Fidèle à ma tradition personnelle qui consiste à avoir au moins 5 ou 6 ans de retard sur les jeux qui m'intéressent, je viens juste de le finir après l'avoir commencé fin décembre. Enfin "finir", le mode histoire quoi.
J'avais acheté la PS3 exprès en 2010 à la sortie de son grand-frère, dont je garde encore un immense souvenir : le personnage, John, bien aride, en bout de course, brutal, rangé des camions mais tenu par les couilles par les Pinkerton pour retrouver ses anciens "amis" hors-la-loi; les "amis" en question, ivres de violence insensée, toujours en fuite, impossibles à raisonner, chez qui il était impossible d'imaginer ce qui avait pu tous les lier par le passé tant ils rivalisaient de détestation; et Dutch, leur ancien meneur, illuminé, mélancolique, happé dans une spirale d'apparence revancharde contre la modernisation du monde, mais dont la cruauté et l'absence de considération pour l'autre sous-entendaient de manière glaçante qu'il se jouait chez lui quelque chose de plus sinistre. Un jeu au scénario triste, pas très lumineux, avec en son coeur une profonde solitude, désabusé et en même temps magnifique à voir et explorer, excitant dans son travail de reconstitution, ses chevauchées, ses fusillades. GTA IV (le meilleur) avait déjà donné dans l'exploration dramatique en plus du cynisme propre à la série, avec son histoire d'immigration et de stress post-traumatique. Là, ce western s'inscrivait complètement à la suite de Peckinpah niveau thèmes et ambiances de fin d'un monde, jusqu'à cette fin logique mais terrassante.
Ce topic est très complet concernant tout ce qui peut être dit par ailleurs depuis la sortie du 2 : gameplay biscornu, dirigisme accru et syndrome du film interactif poussé parfois jusqu'au ridicule (dans l'épilogue à un moment où tu dois juste marcher d'un bâtiment à un autre pour avoir la suite d'une première cinématique : lol)... J'ai retrouvé dans ces deux derniers points tout ce qui m'avait gonflé dans GTA V et fait lâcher l'affaire au bout d'une dizaine de missions, et sans regrets. Sauf qu'il y a tout le reste. Le prologue dans les montagnes, les traces laissées dans la neige, la galère collective, la galerie de personnages... Cette pesanteur bienvenue (premier jeu où je prenais plaisir à faire marcher le personnage, et non courir), le foisonnement des détails (les éboulements de pierres quand le cheval glisse le long d'une pente, les corbeaux sur les cadavres etc.), le fait que clairement tu passes pas mal de temps à aussi jouer à la dinette... Ok c'est dirigiste, mais il y a tellements de détails tout le temps et partout que ça passe.
Et l'histoire est pas mal du tout. Si celle du 1er était sèche et sombre, en accompagnant un personnage qui n'était plus que l'ombre de son propre passé, celle du 2 fait encore la part belle aux illusions que se fait cette petite communauté en plein fantasme Robin des Bois, encore un peu dans le déni de tout ce qui les rattrape, et de ce qui caractérise Dutch qui est à leur tête, fringuant, gouailleur, fédérateur, petit messie qui ne cesse de les pousser vers une terre promise... Alors que le joueur rompu au 1er sait ce qu'il en est, à quel point tout ça n'est que du vent. Mais le déroulé des missions vend vraiment ce charme (celle de la beuverie dans le saloon, la fête dans le camp etc.), avec au premier plan Arthur, brute épaisse clairement sous l'emprise de son chef. La dégringolade progressive, qui vient tout déliter, est plus mélancolique qu'autre chose, avec ses trahisons, désillusions, ainsi que le choc que représente le virage dead man walking dans le gameplay et le rapport au personnage. J'ai du mal à voir l'intérêt de jouer le perso en low honor tant tout ce qui lui arrive pousse à l'inverse. John, qui fait partie du gang, n'est pas encore le pistolero inébranlable du premier, plus un grand gamin naïf et jamais trop au clair, mais le plaisir de retrouver cette voix, ainsi que certains lieux emblématiques du 1er vers la fin n'ont pas de prix.
Je m'emmêlais encore les pinceaux à la fin sur des conneries d'inventaires, et j'ai trouvé la parenthèse tropicale de trop, mais qu'est-ce que j'ai kiffé.
_________________ Looks like meat's back on the menu, boys!
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