'où cet embarras double qu'il atteigne les salles de cinéma, et qu'il flatte finalement les réflexes pavloviens d'une critique des médias édifiante et plus que nécessaire, mais quelque part infertile, donc vaine. A moins que cet échec-là soit une critique supplémentaire, comme embarquée en contrebande, témoin pessimiste de l'incapacité de l'audiovisuel français à quitter ses sentiers balisés. Il est vrai que l'optimisme n'est pas de rigueur.
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Il est à noter que la copie visionnée pour cet article était une copie de travail, pas encore mixée ni étalonnée.