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Inscription: 13 Mai 2010, 11:50 Messages: 11667
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Allez, pour animer un peu et rebondir sur ce que pourrait être une critique de jeu vidéo un peu différente des habituels tests, deux exemples de textes critiques pour Bayonetta. Les test de sites habituels sont ici : Jeuxvideo.com : http://www.jeuxvideo.com/articles/0001/ ... a-test.htmGameblog : http://www.gameblog.fr/test_501_bayonetta-xbox-360Gamekult : http://www.gamekult.com/jeux/test-bayon ... 5362t.htmlUne idée de la gueule du jeu, si ça peut aider (c'est un beat them all) : http://www.youtube.com/watch?v=vsAJ0EaTi4EMalgré leurs différences, ces sites ont des points communs : approcher les jeux avant tout comme la somme de leurs parties (jouabilité, graphismes, scénar...), noter via un barème, avoir le rôle d'un guide d'achat, et donc courir après l'idée d'une certaine objectivité. Dans le lot, Gamekult me semble le plus solide, mais ça divergera selon les avis (et on pourrait en mettre bien d'autres). A l'autre bout du spectre, deux exemples de critiques qui essaient de se rapprocher de ce qu'est la critique cinéma un peu plus théorique. ----------------------------------------------------------------------- OverjeuAncien blog (Overgame) dominé par un certain "françois bliss de la boissière" (même si en l’occurrence ici le texte est pas de lui), et qui gardait un certain trait d'union entre une approche concrète (replacer le jeu dans son contexte, analyser ses différents aspects) avec une interprétation plus subjective. Ici, la question de la féminité dans le jeu. « Tout est dit dès l'écran-titre en fait, le plus savoureux qu'on ait vu depuis très longtemps. Invoquant le souvenir brumeux des salles d'arcade, lorsque chaque borne s'annonçait au chaland après une courte vidéo démo ("Street Fighter… Two !"), Bayonetta se présente en énonçant son nom – mais pas n'importe comment. A la fois susurré et scandé, couché sur une onde de choc basse fréquence comme sur une coulée de lave, la courte séquence en rouge et noir évoque la tension moite d'un après-midi d'été, sensualité torride et orage imminent.
Déjà disponible depuis octobre au Japon, le dernier beat'em all du japonais Hideki Kamiya, plus connu comme le créateur du super-stylé Devil May Cry, a déjà beaucoup fait parler de lui – et tout est vrai. Le système de combat, d'une fluidité exemplaire, marie pieds et poings, corps à corps et flingues, avec la même élégance, l'un pouvant interrompre l'autre à tout moment selon les besoins et/ou l'envie. Celui-ci offre également des degrés multiples de jeu, satisfaisant les désirs immédiats de puissance (les coups spéciaux "torture", dont l'outrance est soulignée par des appuis rageurs et répétés sur un même et unique bouton) tout en réservant à ceux qui le voudront bien le relever un vrai challenge basé sur l'observation et les réflexes, tout en gracieuses esquives et en coups portés au bon moment, avec une pointe de retenue.
Mais si le titre parvient à offrir une expérience aussi singulière dans un domaine à priori archi-codifié (le classique beat'em all 3D), c'est avant tout grâce à sa pulpeuse héroïne. PlatinumGames n'est pas le premier studio à opter pour un tel premier rôle au sein d'une industrie plutôt réputée pour reléguer la femme tantôt au rang de fétiche, tantôt au rang de produit d'appel. Des exemples tels que Lara Croft, représentant le plus visible, évoluent ainsi à la limite de la masculinité, simples cautions sexy dans des univers d'homme, vivant des aventures d'homme. Les exceptions existent (Alyx Vance dans Half-Life 2, Jade dans Beyond Good & Evil, pour ne citer que les plus connues) mais elles jouent généralement sur un registre neutre – presque asexué – de gentille copine, comme conscientes de ne pas vouloir brusquer un public hardcore encore beaucoup décrit comme adolescent et masculin.
Tout le contraire de Bayonetta la sorcière qui, elle, assume et revendique à 100% sa féminité et sa sexualité. Sucette à la bouche, lunettes office girl sur le nez, elle aussi est objet de fantasme. Mais à la différence de Lara, c'est elle, ici, qui semble entièrement contrôler sa destinée et son image – le combat final contre un symbolique "Créateur" suggère qu'elle échapperait même au contrôle de Kamiya. Les rares hommes de son univers s'agitent autour d'elle comme des jouets, tantôt impotents et maladroits, tantôt Casanovas de pacotille incapables de la séduire. De fétiche sexy, elle devient symbole de puissance et intouchable déesse, voire idole castratrice (cette séquence où une rangée de pierres tombales dégringolant comme des dominos menace l'entre-jambes d'un des personnages masculins).
Si l'on retrouve dans le jeu l'euphorie et la précision des meilleurs beat'em all, les sensations et l'expérience, en revanche, sont différentes, délaissant les blockbusters machos habituels pour un univers aux touches plus féminines, voire féministes. Jamais, en effet, l'on aura usé de baisers pour faire sauter des verrous magiques. Ou bien vu une paire de lèvres pulpeuses marquer ses cibles. Ou transformé sa longue et soyeuse chevelure en dragon pour achever un boss. Qu'on ne s'y trompe donc pas : il y a une logique créative à la présence, sur le blog de PlatinumGames, d'une discussion autour des proportions des fesses et seins de l'héroïne, comme d'autres s'attarderaient sur les détails de la modélisation d'un M-16 ou d'un AK-47. Le corps, ici, est la véritable arme. »----------------------------------------------------------------------- ChronicartReprenant le flambeau du hors-série unique des Cahiers du Jeu Vidéo, des critiques sous formes d'interprétations (parfois très lyriques et abstraites), qui essaient de chopper ce qui fait l'essence du jeu, en se passant de se pencher sur ce qu'il peut avoir de défauts objectifs (un souci d'ergonomie, des bugs, etc). Ici, en le voyant comme un jeu conçu avec le genre entier dans le rétroviseur. « Ce n'est sans doute pas un hasard si Bayonetta commence son histoire par une violation de sépulture et la conclut par un enterrement. Après une quinzaine d'heures menées tambour battant (un rythme qui surpasse celui d'Uncharted 2, c'est dire), physiquement épuisantes, ludiquement éblouissantes, difficile de discerner si l'on vient d'assister à la renaissance d'un genre ou à ses funérailles en grandes pompes.
Une seule certitude, celle d'avoir approché une œuvre somme qui déplie son ADN hystérique autour d'une ambition démesurée : la réappropriation intégrale par son procréateur, Hideki Kamiya, de l'héritage beat post Devil may cry, tant japonais (DMC justement mais aussi Ninja gaiden) qu'occidental (God of war et ses clones) et sa saturation vers un crépusculaire no future. Son système de jeu accessible et profond synthétise l'art du combo en substituant l'usage irritant du "par cœur" par celui de l'"à propos". En son coeur, une marque de fabrique que l'équipe des ex-Clover n'ont cessé, de Viewtiful joe à Okami, de perfectionner et de recontextualiser : le ralenti.
Ici, en récompense d'une simple esquive bien placée, il offre un postulat démocratique aux novices comme aux habitués du genre pour la construction du beau geste laissée à la discrétion du joueur, à sa persévérance, à curiosité, à son envie de piocher dans un bac à lego hypnotique d'enchaînements (intelligemment réaffiché et testable in situ à chaque écran de chargement). Mais cette débauche gestuelle construite autour d'un gameplay aussi généreux que welcoming, faisant honneur à la grande tradition du gamedesign japonais, eut été bien vaine sans un vaisseau de chair, ici une héroïne, à la hauteur de sa prodigalité. Que la puissance d'évocation proprement sexuelle des chorégraphies de cette créature, sans doute la plus innocemment perverse jamais mise en mouvement, participent sans jamais trahir à son ambition ludo spectaculaire totale (« Non stop climax action », comme le définit Kamiya) constitue un exploit pop culturel majeur. Du beat'em-all, Bayonetta constitue le Kama-sutra autodidactique.
Il faudrait encore parler d'ébouriffantes séquences en véhicules, du modus operandi de ses inoubliables boss (se permettant des retours qui obligent à un changement total de stratégie, diversité toujours !), d'une variété d'ennemis, de situations, d'upgrades, d'incitations à y revenir tutoyant la profondeur des meilleurs RPG. Mentionner les multiples clins d’œil tendres à Sega, à Clover et au patrimoine ludique japonais. Il s'agît là d'un jeu conscient de son héritage, de la valeur de son rang, presque patriotique dans le constat lucide des hautes luttes pour reconquérir un territoire, une industrie à de nombreux égards aux mains des gaijins. Au final, Bayonetta a de quoi faire peur tant Kamiya et son équipe pratiquent ici et à hauteur d'un genre tout entier une véritable politique de la terre brûlée. Un autre beat est-il possible après lui ? La réponse, plus qu'incertaine, semble condamnée à se dessiner dans le tirage des cartes et les séances de voyance pure. Pour l'heure, la sorcière de Platinum Games savoure son éclatante victoire en dansant nue autour de son grand brasier. Un feu de joie. Un feu sacré. »----------------------------------------------------------------------- Donc voilà, sans vouloir jouer à l'animateur de colonie de vacances, la question c'est : est-ce que selon vous c'est encore pertinent, d'avantage pertinent, ou est-ce qu'on a viré à la branlette ? Est-ce que c'est un modèle acceptable pour une évolution de la critique JV ? Après bien sûr, entre des sites genre gamekult et des sites genre chronicart, y a tout un spectre varié (qui passe notamment par les blogs...). Ozy parlait de gameblog comme des critiques plus poussées (et effectivement, dans leur critique on retrouve par exemple des idées approchées dans celle de chronicart, de manière quasi inconsciente : "premiers combats comme des partouzes mal chorégraphiées", "paradis du beat them all"), mais en les lisant je me sens quand même à l'étroit. J'aime lire tous ces sites (gamekult et co.), j'aime connaître leur avis, mais je trouve pas ça suffisant.
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