Forum de FilmDeCulte

Román et Morán, deux modestes employés de banque de Buenos Aires, sont piégés par la routine. Morán met en oeuvre un projet fou : voler au coffre une somme équivalente à leurs vies de salaires. Désormais délinquants, leurs destins sont liés. Au gré de leur cavale et des rencontres, chacun à sa manière emprunte une voie nouvelle vers la liberté.

Il ne manquait donc bien pas un mais deux films argentins dans la compétition officielle cannoise de l'an dernier. A minima Frémaux aurait au moins pu faire l'effort d'en inclure un... Il faudra tout de même se demander pourquoi seul le cinéma argentin arrive à ce point à se fondre dans le sillage de la littérature sud-américaine. Je relisais ma critique de Trenque Lauquen de l'an dernier, et j'aurai quasiment pu faire un copier/coller ici. Et pourtant Moreno n'appartient pas au collectif El pampero (et à lire les interviews, cultive son rôle de frondeur, quand bien même il connaît nécessairement Llinas et compagnie). Mais c'est une même force fictionnelle qui est à l’œuvre ici. La fiction au service de l’émancipation cette fois, Los delicuentes étant parcourue d'un profond élan libertaire, une envie de lâcher prise total, d'abandonner une vie routinière et certains totems de la société contemporaine (smartphone, argent), au profit d'une reconnexion avec la nature et avec sa propre enfance. Sur ce dernier point (et c'est peut-être l'une des choses qui le rapprocherait le plus du film de Citarella), au-delà des histoires que l'on avait entendu plus jeune et qui tout d'un coup ressurgissent, c'est surtout le profond ludisme du film qui renforce son aspect enfantin, de ses multiples jeux sur la figure du double (et des split-screen, dont un faux qui m'a littéralement laissé sur le cul), les anagrammes, les nombres (qui redouble la figure du double, la somme qui doit être dérobée est finalement multipliée par 2, et lorsque Moran ressort de la salle des coffres et change le code de la serrure il choisit 3 nombres premiers)

Et si le film semble parfois avoir un petit fumet passéiste et conservateur (ce que le directeur de la banque revendique lui ouvertement), il est surtout empreint d'une douce mélancolie, qui regrette la perte d'une innocence passée (emblématiquement incarnée par Norma, qui fait spontanément chavirer les cœurs). On est en tout cas loin du maximalisme des héros du Diable, probablement de Bresson que Roman ira par deux fois voir dans un cinéma de Buenos Aires. Sans véritables idéaux, délinquants occasionnels à l'ambition extrêmement mesurée (ne voler qu'exactement le montant de son salaire jusqu'à la retraite), il n'espère rien de plus que de se déconnecter d'un mode de vie aliénant et poursuivre leur route paisiblement, dans leur coin, probablement à l'image de Moreno lui-même et de ses propres ambitions cinématographiques.

Celui-ci je vais essayer de pas le rater.

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Avec le dossier sur le cinéma argentin je me suis fait une longue liste de films à rattraper. Fou le nombre de films pas sortis en France, j’ai par exemple découvert que Laura Citarella avait fait 2 longs avant Trenque Lauquen. Mais oui, celui-ci est à ne pas rater, je n’ai sincèrement pas vu le temps passer, j’en aurai facile pris le double.

Gros coup de coeur pour moi. 5/6

Un film à la fois tout simple dans ce qu'il dit, dans son élan libertaire où on voudrait s'échapper de la routine du quotidien et d'un travail aliénant mais finalement assez complexe dans sa manière cinématographique. Pas complexe dans sa mise en scène ou même son scénario mais plutôt dans l'appréhension que l'on peut en avoir. Le film débute comme une simple comédie, efficace et gentiment drôle puis se transforme peu à peu en changeant de rythme et devient de plus en plus insaisissable. Pour faire des raccourcis qui n'ont pas grand sens mais qui sont parlant, ça commence comme du Pierre Salvadori, pour bifurquer sur du Jonas Trueba et finir quasiment avec du Lisandro Alonso... Alors tout ça est évidemment très très schématique mais dans l'idée il y a un peu de ça.

Cela crée un énorme plaisir ludique autour de la fiction où tout est possible, où tout se construit par petites touches parfois dérisoires et purement amusantes (le jeu sur les noms des quatres personnages, le coup du disque) ou par étrangeté (cette histoire de signature au début non résolue) et on se laisse joyeusement porter par cette intrigue qui abandonne vite son postulat criminel (qui finalement ne sera que le révélateur d'une mécanique d'humiliation et d'injustice sur le lieu de travail) au profit d'une echappée poétique et romantique.

J'ai quand même trouvé le temps un peu long, je me suis même assoupi brièvement au moment où l'un des personnages récite un poème. J'ai un peu décroché à ce moment là, je trouve que le film se fait trop flottant même si j'ai l'impression de voir où il veut en venir et que je suis plutôt séduit par cette proposition. Le film est parvenu à me transmettre en tout cas ces envies d'ailleurs, de fuite, de liberté tout simplement et ce n'est pas rien. Ces moments vers la fin de captation de la nature brute ont quelque chose de solennel et magnifique, le décor est sublime. Une belle découverte, à voir comment il vieillit.

4.5/6

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Lequel je vois pas ?

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Dans la chambre d’hôtel à Buenos Aires, Roman est assis sur le bout du lit, le champ est scindé en deux, lors du travelling arrière on se rend compte que la partie droite est un miroir (dans lequel on voyait Norma ?).

Ah oui je vois en effet.

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Cool que tu aies pu le voir en tout cas. Maintenant il faut rattraper Trenque Lauquen.

Oui content d'avoir réussi à le caser, c'était pas gagné. Bien envie de voir Trenque Lauquen oui (d'ailleurs j'ai reconnu l'actrice juste à cause de l'affiche dans Los Delincuentes).

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Oui il y'a de belles idées mais film un peu trop simple pour justifier plus de 3 heures de visionnage quand même.

3/6