Cosmo a écrit:
Sinon, pour le paradoxe temporel : il n'y a pas de monde avant la boucle. John existe par la boucle, elle est là tout le temps. C'est parfait.
Je suis d'accord aussi avec la perfection de la boucle temporelle qui lie l'existence de John à Reese : c'est un des nombreux points forts du film, qui joue sur le fait que le héros doit faire en sorte non pas d'empêcher l'Apocalypse Nucléaire mais de créer le sauveur qui émergera de cette même Apocalypse.
Mais le renversement qui m'a toujours gêné dans
T2 ("No Fate but what we make") prend une ampleur plus mythologique (John devient vraiment un Messie, il y a immaculée conception s'il n'y a plus de jour du jugement) qui prend le pas sur le côté scientifique de Cameron, et tout son cinéma se nourrit de ça, et le sujet des Terminator également. Le paradoxe de la science créatrice et destructrice.
Beaucoup eu de plaisir à revoir les deux et les regarder à l'aune du dernier
Avatar puisque ça fait à chaque fois ressortir des éléments présents et exacerbés par la suite, mais aussi par rapport à l'industrie en général.
Pour le 1er :
_ le renversement des genres : Sarah qui détruit le Terminator bien sûr, mais aussi la séquence de meurtre de la coloc où, malgré ses jolies jambes, on passe plus de temps sur le copain qui se fait laminer en slip particulièrement seyant, comme une scream-queen en sous-vêtements dans un slasher (comme évoqué au-dessus)
_ la façon de créer un environnement accro à la technologie qui finit par tout dévorer : la coloc qui est abattue parce qu'elle a des écouteurs et n'entend pas l'intrusion du Terminator mais est en revanche distraite par la bestiole de Sarah. (y a aussi un joli jeu sur les t-shirts lors d'un dialogue téléphonique avec Einstein et les Jetsons qui se répondent)
_ profusion d'écrans un peu partout, dans les bars, l'arrière du restau, dans la scène d'interrogatoire...
_ le trip survivaliste et de l'apprentissage des armes avec l'
Anarchist Cookbook comme guide spirituel (ou Ancien Testament ?) et qui continuera dans le film suivant.
_ la meilleure pub Nike de tous les temps.
_ les emprunts au film noir et au film d'action : Ridley Scott et Walter Hill en tête pour l'ambiance enfumée du commissariat ou bien les scènes de nuit rappelant
Driver ou
48 hours.
- les dialogues hyper-secs et la manière de s'exprimer en rafales d'infos : sans doute un traumatisme pour Frank Miller qui va en abreuver ses titres (on est juste avant
The Dark Knight Returns ou
Born Again, et on ne me fera pas croire que le Matt Murdock de Miller et Mazzucchelli ne doit rien à Kyle Reese et l'interprétation enfiévrée de Michael Biehn). Qui nous dit aujourd'hui que Cameron ne sait pas dialoguer n'a jamais tendu l'oreille à
Terminator. Miller fera aussi un
RoboCop Vs Terminator et sa propre version avec
Hard Boiled.
_ d'ailleurs, outre les deux
Outer Limits écrits par Harlan Ellison (Soldier surtout et des éléments de Demon Witha Glass Hand) et qui ont "posé problème", on pourra quand même noter le smilitudes avec les deux épisodes des
X-Men de Claremont et Byrne en queue de comète de leur run (et instigués par Byrne en souvenir d'un épisode de Dr Who) : Days of Future Past (les Sentinelles, les camps de concentration, y a même des punks au début). Egalement sortis peu avant le tournage de
Terminator des épisodes de
Captain America par JM DeMatteis et Mike Zeck qui faisaient revenir Deathlok, le cyborg du futur venu d'un monde post apocalyptique qui demandait à Steve Rogers de l'aider à changer le cours du temps blabla vous voyez le genre. Deathlok,créé par Rich Buckler, qui aura aussi semble-t-il bien inspiré
RoboCop.
_ D'ailleurs, parlons-en de
RoboCop : quand le Terminator perd son œil, ça révèle son inhumanité, quand Robocop prend un jeton dans sa visière, ça révèle son humanité. Voilà.
Surtout Cameron a déjà dans sa mise en scène l'idée d'accéder une 3e dimension en mettant plusieurs actions sans différents plans de l'image : typiquement, l'entrée dans la boîte de nuit, où on peut suivre le Terminator mais également les réactions de la caissière et du videur après qu'il a brisé sa main.
Étrange et efficace aussi l'enchaînement de plans quand Sarah et Kyle sont dans le tunnel et que le décor uni en couleur et matière les présente comme seuls au monde, avant qu'ils n'en sortent et qu'une contre-plongée saisissante nous montre la forêt environnante, comme un Paradis qui va être perdu (et on peut se dire que jamais Kyle n'a vu un tel endroit). Pandora n'est pas loin.
Pour le 2e, l'action prend le pas sur la cohésion de l'ensemble, et déjà Jim le malinou parvient à contourner certains problèmes tout en en créant d'autres :
_ les lunettes par exemple, dans le 1er elles servent à masquer la blessure du robot, dans le 2e elles sont là juste pour faire cool et comme le premier.
_ C'est qu'entretemps, Schwarzenegger est devenu une star et c'est ce qui m'avait dérangé à sa sortie, la transformation en jouet super-cool pour gamin. Un parallèle quand même à faire avec la gamine qui contrôle Pandora dans Avatar : ici, le gamin contrôle la machine.
_ Schwarzie dont l’icône avait été créée dans le premier : voir la coupe de cheveux avant/après le passage dans les flammes (né dans les flammes) : est-ce à dire que Cameron est son Von Sternberg ? Je ne le sais.
_ Dans le premier, le Terminator reprenait les attributs et la voix des flics (il y a même des gyrophares sur les vaisseaux exterminateurs du futur), dans T2, comme dit au-dessus par FF c'est exacerbé avec le T-1000 qui est le traqueur ultime maquillé en policier poli. Là aussi, Cameron joue sur la post-humanité, puisque T-1000 est gender-fluid, il prend autant l'apparence d'hommes que de femmes.
_ l'aseptisation de la violence et l'irruption de gags réflexifs sur les situations outrancières (hihihi on tue personne, hihihi Hasta La vista baby hihihi ) sont des pieds-de-nez amusants mais on entame déjà ce qui va donner plus tard... eh oui... l'humour Marvel (enfin de certains, ne soyons pas plus Scorsesien que le roi), car tous ne sont pas intégrés au récit ("I need a vacation"). On sent l'héritage des prods Silver.
_ D'ailleurs Cameron a bien vu que McTiernan lui marchait sur les basques et refait Die Hard ni vu ni connu parce que quand même pour le prix-là, pourquoi ne pas offrir deux bons films en un ? L'accumulation, déjà.
_ Mais c'est de bonne guerre parce que les Wachowskis vont saisir le relais en refaisant la mixtape des meilleurs moments de
T2 avec
Matrix (en plus d'avoir fétichisé les lampes de poche comme dans le premier, lors de la traque de Reese).
_ étrange également, cette
Lost Highway de nuit qui va conclure le film et qui renvoie à la fois au film noir autant qu'il signe l'entrée dans un futur incertain, tout en le reliant quelques années plus tard à un autre cinéaste obsédé par la peur de l'Atome.
Au-delà des scories (le film s'arrête aussi pour résumer ses enjeux au lieu de bomber), je rejoins FF au-dessus sur le fait que la puissance du récit est de se concentrer sur quatre personnages (cinq avec Dyson) et de donner toujours une patte intime à l'action. Sûrement car il prend en compte dans une
suite des
séquelles autant psychologiques que physiques de ses héros (remarquable séquence où Sarah et le Terminator soignent leurs blessures l'un après l'autre).
C'était l'époque où dans son cinéma la souffrance, comme ces cicatrices sur le visage du John adulte, était acceptée comme synonyme d'humanité, et où le T-1000 et son irréalisme et son invincibilité étaient elles synonymes de danger.