Il y a quelque chose qui me fascine franchement dans l'évolution récente du Kurosawa, et qui se radicalise ici: cette maîtrise des codes de l'horreur pour les remettre en scène dans d'autres genres.
ici, et surtout dans le premier, la barre monte d'un cran.
Il ne s'agit même pas de réutiliser les codes d'un genre pour faire transparaître quelque chose dans un autre (l'aspect mythique et fantomatique du monde du travail et de ses pseudo valeurs dans Tokyo Sonata, par exemple), mais d'un film dans lequel jamais nous ne savons où nous sommes. Ce n'est pas non plus une simple question de genre car laisser ouverte la question de savoir s'il s'agit d'horreur permet surtout de révéler le caractère horrifique de l'ordinaire ou ordinaire de l'horreur. Ce sont des forces invisibles qui sont à l'oeuvre ici, qui poussent, et dont on comprend à la fin qu'elles avaient poussé depuis bien longtemps avant l'événement initial, mais peu importe finalement leur nature. L'essentiel est que nous le vivions de la même manière dans son horreur, ordinaire ou non.
Tout cela est concentré dans un seul plan qui contamine au moins les trois premières histoires du film. non pas la scène du rêve avec la poupée, quelle qu'en soit sa qualité, mais le dernier plan de la scène précédente, sur la mère faisant le serment aux filles de ne jamais les lâcher. Bien entendu le rêve qui suit aide à cette contamination et à se demander si l'on est en présence d'une malédiction, mais finalement, cela fonctionnerait tout autant sans, et l'on pourrait presque critiquer la présence de cette scène à ce moment là, comme si Kiyoshi n'avais pas été assez sûr de son effet pour ne pas le redoubler. Quoiqu'il en soit, en un plan, le film nous plonge dans une ambiance qui nous fait tenir les trois heures suivantes, leur confine et maintient leur caractère angoissant, malgré des passages à vide, et des histoires qui seraient en elles-mêmes faiblardes (finalement je pense que c'est au format série que le métrage doit perdre toute son ampleur, la contamination n'étant sans doute lus la même).
la deuxième partie faiblit légèrement en changeant de registre, car, même si elle renverse finement la perspective des deux premières, même si cela fait aussi rebondir le caractère horrifique initial (la spirale des vengeances se retournant elle-même, tout en replaçant les forces invisibles au passé), il reste certains traitements périlleux
dans le final qui, trop mal gérés, le font légèrement retomber. Non que la fin soit vraiment mauvaise, mais ce léger gâchis fait retomber l’impression de superbe laissée jusque là.
Ca donne du 5-5,5 pour le premier, et du 4,5 pour le second, le tout dépassant la moyenne des parties.
(pas sûr qu'il soit pertinent de le mettre ce sujet dans la section télévision par contre)
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C'est moins la connerie que le côté attention-whore désoeuvrée plutôt pête-couilles et désagréable que l'on relève chez moi, dès lors que l'on me pratique un peu.
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