Tom a écrit:
Ça ne t'aideras pas sur les raisons profondes, mais il y a un truc qui me semble frappant, dans les années 90 à Hollywood, c'est un regain naturaliste. Ce qui se retrouvait jusque dans l'image (au contraire des villes clinquantes dont tu parles aujourd'hui vont aussi avec une lumière froide, clinique, contrastée, lisse ; de manière générale, une esthétique liée à l'image numérique, ou pouvant accueillir des effets numériques). Les villes de Nolan semblent à première vues plus réalistes, car le cadre refuse le fantastique de manière ostentatoire, mais elles ne le sont pas : ce sont des fantasme de béton et de verre, fascinantes, idéalisées.
Je crois que tu as là quelque chose. Il est vrai qu'avec Nolan, le soucis d'hyper-réalisme est en paradoxe avec la vision quasi onirique de la ville (tel que vu dans Dark Knight et Inception. Tout y est plus gros, quasi publicitaire. Les villes sont des cathédrales). Mais je me demande aussi si ce n'est pas la perfection des techniques de tournage qui a rendu l'imagerie urbaine presque trop belle. Car même dans Minority Report, le sale est presque beau, esthétique. On est souvent obligé de salir l'image maintenant, la délaver, la rendre plus froide. Et ça donne souvent une intention esthétique qui gâche un peu l'authenticité.
Pour ce qui est des années 90, le côté naturaliste que tu décris était peut-être redevable également des techniques de l'époque. En 89, la nouvelle pellicule qu'utilisait Universal permettait des couleurs plus vives, une plus grande sensibilité. Voyant le potentiel, j'imagine que les petites productions en ont profité pour balancer les éclairages quand ils pouvaient s'en passer (c'est peut-être pourquoi les scènes de jour ont toujours l'air super réaliste et authentiques. Les grosses canicules urbaines étaient hyper bien filmés dans ces films je trouve. J'ai en tête les Chucky, ou Predator 2). Et je crois que c'est cette sensibilité, cette précision de la pellicule qui donnait un grain assez particulier aux films de cette période. Le grain était plus doux que dans les 80, mais pas moins apparent, souvent presque sale.
Tom a écrit:
C'était également, me semble-t-il, une décennie hollywoodienne plus cynique et désenchantée. Les films de superhéros actuels cultivent leur côté "noir/dark", et en ont largement fait leur pub, mais c'est toujours pour en faire jaillir un espoir ou une utopie, une réaffirmation des valeurs morales, et surtout (ça me semble le plus important), avec une énorme foi dans le récit. Ça tient au genre, sans doute, mais j'ai l'impression (peut-être fausse) d'une omniprésence d'amertume, d'ironie, ou de distance dans la décennie précédente.
Après, pour relier tout ça aux années Reagan ou au 11 septembre, c'est une autre histoire...
C'est clair qu'il y avait une quasi absence de valeurs dans ces films. Pas de message, ou si peu. En tout cas, c'était pas développé des masses. C'était une sale époque de désabusement quand on regarde de plus près. Mais il y avait des films comme Bonfire of the Vanities de DePalma qui essayaient d'observer plus profondément cette division entre la jungle urbaine et cet autre monde plus lisse.
Après, comme tu dis, trouver pourquoi le cinéma était ainsi à l'époque est une autre paire de manche. La pauvreté était peut-être plus élevée dans les villes. Je me souviens du Robocop 3 ou les quartiers pauvres étaient détruits au bulldozer.
Il y avait aussi le Life Stinks de Mel Brooks.
http://www.youtube.com/watch?v=X6UcRPyVSfM