Et donc le soir du palmarès... Une sélection ma foi avec beaucoup de nouveaux noms, peut-être moins de grands maîtres qu'à l'accoutumée mais de beaux films, en fait... Je me demande si je la préfère pas à la sélection cannoise de cette année...
Etats-Unis (3) 5 - Matewan de John Sayles (2) - SVOD Film magnifique, l'un des meilleurs de John Sayles, qui conjugue engagement politique (beaucoup pensé à Désordres) et mise en scène - la photo est sublime, le casting parfait et chaque coup de feu fait mal, aussi bien dans les chairs que dans les coeurs.
2 - Dog Eat Dog de Paul Schrader (2) - VOD Un Paul Schrader mineur, entre les frères Coen (Arizona Junior) et David Lynch (Sailor et Lula), sans jamais vraiment trouver le ton adéquat - des effets post Oliver Stone un peu ringards. Je sauve Willem Dafoe, comme toujours parfait, et ce que ça dit de l'Amérique des losers.
3 - Stop the Pounding Heart de Roberto Minervini - Mubi Un film de Minervini qui joue sur la frontière entre le documentaire et la fiction. Je préfère les séquences captées sur le vif aux scènes dialoguées, un peu trop chargées de sens. Mais il y a déjà un sacré oeil et une immersion indéniable dans une Amérique figée dans le temps.
France (5) 4 - Serre-moi fort de Mathieu Amalric - VOD Je ne connaissais rien de l'histoire, si bien que la première partie m'a beaucoup agacé tant je la trouvais peu crédible... Puis le récit bascule dans quelque chose de beaucoup plus fort et j'ai été captivé par la mise en scène d'Amalric, sa maitrise de la narration, aussi. L'interprétation est au top, la photo superbe. Après la construction très cérébrale m'enlève un peu l'émotion, je suis plus dans l'intellect que dans l'affect.
3 - Frère et soeur d’Arnaud Desplechin - VOD Curieux film, à la fois hautement improbable (l'accident, le perso de Timsit, ce gamin qui a l'air d'avoir trente ans), parfois embarrassant (la scène dans la pharmacie, ce cours de traduction anglo-saxone ??), mais toujours fascinant, principalement grâce à la mise en scène et à sa construction très élaborée. Cela m'a toujours captivé sans jamais entrer en empathie avec qui que ce soit, peut-être que les persos sont trop chargés pour moi, qui n'a jamais vécu dans une famille dysfonctionnelle.
2 - Tralala des frères Larrieu - VOD Le début ressemble à une séance de torture : des saynètes à la Lelouch, une musique atroce, Amalric qui fait du Amalric. Et puis ça s'améliore quand on arrive à Lourdes, comme par miracle.Mais le récit s'étire sur un quiproquo absurde et le charme des acteurs s'estompe.
4 - Saint-Cyr de Patricia Mazuy - VOD Oh le beau film en costumes féministe et lucide sur la Maison royale de Saint-Louis, à la fois proche des faits historiques et d'une grande modernité, avec Huppert géniale et la jeune Nina Meurisse. Le film accuse un petit coup de mou, mais reste original et brillant.
3 - Des visages, des villages d’Agnès Varda Mubi J'avais un a priori sur le film, je redoutais le côté bons sentiments fabriqués. Il y a de ça, on ne va pas se mentir, mais par séquence le film devient émouvant grâce à Agnès Varda, beaucoup, aux anonymes aussi. J'aime la femme qui regrette la photo... qui n'est pas enlevée.
Europe (6) 4 - Woyzeck de Werner Herzog (2) (Allemagne) - VOD Comme souvent avec Werner Herzog, il faut un certain temps d'adaptation au jeu des acteurs, aux dialogues philosophiques et au rythme particulier. Mais après 40 minutes, le film bascule dans quelque chose de très fort, avec toujours la rage et la détresse des parias et des fous.
4 - Cow d’Andrea Arnold (Angleterre) - VOD Je ne m'attendais pas à ce que ça me plaise. Je redoutais un doc trop militant mais Andrea Arnold fait surtout du cinéma immersif - incroyable scène des veaux qui courent pour la première fois dans l'herbe, la nuit sous les étoiles... Bien sûr, la fin est choc mais je ne trouve pas les vaches maltraitées - juste l'industrialisation en marche, de mal en pis.
5 - Small Axe : Lovers Rock de Steve McQueen (Angleterre) - VOD Sa réputation n'était pas usurpée : c'est un film magnifique, le meilleur de son auteur depuis Hunger. La captation de la transe musicale, les corps magnifiées, les regards... Le film file à toute vitesse mais Steve McQueen parvient à insuffler un discours politique. Peut-être ce que j’ai vu de plus beau cette année.
4 - Le Saut dans le vide de Marco Bellocchio (Italie) - Mubi Quel film peu aimable, grinçant comme le parquet d'une maison bourgeoise sur l'emprise psychologique d'un frère sur sa soeur. Le frère, c'est Michel Piccoli, évidemment génial, la soeur Anouk Aimée, tout en fragilité. Le film a ses longueurs (pas fan du perso de l'acteur) mais est bien perturbant.
4 - Godland de Hlynur Palmason (Islande) - VOD La confirmation du talent de Hlynur Pálmason, avec ce film d'aventure en terre islandaise, chemin de croix d'un prêtre danois qui immortalise la vie des autochtones à l'aide d'un appareil photo. On pense à Herzog, à Silence de Scorsese, avec, en plus, cette ironie danoise - humour à froid, un peu hautain du personnage principal. Cela manque un peu de rythme dans sa deuxième partie mais j'ai eu tort de manquer le film en salle..
4 - Les Mille et une nuits de Miguel Gomes (Portugal) - Mubi Le faux cinéphile que je suis n'avait vu que le premier. J'enchaine donc 9 ans plus tard pour être à jour... Plutôt aimé les deux derniers volets, surtout le sketch sur le vieux voyou. C’est inégal mais toujours aussi inventif et libre. Gomes a indéniablement du style.
Asie (3) 4 - Man in Black de Wang Bing (Chine) Documentaire puissant mais un peu répétitif dans ses effets sur le compositeur Wang Xilin, très différent des autres films de Wang Bing, avec plus de formalisme. Je crois que je préfère quand sa mise en scène est moins dans le dispositif art contemporain mais le dernier plan façon Fantôme de l'opéra reste en tête - quel cauchemar la révolution culturelle en Chine...
3 - I Wish I Knew de Jia Zhang-ke (Chine) Un doc de maître Jia Zhang-ke sur la ville de Shanghai, son histoire tumultueuse et son avenir capitaliste. Si le fond est classique, avec des entretiens face cam, c'est la forme des transitions qui impressionne : scènes de vieux films, micro-fictions, séquences dans le rue. Après c'est assez aride sur deux heures, il faut bien l'admettre...
4 - Toute une nuit sans savoir de Payal Kapadia (Inde) Documentaire expérimental très stimulant de Payal Kapadia sur une révolte estudiantine réprimée dans une école de cinéma. Si le procédé épistolaire s'épuise un peu sur la longueur, la jeune réalisatrice indienne raconte avec une poésie lasse la jeunesse entravée de son pays.
Amérique du sud (2)
5 - Los Delincuentes de Rodrigo Moreno (Argentine) Coup de coeur pour ce film argentin qui épouse tous les genres, du film policier à la comédie romantique en passant par le western, le film de prison... autour de deux anti-héros attachants (et d'un sosie de Gabriela Sabatini). Ne soyez pas effrayer par la durée, l'intrigue rebondit sans cesse et provoque une vraie jubilation cinéphile.…
4 - Le Chant de la forêt de João Salaviza et Renée Nader Messora (Brésil) Un beau film ethnographique, plus réussi que le suivant car plus "brut", avec un magnifique personnage qui cherche sa place au monde après la mort de son père.
Océanie (1) 4 - Dance me to my song de Rolf de Heer (Australie) (2) - DVD Quel film unique... à la fois malaisant, grossier dans l'écriture avec la méchante sadique et le gentil niais mais qui parvient à nous créer une empathie assez dingue pour Heather Rose. Rolf de Heer ne prend aucun gant, le drame attendu se mue en home invasion.
Femmes : 5 Docs : 4 Film longue durée : Les Mille et une nuits de Miguel Gomes (Portugal)
Palmarès
Palme d’or : Small Axe : Lovers Rock de Steve McQueen Grand prix du jury : Matewan de John Sayles Prix du jury : Toute une nuit sans savoir de Payal Kapadia et Le Chant de la forêt de João Salaviza et Renée Nader Messora Scénario : Los Delincuentes de Rodrigo Moreno Mise en scène : Patricia Mazuy (Saint-Cyr) Acteur : Michel Piccoli (Le Saut dans le vide) Actrice : Heather Rose (Dance me to my song)
|