Synopsis : ayant récupéré par mégarde un sceau de jade volé, le jeune Wong Fei-Hung découvre un trafic d'objets d'arts chinois en partance pour l'Europe.
(en gros)Rien à voir donc avec le facétieux résumé du dos de dvdy :
Jackie Chan reprend le rôle d'un "jeune" Wong Fei-Hung aviné (il tape pile la quarantaine l'année de sortie et est plus vieux qu'Anita Mui qui joue sa mère) qu'il incarna au début de sa carrière (
Drunken Master UN donc, en 1978). L'occasion à la fois pour lui de pisser autour du territoire empiété par Jet Li et Tsui Hark avec les
Il était une fois en chine, mais aussi de prouver qu'il en avait encore sous la pédale à un âge où certains commencent à souffler dans les escaliers.
Le film est attribué à Liu Chia-Liang, mais des désaccords profonds entraînent son renvoi et Jackie Chan et ses équipes terminent l'ouvrage. Reste qu'on retrouve saupoudrés des idées et thèmes chers à Liu Chia-liang, à qui on doit déjà des utilisations du célèbre héros chinois (
Challenge of the Masters ou
Martial Club), notamment tout ce qui traite autour de liens entre famille et transmission du savoir (les querelles de couple, l’éducation du gamin etc…). Mais le poids de la star et sa reprise en main du projet demeurent ce qu’il y a de plus notable. Ainsi, après une ouverture qui démontre déjà de l’inventivité des scènes de combat (tout un duel accroupi sous un quai de gare), on a droit à quelques scènes de vaudeville assez foireuses dans les gags (Anita Mui qui fait croire qu’elle est enceinte, Wong Fei-Hung qui file un remède médicinal qui donne la chiasse, ce genre de choses) mais sauvées par moments par la profondeur de champ et le montage autant que le frénésie des acteurs (Anita Mui tire son épingle du jeu là où Ti Lung -le pater- est un peu raide).
C’est ce même soin qui fait le liant avec les scènes d’action de plus en plus nombreuses jusqu’à se succéder vers le final pétaradant.
Drunken Master 2 est un exemple parfait de la manière qu’avait le ciné HK d’éviter la lassitude qu’on peut éprouver face aux démonstrations d’artistes martiaux certes brillants mais aux exploits rapidement répétitifs. Ici, les décors sont variés - un train, un jardin, un restau, une ambassade, une place et surtout une mine – et toujours utilisés à bon escient. Voir comment en jouant avec le hors-champ le restau se vide de tous ses clients, avant d’être pris d’assaut par des hordes de brigands.
La mine où se finit en apothéose le film, en plus d’être remarquablement mise en lumière (ah, ces plans d’ensemble rougeoyant), propose également pour l’époque des clins d’œil habiles aux jeux vidéo de plateforme 2D (l’utilisation des chariots, le combat qui monte d’étage en étage).
Et là aussi, l’enchaînement se fait dans une logique narrative. Wong Fei-hung arrive vêtu dans son habit traditionnel blanc, et Jackie Chan se voit immortalisé de fort belle manière, avec des flammes pour fond, annonciatrices des nombreuses utilisations du feu lors des échauffourées (et qui là encore repousse les limites du raisonnable avec le pied de Jackie Chan qui prend feu, avant de tomber quelques scènes plus loin sur des charbons ardents...). Mais petit à petit, ce costume se salit puis se déchire, au fur et à mesure que Wong Fei-hung se gorge de sa potion magique, la gnôle. Et au final, voilà Wong Fei-Hung redevenu progressivement ce Jackie pété au gibolin qui se propulse comme un missile sur ses opposants.
Saluons d’abord le brio avec lequel Jackie Chan parvient à enchaîner trois types de postures de combat : celle à jeun, celle feignant d’être bourré, et celle véritablement schlass… mais notons aussi qu’il parvient ainsi à lier la posture traditionnelle du héros et les pitreries dont il a le secret. Loin de se marcher dessus, ces deux aspects s’entrelacent adroitement au point qu’on frémit pour lui entre deux gags imprévisibles. Le duel final où son style s’oppose à un jeu de jambes absolument démentiel d’un spécialiste de taekwondo (qui en remontrerait à Chun-Li de
Street Fighter II) laisse tout bonnement groggy par la vitesse des enchaînements et la lisibilité fluide du tout qui ne laisse jamais de doute sur lequel à l’ascendant, lequel est en périple etc...
Tout
Drunken Master 2 évolue ainsi sur le fil du rasoir entre la bouffonnerie et l’aventure héroïque, et tire sa force de ses allers-retours constants entre sérieux et gaudriole. Entre deux scènes de la vie quotidienne des Wong - qui permettent autant de développer notre sympathie que de présenter les nombreux protagonistes - on assiste également à une affaire d’appropriation culturelle et aux méfaits de la colonisation soutenue par une collaboration cupide. Une scène de révolte parachève le discours et évite qu’on y revienne une fois le dernier combat fini, car le spectacle prime et l’on enchaîne directement avec les scènes ratées dont la plupart te font plisser des yeux et sortir des « … ooouh putain »… à tout-va.
Un film qui met le feu. (littéralement)