"J'irais bien planter mon postérieur dans les ondulations d'une plage de sable fin me faire un shoot d'air iodé." Cette pensée profonde accouchant quelques jours plus tard d'une ligne dans ma messagerie électronique : des billets d'avion pour la Turquie. J'ai saisi une opportunité unique : un A/R avec Turkish Airlines bien moins cher que ceux en partance de Paris. L'astuce ? Le départ se fait depuis Gênes, à quelques centaines de kilomètres de la capitale française. Pas du tout que je sois une pince. Encore moins que ces centaines d'euro économisés me fasse vibrer, alignant quelques cocktails au nom de vacances genre Sex on the Beach dans mon bandit manchot imaginaire. Décuver/éliminer les excès de la veille en faisant ma meilleure merguez de plage et vivre le rêve ultime de tout salarié, menant une vie d'insouciance financière l'espace de mes congés. Non, ce n'est pas ça qui m'anime (mais je ferais sûrement tout ce que j'ai énoncé plus tôt). C'est l'amour de l'Aventure qui me pousse vers ce choix. L'Italie doit figurer dans mes pins "I've bien here", quitte à n'être en réalité le reflet que d'un vulgaire trajet express. Partir en avion depuis Paris, c'est le mode facile de la partie, là je choisis de corser la difficulté avec l'option Dolce Vita.
"J'irais bien coller ma tronche à la vitrine d'une trattoria et me fondre dans ses divines effluves." Les billets Ouibus en cours de réservation, je commence à répertorier mentalement ce que la gastronomie du pays au drapeau vert-blanc-rouge produit de meilleur. J'en viens à me demander si je vais pas séjourner quelques jours en Italie et réduire mon passage en Turquie. Et, pourquoi pas, rentrer en roulant sur moi-même ? Si je survis à la crise de foie programmée, je pars pour muter mon summer-body en une silhouette de bibendum qui ferait pâlir toutes les effigies Michelin. Les tarifs hôteliers viennent écraser ces espoirs contre le mur de ma radinerie, je vais en rester à l'escale option casse-dalle. Ouibus inonde les espaces publicitaires pour son lancement, je choisis de tester. La ville de Gênes n'est pas desservie, ce sera l'occasion de découvrir la faune des villes du Nord de l'Italie. Un aller Paris-Turin et au retour, Milan-Paris, j'irais a Gênes en train régional.
"J'irais bien hisser ma carcasse sur une montagne de coussins pour m'enfoncer dans cette pile moelleuse." Après quelques difficultés à m'orienter pour trouver la gare routière de Paris-Bercy, mon séant atterrit hélas sur un inconfortable siège dans un Ouibus à destination de Lyon-Pardieu. Pour prendre un autre transport ensuite - aux sièges tout aussi exigus - à destination de Milan, je dois m'arrêter juste avant à Turin. Entortillée façon rollmops dans son bocal, mon esprit aventureux quitte peu à peu mon corps. Je ne manque pas de remercier Mère Nature d'avoir fait de moi un modèle réduit, comme toujours dans les transports en commun en classe prolo (aka l'Enfer sur Terre). Je n'ai toujours pas percé le mystère de mes compagnons de voyage qui endurent ce calvaire avec stoïcisme alors que même pas 5 minutes après mon installation, je rêve de défênestrer mon connard de voisin qui a pris l'accoudoir central. Mon bagage à main dégueule de tout en mode Mary Poppins. Surtout de l'essentiel : de quoi faire 1000 pauses clope. Fuck you Satan !
"J'irais bien plonger une tête dans une piscine d'aspirine et fusionner avec l'écume effervescente de sa surface". Cette pensée m'assaillait en même temps que la migraine pulsant dans mon crâne. Dans le mal depuis Lyon, je piquais du nez sévère passé la frontière malgré un investissement de 10 balles au moins dans le jus de chaussettes Selecta pour convier l'insomnie. Tirée de ma sieste par le tumulte ambiant, dans un soubresaut je m'extirpe de ce mouroir ambulant sur le fil. Arrivant ainsi à bon port : Turin. Me voici au pays de l'Espresso, je me languis de noyer cette sensation de cendrier humain (l'effet 1000 pauses clopes) dans un shot de caféine bien tassé. Je me felicite intérieurement pour mon art de la débrouille car malgré mon air défraîchi, je sens que le reste va aller comme sur des roulettes. Voyant le bus continuer son chemin, je me fends même d'un signe d'adieu de la main. Plus question de remettre un pied là-dedans avant un moment, le temps d'enfouir ce traumatisme bien loin. Et là, un éclair : "Mon." "Bagage." "En." "Soute." Je viens de lui dire adieu à lui aussi...
"J'irais bien faire griller une à une mes neurones sur l'autel de la pingrerie." Cette pensée s'accompagnant d'une douleur intense dans la région de l'estomac. L'angoisse me paralyse le cerveau, la migraine ayant quitté ma cavité cérébrale pour laisser place à un flot de tergiversations continu, cimer l'adrénaline. Aller à Milan récupérer mon sac et louper mon avion ? Aller à Gênes sans et arriver presque à oualpé à Istanbul ? Aller me faire cuire le cul car c'est tout ce que je mérite putain de conasse pétrie d'avardise que je suis ? La troisième option est tentante mais comme je suis une couarde, j'évite d'affronter la réalité et je penche pour le séjour turque au rabais. J'ai malgré tout envie d'assurer à mon maigre patrimoine son intégrité donc je mets en quête du numéro du service client de Ouibus pour sauver mon sac de voyage du triste sort qui risque de lui advenir. Je découvre à cette occasion que l'Italie en est restée à des outils de télécommunications archaïques : des cabines à pièces. Je passe un temps considérable à essayer de joindre François de Ouibus. Je peine à anticiper le montant de notre discussion, la ligne coupe souvent, j'insère frénétiquement toute ma ferraille dans cette véritable pompe à fric. Le type subit mon harcèlement avec un flegme admirable et m'explique que le voyage de mon bagage jusqu'à Paris est acté car il ne se déplacera pas de sa propre initiative jusqu'à moi, alors Ouibus l'acheminera jusqu'à Paris car le bus repart direct en sens inverse une fois arrivé à Milan. Je décline fermement l'offre, il insiste (c'est quand même offert par la compagnie), je montre les crocs. Vaincu, il finit par me lâcher le numéro du chauffeur de bus qui récupérera mon sac pour l'acheminer à son hôtel à Milan (en vrai, le gars de Ouibus était très cool, cimer pour sa patience, sa bonne humeur et le service rendu).
C'est donc acté : je partirais pour Istanbul avec les fringues que j'ai sur le dos, mes papiers d'identité, ma thune et c'est à peu près tout. Au-revoir ma serviette de bain, ma brosse à dent, mon maquillage, mes tongs, mes fringues, ma crème solaire, ma paire de lunettes de soleil, mes livres, mes boule quies, mes capotes, mes protections menstruelles, ma ventoline, mon paracétamol... Et bonjour le budget shopping qui vient sérieusement gréver le budget voyage.
Finalement ? Pas mis un orteil à la plage ni même aperçu une plage turque, pas eu le temps de bouffer quoique ce soit en Italie, sauf des snacks industriels issus d'un distributeur automatique. Mais je me suis absolument éclatée en Turquie en mode bankrupt et j'ai bien récupéré mon bagage au retour à Milan (grazzie mille senores y senoras del hostal que mio parlo pas un mot d'italinio et vos de anglesia).
TL;DR : je suis partie 20 jours en Turquie en avion, au départ de Gênes en Italie, avec juste mes billets d'avion et un sac à dos parceque je suis une grosse teubée doublée d'une radine qui a oublié son bagage en soute à l'aller piur rejoindre l'Italie. #lesmauvaiscalculs
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