J'ai fait un rétro presque complète de ce réalisateur sans doute mésestimé, et je le dis en premier pour moi, car, comme le mentionne Tom plus haut, je n'ai pas l'impression que son nom revienne souvent, alors qu'il a quelque films assez marquants et ancrés dans l'imaginaire collectif. Et puis Castrop avait commencé une rétro et nous a laissé en plan.
Les Voitures qui ont mangé Paris (1974)
Vaguement chiant... Ca manque de force dans le ce que ça raconte, mais on y trouve déjà ce propos de l'individu face à la société, en l’occurrence une micro société repliée sur elle-même qui ment à cet étranger, ce dernier n'ayant pour choix que de subir ou de fuir.
2-3/6
Pique-nique à Hanging Rock (1975)
Coup de maitre. La voix off initiale parle de
dream within a dream, et l'intention est claire, on va explorer notre inconscient. Le film sait se faire tout en évocations et suggestions, pour aborder la découverte de soi, de la sexualité et du rapport à l'autre, en allant jusque dans leurs aspects mortifères. C'est très riche, je le reverrai avec plaisir.
5-6/6
La Dernière Vague (1977)
Là encore, le rêve est convoqué, pour traiter du subconscient de la nation australienne et son rapport avec son peuple premier, les Aborigènes. Et bim, thématique Weirienne, deux mondes qui se rencontrent, ou plutôt un Européen qui rencontre et découvre le monde aborigène, avec ses rites et ses codes, ses mythes et ses lois. Certes, ce thème (un étranger projeté dans un univers régi par d'autres codes) est un outil de fiction des plus répandus, mais le sujet reviendra dans l’œuvre de Weir, qui le traitera sous différent angles, avec en point de mire la place de l'individu parmi ses semblables qui forme un ensemble (ou un sous-ensemble) dont les codes nous dirigent, avec une vision humaniste tout en nuance. Ici, le personnage principal dira "
I lost the world I thought I had", signe de son décrochage complet à la suite de la rencontre avec une tribu aborigène, qui lui apportera un certain nombre de réponses, au prix d'un éloignement avec les siens, sa famille. Le film part un peu trop dans son versant mystique mais la fin fonctionne bien comme métaphore.
Je trouve aussi le film intelligent dans sa manière d'être finalement politique, car Peter Weir n'est pas un cinéaste qui assène son propos, il aime au contraire prendre son temps et dériver dans son propos pour mieux en définir les contours.
5/6
Le Plombier (TV) (1979)
Pas vu
Gallipoli (1982)
J'avais vu le film mentionné dans un article sur les Dardanelles il y quelques mois, sans tilter que c'était de Weir, et au vu des extraits vus ici ou là je m'attendais à un truc vaguement chiant, et si le film s'inscrit dans un certain classicisme il adopte aussi une vraie originalité.
Plus haut, il me semble que quelqu'un dit que les 109 premières minutes du film sont là pour que la dernière existe. Bon ça s'applique sans doute à tous les films en fait, mais là c'est particulièrement vrai, on imagine parfaitement l'idée se construire sur l'idée de cette fin, et en même temps, ces 109 premières minutes existent aussi pour elles mêmes.
J'aime comment Weir fait un film de guerre en repoussant l'arrivée de celle-ci le plus possible. En prenant le temps de nous faire découvrir les 2 personnages principaux et début de leur amitié, avec originalité. Tout le début, avec les concours d'athlétisme, puis à un moment donné, le film c'est
Gerry. Bon ça dure 7 minutes mais ca part dans une abstraction formelle qui illustre à merveille l'amitié naissante des 2 protagonistes au milieu du désert australien.
Tout n'est finalement qu'amusement dans ce monde, rien n'est très grave, même se perdre dans le désert. Lors du camp d’entrainement, les australiens font un match entre provinces, signe que la guerre n'est pas encore là, puis les entrainements ne consistent qu'à jouer à la guerre, où l'on fait semblant d'être blessés ou mort, et où l'on peut graver son nom à côté de celui de la Grande Armée comme si la guerre était finie avant la première bataille.
Il y a aussi cette capacité à montrer la petite histoire dans la grande, dans ce plan avec les tentes au pied des pyramides, ou encore la réflexion du personnage de Mel Gibson, au camp d’entrainement en Égypte, quand il répond à un camarade sur la grandeur de la construction des Pyramides ("un paquet de types devaient avoir le dos en vrac").
Tout en plaidant l'absurdité de la guerre, dans laquelle on s'est engagé pour avoir un uniforme et être respectable ou mieux, avoir un uniforme de cavalerie et plaire aux filles, il montre aussi le comportement colonial des soldats portés par un contexte qui les dépasse. Les seconds rôles sont d'ailleurs fort à propos, construits avec nuance pour illustrer cette phase du film.
Et même une fois les soldats arrivés sur la zone de conflits, l'amusement reste de mise, entre baignade insouciante et jeu de tirs avec la tranchée ennemie (les témoignages de la Grande Guerre confirmant ce besoin de tuer l'ennui, avec l'ennemi)... les plaisanteries virant soudainement vers l'horreur (qui ne dit encore son nom): on balance de la dynamite en se marrant, on sert la main aux cadavres ennemis restés dans les tranchées. Même le premier assaut est en quelque sorte éludé, les soldats regardant l'assaut de leur compagnons depuis... un cimetière. Il y a cette modestie dans la mise en scène de ne pas montrer l'immontrable, ce respect due à l'histoire que l'on raconte. Puis tout s'accélère de manière cohérente, la dernière demi-heure montrant la guerre dans sa plus grande absurdité, tant en témoignant aussi du sentiment des engagés de l'époque à se battre pour une cause plus grande qu'eux, tout en servant de chair à canon à des officiers dans les stratégies sont pour le moins flottantes.
Et Mel Gibson dégage un vrai truc.
5/6
L'Année de tous les dangers (1983)
Mel Gibson dégage une putain de classe, acte 2. Après les Mad Max qui l'avaient révélé, il confirme ici dans un registre totalement différent. Son duo avec Sigourney Weaver marche à fond, les deux sont vraiment au top, il y a un vrai truc truc physique, charnel, qui nous est transmis. Au passage j'aime beaucoup comment est construit le perso de Weaver, de la présenter comme une femme indépendante, il y a un côté moderne vraiment rafraichissant dans la relation.
Après
Gallipoli, Weir nous raconte encore une fois la grande histoire par le petite. Cette romance au milieu de l'effervescence mortifère qui annonce le chaos à venir sert de contre point et de respiration à tous ces à-côtés qui nous sont montrés. Le film ne traite d'ailleurs pas tant de la situation politique de l'Indonésie, assez confuse et dont on ne perçoit que peu les ressorts, que de la posture des occidentaux et de leur presse, et la force du film est de savoir faire ces pas de côté, avec le personnage de Billy Kwan, dans une interprétation culte de Linda Hunt, relais des aspirations de changements de la société par la population.
5/6
Witness (1985)
Vu gamin, je n'en avis aucun souvenir sinon d'une certaine déception et incompréhension au vu de la réputation du film (je sais pas pourquoi j'avais perçu ce truc à l'époque, peut être en raison du cast).
C'est très simple dans sa mise en place et sa résolution, et en fait le
witness du film, pendant son heure centrale, c'est le policer réfugié dans ce monde à part, cette micro société, dont il doit respecter le mode de vie, et même s'y intégrer totalement s'il veut vivre la passion naissante avec son hôte, ou bien c'est elle qui devra partir. C'est clair que cet aspect du film m'était complètement passé au-dessus à 10 ans. Pour enfoncer le clou, à un moment, le chef de police le dit tel quel: la police est comme les Amish, c'est un culte, un club, avec ses règles. Que l'individu doit respecter sous peine d'en être expulsé, ou même assassiné, comme le sera le partenaire de Book (vlà le nom du perso principal). Si la fin fait le constat de deux mondes qui resteront étrangers, les deux personnages auront pu vivre leur passion pendant un fugace instant, libres des carcans pourtant insurpassables.
Bref, c'est une proposition vraiment originale, assez tranchée de ce qu'elle s'écarte de ce qu'on attend d'un film policier au premier abord, le film est assez précieux pour ça mais j'avoue que ca manque un peu de corps quand même (si on veut caricaturer un peu méchamment, la vie avec les Amish se résume à traire une vache et construire une grange), il y a une retenue qui ne permet pas au film de décoller totalement mais je suis très content de l'avoir revu.
5/6
The Mosquito Coast (1987)
Le topic dédié a été remonté récemment par Art Core. J'avoue ne pas être à fond. Ca va assez loin dans sa proposition (le perso d'Harrison Ford condense bien l’acuité du type qui perçoit les limites et déviances d'un système et qui dérive vers la folie à force de ne plus pouvoir trouver ni sa place ni sa porte de sortie, ca ne perd pas trop de temps mais paradoxalement je trouve que le sujet n'est finalement presque qu'éfleuré... et puis la fin fait plouf je trouve, ca renvoit un peu tout le monde dos à dos, bien que le speech final du fils, qui s'aperçoit que le monde de son père avait des frontières et qu'elles pouvaient être dépassées ouvre vers l'espoir. Le film reste d'une actualité brulante cela dit.
4/6
Le Cercle des poètes disparus (1990)
Vu plein de fois gamin et ado, j'avais un peu l'appréhension de le revoir.
L'intro contient les éléments typiques de Weir: le rituel de ce qui constitue une société se met en place (le tableau des anciens, la photo des enfants, les consignes données, et le titre qui apparait sur le plan sur la bougie, bougie qui symbolise "
the light of knowedge" comme le dira le doyen ensuite), c'est fin, c'est précis, et Weir a une vrai capacité à te plonger dans un monde, avec ses règles et son environnement propre. Il y a ensuite la formation du cercle, de la
society du titre, institution secrète à l'intérieure de institution de l'école pour se libérer du cadre de cette dernière. Voilà, le besoin de créer un groupe, mais un groupe qui libère et non pas un groupe qui contraint, on est vraiment en plein dans le sujet.
Les élèves sont tous hyper attachants, j'aime l'énergie qui se dégage de cette bande d'ados, et bien qu'archétypaux et remplissant tous une fonction, je trouve que Weir arrive donner du corps à tout ça. Par exemple, lors de la première soirée du Cercle, le fait que, après les traditionnelles histoires d'horreur au coin du feu, le premier à oser se lancer pour réciter un poème soit Charlie Dalton, le rebelle que l'on croyait plus attiré par la transgression que par la poésie, et qu'il le fasse avec son texte écrit derrière une affiche de pin-up, je trouve ça, sous des abords triviaux, assez fin, j'aime que le personnage soit dans cette dualité poète / graveleux, et que le film ose ça.
Ensuite ça pédale un peu plus dans la semoule, et je trouve cette fin toujours aussi brutale, presque incompréhensible, trop noire pour
rien. Je ne sais pas s'il y a une explication à chercher dans l'histoire de Weir ou dans sa relation avec les studios, mais je trouve que le film sombre alors trop dans son premier degré et nuit à son propos. Reste la scène finale, qui emporte tout, Weir étant quand même un sacré metteur en scène (bon j'imagine que c'est quitte ou double).
4-5/6
Green Card (1991)
Vu jeune, absolument pas marqué, mais j'en ai bizarrement quelques souvenirs (la scène de la veille de l'entretien, avec le sujet du qui dort de quel côté pour finir de monter l'illusion d'un couple)...
État second (1994)
J'étais curieux de découvrir ce film au pitch proche d'Incassable et dont je ne connaissais pas l'existence.
L'intro te pose direct une ambiance avec cette séquence post crash aérien, c'est quand même la grande classe. On retrouve le thème cher à l'auteur, le protagoniste principal devant affronter son impossibilité à être au monde après avoir frôler la mort. Le film peut donner l'impression de se perdre un peu, encore une fois Weir aime faire ces pas de côté, mais ça ose aller loin, ça parle de mort de nourrisson dont il faut faire le deuil avec une certaine pudeur et en instillant cette part d'irréel et d'impalpable, c'est quand même pas rien. Tout le film a un ton étrange, on ne sait jamais où cela va nous mener mais arrive à trouver une fin cohérente et mature.
5/6
The Truman Show (1998)
Je l'avais pas revu depuis 20 ans. Avec la multiplicité des caméras, j'ai pensé à ce qu'un De Palma en aurait fait, et j'apprends par wikipedia que le projet lui aurait été proposé un temps.
Anyway, j'avais peur de trouver ça un peu désuet et factice, mais j'ai marché à fond. C'est simple, ça ne perd pas de temps, il y a une certaine épure dans le récit qui fait que ça passe tout seul tout en allant à l'essentiel, c'est ultra efficace. Et il y la quintessence du thème Weirien, à l'état de conte: l'individu qui appréhende le monde, ses codes, ses limites, jusqu'à ce dénouement magnifique, symboliquement et visuellement, du héros qui arrive littéralement au bord du monde, aux frontières de son univers, que les autres ont définis pour lui, et qui décide de s'en extraire... par la porte de sortie !
Il y a un côté très premier degré (le nom du héros quoi) et en même temps je trouve le film plus subtil qu'il n'y parait, je trouve que Weir le fait sans morale, sans jouer au petit malin, il ne se croit pas plus intelligent que le spectateur, en osant retourner la caméra pour filmer l'audience, qui se réjouit et s’enthousiasme de cette fin, pour une fois optimiste et où l'espoir ouvre de réelles perspectives.
Et je trouve l'humour (le film vendu comme une comédie n'en est pas vraiment une) bien placé et bien fait (la compil des gens qui se sont incrustés, c'est génial).
6/6
Master and commander : de l'autre côté du monde (2003)
Le héros de son film précédent, Truman Burbank, se rêvait explorateur, parcourant le monde jusqu'aux Fidji, et finissait par s'enfuir dans un bateau à voile... L'écart entre ces deux films pourrait sembler abyssal mais pourtant il y a une continuité naturelle entre les deux, presque comme un passage de témoin. Bon OK ça tient plutôt du clin d’œil, mais le capitaine Aubrey outrepassera également les ordres qui lui sont assignés de croiser au large des côtes du Brésil, afin de poursuivre son antagoniste, et par là même son destin, franchissant le Cap Horn et débarquant aux Galápagos, écosystème unique isolé du reste du monde.
Au delà de tout ça, le film est vraiment massif, pleins de détails et de détours qui en font tout le sel, décrivant ce microcosme ultime qu'est un navire au long cours. Il y a tellement de choses qui font aimer ce film, la manière de nous montrer les mythes, la cruauté et la dureté de la vie en mer, avec encore une fois cet art de digresser après une entrée en matière tambour battant, mais sans flashbacks à la con ou intrigue secondaire issue de la terre ferme ou je ne sais quoi. Bref, le film sait rester sur le bateau et avec son équipage, nous montrer ses spécificités de manière naturelle, comme le fait d'avoir des enfants dans les rôles des élèves officiers, et qu'ils mènent l'assaut final.
Pour chipoter un peu, je trouve que, malgré tout ce que je viens de dire, il manque un petit truc à l'ensemble, le film sait créer sa propre voie mais reste aussi, quelque part, un peu trop classique, et à force de traiter énormément de choses, reste parfois un peu en surface, parce que j'en aurais pris facilement pour 1 heure de plus pour mieux identifier les personnages, les voir habiter encore plus le film, m'attacher encore plus à eux. Ca reste immense, et c'est le genre de films que je pourrai revoir régulièrement sans problème.
Un gros 5/6
Les Chemins de la liberté (2011)
J'avais complété raté l'existence de ce film... Encore une fois, le film rejoint la thématique fétiche de l'auteur, le protagoniste devant trouver son chemin, au sens littéral et métaphorique pour se libérer et exister en dehors de la société (totalitaire) qui lui est imposée.
Bon, comme souvent pour ce type de film, le traitement des langues est un peu foireux... c'est dommage, je comprends pas pourquoi ne pas assumer totalement le choix de la l'anglais (y'a sans doute des histoires de production), mais bref.
Le film aborde aussi comment ces évadés reconstituent une mini société, chacun ayant sa fonction dans le groupe, mais le tout est fait à gros traits et on a du mal à tout comprendre au début, qui a une gros problème dans sa structuration.
Il est clair qu'on est pas devant un grand Weir mais son talent transperce par moment, comme
, et ce qui s'en suit, la remise en route immédiate et le personnage d'Ed Harris qui s'attarde, ou les cartons finaux sur lesquels Janusz doit continuer à marcher pour accomplir sa volonté. Encore une fois, le talent de Weir s'exprime dans ces à-côtés, ces flottements où il prend le temps de faire durer ces moments de vie, mais on sent trop le cahier des charges qui plombe le tout.
4/6
Au final je suis très content d'avoir revu les films que j'aimais (parce qu'en fait je les aime vraiment) et d'avoir (re)découvert les autres, Weir est vraiment un grand cinéaste, qui sous des aspects peut être un peu académiques de prime abord (ou en tant cas classiques), développe tout au long d'une œuvre variée et cohérente un propos humaniste fort, une vision philosophique tout en nuances incitant à la réflexion et dégagée, ça ne me semble pas forcément anodin, de tout reliquat religieux (bon alors OK, c'est pas vrai pour son dernier). D'ailleurs on peut imaginer que ce classicisme soit aussi une volonté de faire des films pour le plus grand nombre, ce qu'il a réussi à faire. Dommage que sa fin de carrière soit à ce point distendue, il en avait encore sous le pied.