Richard Fleischer (1916-2006)Vu qu'on en parlait dans d'autres sujets : un de ces réalisateurs à la filmo foisonnante et bien diverse qu'on repère au gré des films et moins au style. "Ah mais c'est de lui, ça ? C'était vachement bien !" entend-on parfois au détour d'une conversation.
Cliché habituel : apparu dans cette période bizarre de mort lente des studios et qui précède le "Nouvel Hollywood" et ses "rebelles au système". Andrew Sarris, dans son
American Cinema, le fout dans une benne intitulée "Strained Seriousness" (on pourrait dire "sérieux papal") aux côtés de John Frankenheimer, Norman Jewison ou John Sturges, ce qui n'est pas très sympa, mais aussi de Kubrick, ce qui l'est un peu plus même si je pense pas que ce soit l'effet recherché.
Fils d'un des créateurs des studios Fleischer (
Popeye,
Betty Boop mais aussi les incroyables
Superman), on peut retrouver dans certaines de ses œuvres l'imagination et le dynamisme visuels de l'animation (
20000 lieues sous les mers,
Le Voyage fantastique). Qualités qui font souvent défaut, à mon sens, à Sturges par exemple (donc, Andrew, tu me feras le plaisir de revoir ta copie, merci).
Bien évidemment, comme d'autres metteurs en scène de son époque, genre Wise, il a donné dans le gros loukoum au budget pharaonique (
Dr Doolittle) ce qui peut rendre une intégrale assez pénible après avoir englouti les premiers films, des séries B, plus secs et concis. Il y a aussi la période d'exil à l'étranger (
10 Rillington Place), l'ersatz d'un gros carton (
The Don is Dead), les inévitables véhicules pour stars (
Mr. Majestik), le film "coup de poing" dont on a toujours entendu parler mais jamais vu parce que "compliqué" (
Mandingo), le projet dont on se demande ce qu'il fout là (
Amityville 3) et comme beaucoup, la rencontre avec gros Dino pour des machins où la nostalgie fait 90% du plaisir (
Conan).
FilmographieJe suis loin d'avoir tout vu mais c'est une filmo qui donne envie par l'éclectisme mais également la douceur et le soin qu'il apporte à caractériser ses personnages, même et surtout ceux de salauds. Parfois des baisses de rythme mais des images qui restent bien en tête et une manière de soigner les décors et environnements qui prennent vie et occupent une part importante du récit :
1946 -
Child of Divorce1947 - Design for Death (doc)
1947 - Banjo / Mon chien et moi
1948 - So This is New York / Ça c'est New York
1948 - Bodyguard (non, pas celui-là)
1949 - Trapped / Le Traquenard
1949 - Make Mine Laughs
1949 - Follow Me Quietly / L'Assassin sans visage
1949 - The Clay Pigeon / Le Pigeon d'argile
1950 - Armored Car Robbery
1951 - His Kind of Woman / Fini de rire (non crédité, en remplacement de John Farrow)
1952 - The Narrow Margin / L'énigme du Chicago Express
1952 - The Happy Time / Sacré printemps
1953 - Arena / L'arène
1954 -
20, 000 Leagues Under the Sea / 20 000 lieues sous les mers1955 - Violent Saturday / Les Inconnus dans la ville
1955 - The Girl in Red Velvet Swing / La Fille sur la balançoire
1956 - Bandido / Bandido cabarello !
1956 - Between Heaven and Hell / Le Temps de la colère
1958 -
The Vikings / Les Vikings1959 - These Thousand Hills / Duel dans la boue
1959 - Compulsion / Le Génie du mal
1960 - Crack in the Mirror / Drame dans un miroir
1961 - The Big Gamble / Le Grand risque
1961 - Barrabas
1966 - Fantastic Voyage / Le Voyage fantastique
1967 - Doctor Doolittle / L'Extravagant Docteur Doolittle
1968 -
The Boston Strangler / L'étrangleur de Boston1969 - Che!
1970 - Tora! Tora! Tora!
1971 -
See No Evil / Terreur Aveugle1971 -
10, Rillington Place / L'étrangleur de la place Rillington1971 -
The Last Run / Les Complices de la dernière chance1972 - The New Centurions / Les Flics ne dorment pas la nuit
1973 -
Soylent Green / Soleil vert1973 - The Don is Dead / Don Angelo est mort
1974 - Mr. Majestyk
1974 - The Spikes Gang / Du sang dans la poussière
1975 - Mandingo
1976 - The Incredible Sarah
1977 - The Prince and the Pauper / Le Prince et le pauvre
1979 - Ashanti (remplacé par Richard Sarafian)
1980 - The Jazz Singer / Le Chanteur de jazz (remplacé par Sidney J. Furie)
1983 - Tough Enough
1983 - Amityville 3-D
1984 - Conan the Destroyer / Conan, le destructeur
1985 - Red Sonja / Kalidor : la légende du talisman
1987 - Million Dollar Mystery
A noter que le dernier long-métrage réalisé par Fleischer met en scène Eddie Deezen, le ventriloque teubé de
1941 et le Beatlemaniac sociopathe de
Crazy Day, insupportable pour les uns à démastiquer à coups de chevrotine pour les autres.
Et le dernier court-métrage, Call From Space (avec James Coburn et une voix-off de Charlton Heston), fut uniquement diffusé au parc d'attractions Big Bang Schtroumpf (R.I.P.),ce qui veut dire qu'il y a 99% de chances que je l'ai vu.
En attendant, ceux dont je me souviens :
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Armored Car Robbery / The Narrow Margin : deux très bons films noirs. Le braquage du premier montre les truands porter des masques à gaz et s'enfuir dans un port ce qui est assez cool, le deuxième est réputé pour une baston dans un wagon. Je ne m'en souviens plus donc on va dire que c'est effectivement très bien foutu : je me rappelle plus du suspense autour de la personne à protéger dans le train, rondement mené.
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His Kind of Woman : dans celui-ci, Fleischer a visiblement mis en scène le final, une remarquable fusillade à bord d'un bateau que j'ai en début d'enregistrement d'un autre film et que je regarde assez souvent pour le plaisir.
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20 000 lieues sous les mers : film vu en salles tout petiot et revu il y a quelques années avec le même plaisir.
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Violent Saturday : Superbe film noir qui mêle à la fois le film de braquage et la chronique d'une petite ville américaine. On est autant pris dans la préparation du casse que dans les intrigues sentimentales des habitants. Le personnage de Victor Mature qui veut se racheter aux yeux de son fils est poignant et en bonus on a droit à Ernest Borgnine en amish.
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Les Vikings : grosse claque. Mario Bava a fait un décalque rital avec le budget café du Fleischer qui s'appelle
La Ruée des vikings et a encore fait mieux. (je ne le dis pas trop fort, je compte faire une double-séance).
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Le Génie du mal : adaptation du même fait divers qui a donné lieu à
La Corde de Hitchcock : plus ancrée dans le quotidien des deux trous du cul qui ont assassiné leur condisciple, et sur l'impact de leurs méfaits. Présence énorme dans tous les sens du terme de Welles qui semble avoir un peu contaminé la mise en scène.
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Le Voyage fantastique : un côté dessin animé live ou bd de Wally Wood qui rend le tout hypnotique.
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L'étrangleur de Boston : voir sujet : j'adore la description de la psychose qui emplit la société. Final glaçant où le tueur est paumé dans sa propre psychose.
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Terreur aveugle : très chouette idée de ne nous montrer que des bribes du tueur et de nous laisser dans un même état de stress que la pauvre Mia Farrow. Redoutablement efficace jusque dans le côté survival en pleine nature.
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L'étrangleur de Rillington Place : voir sujet : un équilibre énorme entre l'horreur et l'empathie.
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Les Flics ne dorment pas la nuit : tuerie. Constat brut sur le quotidien de la maison poulaga sans tout le fatras de la spectacularisation de la dépression (c'est pas
Narc, par exemple). A voir avec
Bande de Flics de Aldrich pour la réponse plus "à gauche".
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Soleil vert : un message sur deux au moment du 31 décembre a ricané bêtement : "hihihi vous savez que
Soleil vert ça se passe en 2022 hihihi", donc ça c'est fait. Mais c'est vrai que c'est d'autant plus efficace que Fleischer refuse de sombrer dans le pathos.
C'est pas Les Fils de l'Homme quoi...
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Don Angelo est mort : un sous-
Parrain sur les derniers jours d'un mafieux vieillissant et une guerre de gangs qui cherche à surenchérir sur le Coppola. Pas un grand souvenir sinon que c'était tellement sur des rails que le train-train m'a assoupi.
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Mr. Majestyk : j'aime pas des masses Bronson et c'est bien dommage que le film se finisse dans les canons des véhicules qui lui étaient consacrés (avec en plus, une fusillade pas terrible) parce que la mise en place est excellente.
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Conan le Destructeur : je le préfère au Millius, on dirait un peu les bd Marvel, peut-être à cause de la présence de Roy Thomas et Gerry Conway au scénar et la photo de Cardiff est chouette (comme dans cette merdouille de
Rambo 2).
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Kalidor : oui, bon, celui-ci est un peu nul ok.